Il y eu, de 1944 à 1945, une importante résistance antigaulliste et anti-américaine tant politique que militaire, en … France ! Vous ne le saviez pas ? C’est normal, les historiens français vous le cachent ! Seul un universitaire canadien, Perry Biddiscombe a osé s’intéresser au sujet (1). Ce qu’il nous révèle est, pour le moins, surprenant
Le Parti populaire français avait, à côté de son appareil légal classique, développé un embryon d’appareil clandestin. Si ses militants les plus « repérés » se replièrent avec les armées allemandes, des cellules clandestines chargées de continuer la lutte politique subsistèrent. Elles avaient ordre de se tenir éloignées de toute référence à Vichy et de baser leur propagande sur l’inéluctabilité d’une guerre civile qui serait déclenchée par le PCF. Le PPF « national et révolutionnaire » devait exercer son influence sur les événements intérieurs français, combattre les communistes, stigmatiser leurs responsabilités dans les massacres commis après la « libération » et leur attitude égoïste lors de la mobilisation ordonnée par de Gaulle ; bref enfoncer un coin entre les résistances communistes et anticommunistes. Dans la lutte, qu’elle pensait imminente entre une France nationale et une France rouge, les dirigeants du PPF percevaient une éventualité de survivre à la défaite militaire de l’Allemagne.
L’histoire leur donna tort, mais leurs militants appliquèrent les consignes dans les pires conditions politiques qui soient. Cela avec un fanatisme qui surprend à posteriori. Ainsi la dernière cellule clandestine du PPF fut découverte en mars 1945 à Paris (soit huit mois après la libération de la capitale) où elle diffusait du matériel de propagande et organisait encore des réunions clandestines.
Environ six mille membres du PPF s’étaient réfugiés en Allemagne où ils organisèrent un Comité français de libération équivalent des initiatives gaullistes londoniennes. Y compris la réplique des Forces françaises libres, mises en place depuis septembre 1944 : à partir de cette date, un milliers de Français volontaires se formèrent dans diverses écoles aux techniques de renseignement, de sabotage, de transmission, etc. À raison de dix à quinze par semaine, ils furent ensuite parachutés en France, ou en Afrique du Nord, où ils devaient créer des maquis ou renforcer ceux existant déjà.
L’historien Perry Biddiscombe analyse l’origine des maquisards pro-allemands : « Les recrues des maquis blancs provenaient de groupes bien définis : les membres de partis collaborationnistes, la Milice et les Allemands demeurés en France. »
Biddiscombe développe ensuite : « Le Parti populaire français, le Groupe Collaboration et le Rassemblement national populaire fournirent des résistants. Mais le PPF fut la plus importante source de recrutement, le Groupe Collaboration était en effet minuscule et les cadres du Rassemblement national populaire étaient faiblement armés, pauvrement entraînés et manquaient de conviction. (…) En janvier 1945, un appel fut aussi lancé aux militants de l’Action française dans Le Petit Parisien (numéro du 31/01/1945), leur demandant d’abandonner leur germanophobie et de rejoindre les maquis blancs afin de venger l’arrestation et la condamnation de leur chef Charles Maurras ».
Dès le débarquement en Normandie, le PPF avait entraîné certains de ses militants dans le Nord, à Thumeries, puis les avait infiltrés dans les territoires « libérés » pour y combattre les Américains. Il continua à fournir une part importante des recrues des « écoles techniques » qui furent formée en Allemagne à partir de septembre 1944. Profitant de proximités géographiques avec l’Italie ou l’Espagne des maquisards du PPF agirent dans les Basses-Alpes (des actions furent signalées en août et septembre 1944) et en Catalogne (des attentats y eurent lieu d’octobre à décembre 1944), tandis qu’à Marseille leur forte implantation dans la population Corse leur permettait de maintenir une guérilla urbaine jusqu’au 6 septembre 1944.
Quant aux Miliciens, ordre leur avait été donné de préparer des opérations de stay-behind. Des chefs régionaux comme Di Contanzo à Paris et Dagostini à Lyon les organisèrent et, dès l’été 1944, des maquis miliciens furent signalés à Bédarieux, près de Montpellier, en Haute-Garonne et dans la Vienne. À l’automne, c’est un milicien qui parachuté près de Melun avec quatre compagnons tenta d’y organiser des activités de résistance.
Des Allemands, isolés du fait de l’avance rapide des Alliés, s’organisèrent en « corps franc » et harcelèrent les « troupes d’occupation » et les FFI. Leurs activités se continuèrent dans certaines régions jusqu’en fin décembre 1944. Ce fut le cas en Bretagne, dans le Cantal, dans le Limousin, dans les Pyrénées et dans les Basses-Alpes. Par ailleurs, divers soulèvements de camps de prisonniers allemands eurent lieu (à Achère près de Paris en décembre 1944, à Emansé en Seine-et-Oise le même mois. À Castillon dans les Basses Alpes un tel soulèvement fut éventé en janvier 1945) qui occasionnèrent des troubles notables et qui alimentèrent en hommes les maquis blancs.
Les raisons du volontaire oubli de cette page de l’histoire française sont double : le camp des vainqueurs ne peut tolérer l’idée même qu’on leur ait opposé une résistance car celle-ci remet en cause les bases mêmes de leur combat ; les vaincus quant à eux préférèrent oublier, pour assurer leur propre survie cet épisode que de s’en vanter.
Article rédigé pour Flash en octobre 2010.
Depuis la parution de cet article est paru en France :Les maquis blancs d’Olivier Pigoreau (2022).
Notes : 1 – Perry Biddiscombe, The Last White Terror : The Maquis Blanc and its Impact in Liberated France, 1944-1945, The Journal of Modern History n° 73, 2001, et The Hidden History of the Nazi Resistance Movement 1944-1945, Tempus, 2006