António Sardinha et l’intégralisme lusitanien

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Dans cette communication, nous parlerons d’António Sardinha et de l’Intégralisme lusitanien, le mouvement civico-politique catholique, traditionaliste et monarchiste dont il fut le dirigeant et  le principal doctrinaire et dont les idées, de l’avis du non catholique et républicain Fernando Pessoa, étaient « les seules à avoir un système et une cohérence » dans le Portugal de son époque[1].

Tout d’abord, il faut souligner qu’António Sardinha a eu d’innombrables lecteurs et admirateurs non seulement au Portugal comme le comte de Monsaraz, Hipólito Raposo,  Rolão Preto,   Luís de Almeida Braga,  Pequito Rebelo,  Manuel Múrias,  Rodrigues Cavalheiro,  Afonso Lopes Vieira,  João Ameal,  Marcelo Caetano,  Fernando de Aguiar,  Jacinto Ferreira,  Mário Saraiva,  Henrique Barrilaro Ruas et même  Salazar; en Espagne comme Ramiro de Maeztu, Pemán et Francisco Elías de Tejada et au Brésil comme Oliveira Lima, Jackson de Figueiredo, Gilberto Freyre, Arlindo Veiga dos Santos, Sebastião Pagano, Plínio Salgado, Gustavo Barroso, Câmara Cascudo, Guilherme Auler, Vicente do Rego Monteiro, José Pedro Galvão de Sousa, Ítalo Galli, Clovis Lema Garcia et Ricardo Dip, ainsi qu’en Italie comme Julius Evola. Ce dernier a d’ailleurs cité Sardinha dans une note de son ouvrage Les hommes au milieu des ruines)[2], soulignant que le penseur portugais avait raison de dire que la Tradition n’est pas seulement le passé, mais plutôt  « la permanence dans la continuité »[3].

António Sardinha, qui, selon Fernando de Aguiar, avait été amené par Hipólito Raposo « à la conversion, à la Foi, à la Tradition, au municipalisme, d’où il irait vers une Monarchie, populaire et décentralisatrice, royale et représentative des peuples »,[4] fut, selon Ramiro de Maeztu, « le créateur et le moteur du mouvement dit “intégraliste”, dont l’idée mère consistait à croire que la santé de la société portugaise ne pouvait se trouver que “dans un retour aux conditions naturelles de sa formation et de son développement” ». Sardinha a trouvé la devise de ce retour, selon Maeztu, dans une phrase qu’il attribue à Renan, mais qui vient en fait de son petit-fils, Ernest Psichari, comme Sardinha lui-même l’a souligné[6]: « Nous devons prendre le parti de nos plus grands contre le parti de nos pères ». Ses principaux inspirateurs, ou « pères spirituels », sont, selon le penseur et homme politique espagnol, Eça de Queiroz, Guerra Junqueiro, Ramalho Ortigão, Fialho d’Almeida et, « un peu plus loin dans le temps », Oliveira Martins, Antero de Quental et Camilo Castelo Branco, tous « patriotes, aussi saturés de la grandeur passée du Portugal que désespérés de sa petitesse contemporaine »[7].

Né à Monforte, dans l’Alentejo, le 9 septembre 1888 et mort à Elvas, également dans l’Alentejo, le 10 janvier 1925, António Maria de Sousa Sardinha, ou plus simplement António Sardinha, principal doctrinaire et leader du mouvement de régénération connu sous le nom d’Intégralisme lusitanien, était un poète, essayiste, journaliste et doctrinaire politique.

Lorsqu’il mourut, à l’âge de trente-six ans seulement, il n’avait pas laissé de descendance physique, son fils unique étant mort peu de temps auparavant, alors qu’il était encore pratiquement nouveau-né[8], ouvrant dans son cœur, comme l’a écrit Luís de Almeida Braga, « une plaie qui saignait à jamais »[9]. Cette perte fut la « première des grandes espérances mortes de quelqu’un qui méritait tant de la vie », comme l’ont écrit ses frères dans l’idéal dans la revue Integralismo Lusitano : estudos portugueses, à l’occasion du transfert des cendres du poète et doctrinaire traditionaliste, au huitième anniversaire de sa mort, dans sa propre tombe au cimetière de la ville natale de l’infatigable « Batailleur de l’esprit », qui y reposa à côté de son « fils bien-aimé »[10].

Poète inspiré, Sardinha a chanté avant tout la tradition de la nation portugaise, monarchique et catholique. Ses sonnets et ses poèmes sont, selon Gilberto Freyre, « une poésie pleine de noblesse intellectuelle »[11] : Tronco reverdecido (1910),[12] A epopeia da planície (1915),[13] Quando as nascentes despertaram (1921),[14] Na corte da Saudade (1922),[15] Chuva da tarde (1923),[16] Era uma vez um menino (1926),[17] Roubo de Europa (1931)[18] et Pequena casa lusitana (1937)[19] Il était un « grand poète », selon Gilberto Freyre.

Bien qu’il ait été un « grand poète », comme l’a dit à juste titre le poète, essayiste et critique littéraire portugais Amândio César[20], c’est en tant qu’essayiste qu’António Sardinha a révélé toute sa valeur. Selon Arlindo Veiga dos Santos, cet « éminent maître traditionaliste »[21] nous a légué, comme l’a souligné Gilberto Freyre, « des œuvres remarquables d’érudition historique »[22]: O valor da Raça (1915)[23], Ao princípio era o Verbo (1924)[24], a introdução aos Memórias e alguns documentos para a História e Teoria das Cortes Gerais, do segundo Visconde de Santarém (1924)[25], Ao ritmo da ampulheta (1925)[26], A aliança peninsular (1925)[27], Na feira dos mitos (1926)[28], Glossário dos tempos (1942)[29] et À lareira de Castela (1943)[30] Il nous a également laissé « un remarquable travail d’érudition historique ».

Comme l’a souligné António José de Brito, les traits les plus vifs et caractéristiques de l’œuvre d’António Sardinha, que l’on peut résumer par traditionalisme et nationalisme, garantissent à l’auteur de Ao ritmo da ampulheta et A aliança peninsular « une place très haute et élevée, la place de quelqu’un qui reste debout au milieu d’un monde en ruines »[31].

Avec António Sardinha, de jeunes intellectuels portugais comme Alberto de Monsaraz, Luís de Almeida Braga, José Adriano Pequito Rebelo, Francisco Rolão Preto, Hipólito Raposo, João do Amaral et Domingos Garcia Pulido se sont battus pour une nouvelle nation portugaise dont les institutions seraient basées sur la tradition nationale. Ils sont tous les hérauts de l’« Intégralisme lusitanien », expression utilisée pour la première fois en 1913 par Luís de Almeida Braga, dans la revue Alma Portuguesa, publiée en Belgique, alors qu’il y est exilé avec Rolão Preto, Simeão Pinto de Mesquita et d’autres jeunes impliqués dans les incursions monarchistes de 1911 à partir de la Galice, commandées par Paiva Couceiro[32]. En 1914, Luís de Almeida Braga publia la revue Nação Portuguesa, éditée en Belgique.

En 1914, dans la revue Nação Portuguesa, dirigée par Alberto de Monsaraz, l’expression « Intégralisme lusitanien » désigne déjà, comme le souligne José Manuel Quintas, un « index de solutions sous le titre “monarchie traditionnelle, organique, antiparlementaire” »[33] L’Intégralisme lusitanien émerge alors politiquement, un mouvement qui représente, selon les termes de Marcelo Caetano, « l’affirmation la plus complète et la plus importante des doctrines nationalistes, en politique et en économie » qui ait eu lieu au Portugal[34].

La monarchie traditionnelle prônée par le programme intégraliste n’est rien d’autre que la monarchie dans laquelle le Roi règne et gouverne, mais voit son pouvoir concrètement limité par les assemblées, composées des représentants des corps intermédiaires, des groupes naturels qui composent la société, qui sont chargées d’administrer les affaires de l’État. C’est la monarchie de saint Louis, roi de France ; le régime mixte, ou monarchie tempérée, considéré par saint Thomas d’Aquin comme la meilleure de toutes les formes de gouvernement[35]; la monarchie, en somme, qui prévalait en Espagne et au Portugal sous les Cortès, en France sous les États généraux, en Angleterre sous le Parlement et en Allemagne sous la Diète[36].

Le « programme » intégraliste de 1914 prône également le nationalisme. En effet, l’intégralisme lusitanien est un mouvement éminemment nationaliste, dont l’objectif principal est de restaurer la grandeur perdue de la nation portugaise, choisie par Dieu pour étendre la Foi et l’Empire. C’est d’ailleurs ce que soutient António Sardinha dans Au commencement était le Verbe : « Ce que nous devons faire, c’est redonner à la Patrie le sentiment de sa grandeur – non pas une grandeur rhétorique ou emphatique, mais naturellement, la grandeur qui vient de la vocation supérieure qui appartient au Portugal dans le plan providentiel de Dieu, en tant que nation ointe pour l’expansion de la Foi et de l’Empire. L’expansion de la Foi et de l’Empire équivaut à reprendre le scénario brisé de la civilisation. Les motifs de lutte et d’apostolat qui nous poussaient autrefois à la croisade et à la navigation demeurent »[37].

Cela dit, il est important de souligner que, pour António Sardinha, le nationalisme découle du traditionalisme, qui est compris comme « la continuité dans le développement », comme « la permanence dans le renouvellement »[38].

Toujours selon Sardinha, si le traditionalisme, d’une part, « par rapport à chaque patrie », « suppose un nationalisme », il suppose, d’autre part, « par rapport à l’humanité entière, un universalisme », un universalisme qui ne se confond pas avec le cosmopolitisme et l’internationalisme, étant « l’universalisme que professait le Moyen Âge et auquel Auguste Comte rendait un si chaleureux hommage : la société internationale rétablie et restaurée sur les seuls fondements durables, ceux de la chrétienté »[39].

Pour l’auteur de l’Alliance péninsulaire, le « nationalisme sans universalisme » représente, de manière dérivée : « Soit un noyau tumultueux du principe des nationalités, fils de la Démocratie [libérale] et qui balkanise aujourd’hui l’Europe, soit un lâche renoncement suicidaire au rôle qui revient à chaque patrie dans l’enrichissement toujours plus grand du patrimoine collectif de la civilisation »[40].

Enfin, Sardinha part du principe qu’il existe deux nationalismes : l’un vrai, équilibré, juste, édifiant et tendant à l’universalisme, et l’autre faux, exagéré, anti-traditionnel et anti-universaliste, plaçant la nation au-dessus de la morale et même de Dieu.

Cela dit, il convient de souligner que le nationalisme de l’Intégralisme lusitanien – comme d’ailleurs celui du Patrianovisme et de l’Intégralisme brésilien – est complété par le transnationalisme hispanique, que Sardinha défend tout au long de son œuvre et en particulier dans L’Alliance péninsulaire.

Il est important de souligner que le Portugal, tout comme le Brésil, est aussi hispanique que l’Espagne et que le terme hispanique dérive de Hispania, le nom de toute la péninsule, également connue sous le nom d’Ibérie[41] En fait, le Portugal et le Brésil font partie des « Espagnes » dont parlait Francisco Elías de Tejada[42], et Ramiro de Maeztu n’a pas hésité à les inclure parmi les nations hispaniques dans son ouvrage Defensa de la Hispanidad : « Première question : faut-il y inclure le Portugal et le Brésil ? Les Portugais protestent parfois. Je ne pense pas que les plus cultivés le fassent. Camões les appelle (Lusíadas, Canto I, str. XXXI) :  Huma gente fortissima de Espanha. André de Resende, l’humaniste, a dit la même chose, avec des mots qui font l’éloge de Mme Carolina Michaëlis de Vasconcelos : Hispani omnes sumus. Almeida Garrett a également déclaré : Nous sommes hispaniques et nous devons appeler hispaniques tous ceux qui habitent la péninsule hispanique. Et Dom Ricardo Jorge a dit : Que la péninsule soit appelée Hispania, ses habitants hispaniques où qu’ils soient, ce qui les concerne hispanique. Les Hispaniques sont donc tous les peuples qui doivent leur civilisation ou leur existence aux peuples hispaniques de la péninsule. L’hispanité est le concept qui les englobe tous »[43].

Dans la préface de son ouvrage À lareira de Castilla, António Sardinha raconte que c’est lors de son exil en Espagne, à l’ombre de la cathédrale de Tolède, qu’il a ressenti, comme « une réalité vivante », l’« Espagne-Madre », l’Espagne des inscriptions classiques et des écritures primitives, qui « est autant Castille qu’Aragon, autant le Portugal que la Navarre », voyant dans l’Hispanie l’unité non pas de race ou de terre, dans son sens immédiat, mais plutôt “l’unité culturelle et sociale du haut destin que le Portugal et la Castille ont noblement réalisé dans l’Univers, étendant avec la Foi et l’Empire le même idéal supérieur de civilisation” [44]

Au Brésil, parmi les différents auteurs qui ont défendu l’hispanité du Portugal et du monde lusitanien, on peut citer les noms de José Pedro Galvão de Sousa[45], Gilberto Freyre[46] et Bento Munhoz da Rocha[47].

Face à la faiblesse du libéralisme et à l’État totalitaire défendu par les fascistes et pratiqué par les communistes et les nationaux-socialistes, les intégralistes lusitaniens luttent pour l’État intégral, qui n’est pas une fin, mais un instrument, un moyen au service du « bien commun, de la civilisation générale et du service de Dieu ». Selon José Pequito Rebelo, l’« idée totalitaire » doit être définie « non pas par la formule que tout a sa fin dans l’État, mais plutôt que l’État doit remplir toutes ses fins »[49].

En avril 1916, avec l’entrée du Portugal dans la Première Guerre mondiale, les intégralistes lusitaniens annoncent leur transformation en organisation politique. Le Conseil central du mouvement nouvellement constitué signe alors un Manifeste appelant tous les monarchistes à se battre pour la défense du pays en guerre[50].

En 1917, lorsque Sidónio Pais accède au pouvoir, les intégralistes collaborent activement avec son gouvernement. Comme le souligne José Manuel Quintas, le projet des Sidonistes d’inclure une représentation socioprofessionnelle au Sénat avait pour eux une « signification politique profonde » : mettre fin au monopole de représentation des partis idéologiques (régime parlementaire), permettre la représentation des municipalités, des syndicats ouvriers et des corporations, par exemple, ce qui représenterait « un premier pas vers le rétablissement de la démocratie organique de l’ancienne monarchie portugaise »[51].

Comme le rappelle Hipólito Raposo, l’intégraliste lusitanien Pequito Rebelo fut invité à occuper le poste de commissaire général à l’agriculture, mais il le refusa, car il était monarchiste et, en tant que tel, pensait ne pas pouvoir accepter de postes de confiance dans la République, même si celle-ci était présidée par un « homme d’une telle envergure intellectuelle et morale »[52]. Rebelo promit cependant de fournir à Sidónio Pais toutes les études dont il disposait, afin de tenter de résoudre la grave crise économique « au moyen d’une organisation agraire diligente et judicieuse ». L’étude fut remise, mais elle se perdit probablement « dans la confusion des événements tragiques qui ont suivi le cours de la politique portugaise »[53].

L’Intégralisme lusitanien collabora également avec le gouvernement de Sidónio Pais dans la réforme de l’Instruction publique, que Fidelino de Figueiredo défendit avec le ministre Alfredo de Magalhães[54].

À l’époque, trois députés intégralistes sont élus, dont António Sardinha, et, comme l’écrit Hipólito Raposo, les intégralistes rédigent même un projet de constitution politique, qui est remis à Sidónio Pais et accueilli avec enthousiasme par celui-ci, mais qui est probablement perdu à jamais, s’il n’est pas « étouffé par prudence »[55].

Après l’assassinat de Sidónio Pais, les intégraliste arrivent à la conclusion que le moment est venu de restaurer le Trône. Face à la réaction des partis idéologiques, qui cherchent à restaurer le régime parlementaire républicain, les intégralistes jouent un rôle actif dans la déclaration restauratrice de janvier 1919, qui aboutit à l’éphémère « Monarchie du Nord »[56].

En 1925, avec la mort prématurée d’António Sardinha, le mouvement intégriste lusitanien commence à décliner. L’année suivante, les intégralistes jouent un rôle important dans les mouvements politiques et militaires qui aboutissent victorieusement au renversement du régime parlementaire le 28 mai de la même année. Cependant, peu après la destitution du général Gomes da Costa, la Junte centrale ntégraliste a commencé à exprimer ses réserves quant à l’évolution politique de la dictature. Ces réserves n’ont toutefois pas été bien accueillies dans les rangs du mouvement intégraliste lusitanien. En conséquence, de nombreux membres du mouvement ont continué à soutenir le gouvernement en place, ce qui a entraîné de nombreuses dissidences et scissions : en 1927, José Maria Ribeiro da Silva, Pedro Teotónio Pereira, Manuel Múrias, Rodrigues Cavalheiro, Marcelo Caetano, Pedro de Moura e Sá quittent le mouvement ; en 1929, Teotónio Pereira et Marcelo Caetano rompent définitivement avec le mouvement, avec la dissolution de l’Institut António Sardinha; en 1930, João do Amaral fait une dissidence complète et définitive, lui dont la rupture avait déjà commencé en 1927, avec la création de la revue Ideia Nacional[57].

En 1931, une fois consommée la rupture entre les principaux leaders intégralistes et la dictature et face à la série de défections et de dissidences que nous avons évoquées, Francisco Rolão Preto et Alberto de Monsaraz, suspendant leurs prétentions à restaurer la monarchie et créent le Mouvement national-syndicaliste[58], qui sera dissous par Salazar en 1934.

Après avoir évoqué le Mouvement national-syndicaliste, il nous semble nécessaire de souligner que, contrairement à ce que beaucoup pensent, il s’est toujours proclamé différent du fascisme italien et du national-socialisme allemand, et qu’il a également condamné la conception totalitaire de l’État. Dans une interview accordée à United Press en 1933 et publiée dans le journal espagnol Esfera, Francisco Rolão Preto, chef de ce mouvement fortement influencé par la doctrine sociale de l’Église et l’intégraliste lusitanien, a déclaré : « Le fascisme et l’hitlérisme sont des totalitarismes, des divinisateurs de l’État, des césaristes : nous autres, nous entendons trouver dans la tradition très chrétienne du peuple portugais la formule qui nous permettra d’harmoniser la souveraineté indiscutable de l’intérêt national avec notre dignité morale d’hommes libres[59].

Plus tard, lors du célèbre banquet organisé au Parque Eduardo VII de Lisbonne en février 1934, Rolão Preto tint à souligner le sens des intentions du Mouvement national syndicaliste « au-delà de la démocratie, du fascisme et du communisme »[60], ainsi que l’importance de la mission du Mouvement national syndicaliste.

En 1932, lorsque le roi Manuel II meurt sans laisser de descendance, le Mouvement intégraliste lusitanien « finit par se dissoudre pour intégrer la mouvance formée autour du roi Duarte Nuno », descendant du roi Miguel Ier. Cependant, contrairement à la majorité des anciens partisans du roi Manuel II qui, à l’invitation de Salazar, collaborèrent avec l’Estado Novo naissant, les intégralistes le combattirent dès le début[61]. Ils combattirent également l’Estado Novo.

S’il est vrai que, d’une part, António de Oliveira Salazar admirait l’intégralisme lusitanien et était indéniablement influencé par lui, ce qui a conduit Machado Paupério à affirmer que l’Estado Novo dérivait des « idées d’Antônio Sardinha »[62], d’autre part, il ne pouvait pas compter sur le soutien des intégralistes, surtout parce qu’il ne restaurerait pas la Monarchie Traditionnelle.

Dans O Sistema Corporativo [Le système corporatif], de 1938, Marcelo Caetano, après avoir reconnu « l’influence considérable que l’expérience italienne a exercée sur le rajeunissement de la pensée corporative », évident dans la Constitution de l’Estado Novo et le Statut national du travail, qui s’inspirait de la Carta del Lavoro italienne, soulignait que l’acceptation de la doctrine intégraliste par une grande partie de la jeunesse portugaise avant 1926 lui confère un rôle très important dans la formation de notre sensibilité corporatiste, et même dans la législation de l’Estado Novo.

Comme le souligne Leão Ramos Ascensão dans son ouvrage O Integralismo Lusitano, publié en 1943, « la doctrine de l’intégralisme lusitanien a rayonné fortement dans tous les secteurs de la société portugaise », et l’on peut dire que « certains de ses points sont aujourd’hui unanimement acceptés ». Les intégraliste, cependant, ne se réjouissent pas, car « les principes intégraliste formaient un système cohérent et harmonieux, dont les avantages ne pouvaient être réalisés qu’en l’adoptant en bloc », mais « mutilé, en lambeaux, tout le système est compromis et sa dénaturation peut entraîner plus d’inconvénients que d’avantages ». La « clé de voûte de tout le système est la royauté héréditaire » et « l’acceptation du système sans sa conclusion logique le rend inefficace et contre-productif et peut être la source de sa chute »[64].

Dans les années 1930 et 1940, les troisième et quatrième générations de l’intégraliste lusitanien sont représentées par des revues comme Gil Vicente, dirigée par Manuel Alves de Oliveira, des journaux comme Aléo, dirigé par Fernão Pacheco de Castro, et des maisons d’édition comme Edições Gama, dirigée par Leão Ramos Ascensão, Centeno Castanho et Fernando Amado. En 1945, le Centre national de la culture est créé[65].

Dans les années 1950, les jeunes sont déjà en mesure de recevoir l’héritage intégraliste par le biais d’une réactualisation doctrinale intitulée « Le Portugal restauré par la monarchie ». À la même époque, de nouvelles publications apparaissent, comme la revue Cidade Nova, de José Carlos Amado, Afonso Botelho et Henrique Barrilaro Ruas, et des journaux comme O Debate, d’António Jacinto Ferreira et Mário Saraiva[66]. Le mouvement des « monarchistes idépendants » prend également de l’ampleur.

Ce mouvement des « monarchistes indépendants », qui rassemble une grande partie des nouvelles générations formées par les maîtres de l’intégralisme lusitanien, présente son manifeste en 1957. L’année suivante, Luís de Almeida Braga et Francisco Rolão Preto se prononcent en faveur de la candidature d’Humberto Delgado à la présidence de la République. Selon José Manuel Quintas, « c’est la fin des “années de plomb de l’Estado Novo” (expression de Fernando Rosas), les intégraliste se trouvant dans de meilleures conditions pour attirer les monarchistes désabusés »[67].

Aujourd’hui, comme le souligne Mário Saraiva, « les jeunes générations, tournées vers la découverte de l’histoire qui leur a été cachée de manière antipatriotique », montrent « une curiosité particulière pour les doctrines intégraliste, également cachées par les moyens factieux de communication et d’information »[68]. Nous espérons que cette curiosité pour les doctrines de l’intégralisme lusitanien ne fera que croître au Portugal, la Grande Patrie d’où est née notre Patrie, tout comme nous sommes certains que le nom illustre d’António Sardinha, courageux défenseur de la Foi et de la Tradition lusitaniennes, continuera à vivre, illuminant, comme un phare, l’avenir de cette petite grande Nation qui créa jadis un vaste Empire.

Victor Emanuel Vilela Barbuy,

Président national du Front intégraliste brésilien

Notes :

[1] Da República (1910-1935),Recolha de textos por Maria Isabel Rocheta e Maria Paula Morão, Introdução e organização de Joel Serrão, Lisboa, Ática, 1978, p. 354.

[2] Los hombres y las ruinas, Capítulo I, Tradução castelhana não assinada. Disponível em: http://juliusevola.blogia.com/2010/092601-los-hombres-y-las-ruinas.-capitulo-i.-revolucion-contra-revolucion-tradicion.php. Acesso em 08 de setembro de 2014.

[3] Na feira dos mitos: idéias & factos, 2ª edição, Porto, Edições Gama, 1942, pp. 11 e 16. Grifos em itálico no original.

[4] Gente de casa: retratos de homens & perfis de ideias, Lisboa, Sigma, 1948, p. 185.

[5] Prologo de la primera edición española (1930), in António SARDINHA, A aliança peninsular, 3ª edição, Lisboa, qp, 1975, p. LXII. Tradução nossa.

[6] Ao princípio era o Verbo, 2ª edição, Lisboa, Editorial Restauração, 1959, p. 10.

[7] Prologo de la primera edición española (1930), in António SARDINHA, A aliança peninsular, cit., pp. LXII e LXIII. Tradução nossa.

[8] Cf. Guilherme AULER, Antonio Sardinha, Recife, Ciclo Cultural Luso-Brasileiro, 1943, p. 29.

[9] Estudo, in António SARDINHA, Roubo de Europa, Lisboa: J.F. Alves, 1931, p. XXIX.

[10] INTEGRALISMO LUSITANO, Antonio Sardinha, in Integralismo Lusitano: estudos portugueses, Volume I, Fascículo X, janeiro de 1933, p. 575.

[11] Antonio Sardinha. Disponível em: http://www.angelfire.com/pq/unica/il_gf_antonio_sardinha_por_gilberto.htm. Acesso em 08 de setembro de 2014. Artigo originalmente publicado na Revista do Norte, ano I, nº 1, Recife, 1925, pp. 5-6.

[12] Tronco reverdecido, Lisboa, Livraria Clássica Editora, 1910.

[13] A epopeia da planície, 2ª edição, Lisboa, Editorial Restauração, 1960.

[14] Quando as nascentes despertam, Lisboa, Livraria Ferin, 1921.

[15] Na corte da Saudade: sonetos de Toledo, Lisboa, Lumen, 1922.

[16] Chuva da tarde, Lisboa, Lumen, 1923.

[17] Era uma vez um menino, Lisboa, Livraria Universal, 1926.

[18] Roubo de Europa, Prefácio de Luís de Almeida Braga, Lisboa, Valentino de Sá, 1931.

[19] Pequena casa lusitana, Porto, Livraria Civilização, 1937.

[20] O poeta António Sardinha, in Reconquista, vol. III, n°s 2/3, São Paulo, 1952, p. 154.

[21] Roubo de Europa. In Reconquista, vol. III, n°s 2/3, São Paulo, 1952, p. 139.

[22] Antonio Sardinha, cit.

[23] O valor da Raça: introdução a uma campanha nacional,Lisboa, Almeida, Miranda & Sousa Editores, 1915.

[24] Ao princípio era o Verbo, cit.

[25] A Teoria das Cortes Gerais, 2ª edição, Lisboa, qp, 1975.

[26] Ao ritmo da ampulheta. 2ª ed. Lisboa: Biblioteca do Pensamento Político, 1978.

[27] A aliança peninsular, cit.

[28] Na feira dos mitos: ideias & factos, cit.

[29] Glossário dos Tempos, Lisboa, Edições Gama, 1942.

[30] À lareira de Castela, Lisboa, Edições Gama, 1943.

[31] António Sardinha sem disfarces, in Para a compreensão do pensamento contra-revolucionário: Alfredo Pimenta, António Sardinha, Chales Maurras, Salazar, Lisboa, Hugin, 1996, p. 95. Ensaio originalmente publicado em 1985, em número especial da revista Futuro Presente, de Lisboa.

[32] O artigo de Almeida Braga intitulado Integralismo Lusitano (anunciação) e publicado na revista Alma Portuguesa, nº II, série I, Lovaina, setembro de 1913, se encontra disponível em: http://www.angelfire.com/pq/unica/il_1913_IL_anunciacao_alma_portuguesa.htm. Acesso em 08 de setembro de 2014.

[33]Integralismo Lusitano – uma síntese. Disponível em: http://www.angelfire.com/pq/unica/il_jmq_integralismo_lusitano_sintese.htm. Acesso em 08 de setembro de 2014.

[34] Lições de Direito Corporativo,Lisboa, 1935, p. 12.

[35] Suma Teológica. 1ª parte da 2ª parte, Questão 105, Artigo 1º, Solução, Tradução de Alexandre Corrêa, Organização e direção de Rovílio Costa e Luís Alberto de Boni, Porto Alegre, Escola Superior de Teologia São Lourenço de Brindes, Livraria Sulina Editora; Caxias do Sul: Universidade de Caxias do Sul, 1980, p.1902. No opúsculo Do governo dos príncipes ao Rei de Cipro, Santo Tomás de Aquino, tendo em vista a mesma espécie de Monarquia, igualmente observou que é a Monarquia a melhor dentre as diferentes formas de governo(Do governo dos príncipes ao Rei de Cipro e do governo dos judeus à Duquesa de Brabante, 2ª edição, Tradução de Arlindo Veiga dos Santos. Prefácio de Leonardo van Acker. São Paulo: Editora Anchieta S/A, 1946, 43 e 45).

[36] Cf. Victor Emanuel Vilela BARBUY, A Monarquia Tradicional. Disponível em: http://monarquiatradicional.blogspot.com/2010_05_01_archive.html. Acesso em 09 de setembro de 2014. Sobre a Monarquia Tradicional: Francisco Elías de TEJADA, La Monarquía Tradicional, Madrid, Ediciones Rialp, S.A., 1954; Rafael GAMBRA, La Monarquía Social y Representativa en el pensamiento tradicional, Madrid, Ediciones Rialp, 1954; António SARDINHA, A Teoria das Cortes Gerais, cit.

[37] Ao princípio era o Verbo, cit., p. 14

[38] Idem, p. 10.

[39] Idem, p. 11.

[40] Idem, loc. cit.

[41] Cf. Victor Emanuel Vilela BARBUY, Brasil, Pátria hispânica, Grande Nação do passado e do futuro. Disponível em: http://cristianismopatriotismoenacionalismo.blogspot.com/2008/03/brasil-ptria-hispnica-grande-nao-do.html. Acesso em 09 de setembro de 2014.

[42] Las Españas. Madri: Ediciones Ambos Mundos, S. L., 1948.

[43] Defensa de la Hispanidad, Capítulo I: La Hispanidad y su dispersión. Disponível em: http://hispanidad.tripod.com/maezt3.htm. Acesso em 09 de setembro de 2014.

[44] À lareira de Castela, cit., pp. 12-13.

[45] SOUSA, José Pedro Galvão de. O Brasil no Mundo Hispânico. São Paulo: Ed. do autor, 1962.

[46] FREYRE, Gilberto. O Brasileiro entre os outros hispanos: afinidades e possíveis futuros nas suas inter-relações. Rio de Janeiro: José Olympio, 1975.

[47] ROCHA, Bento Munhoz da. Uma interpretação das Américas. Rio de Janeiro: José Olympio, 1948.

[49] Espanha e Portugal: unidade e dualidade peninsular, in António SARDINHA, A aliança peninsular, cit., p. CXXXIII.

[50] Cf. José Manuel QUINTAS, Integralismo Lusitano – uma síntese, cit.

[51] Idem.

[52] Folhas do meu cadastro, vol. I. Lisboa: Edições Gama, 1945, p. 38.

[53] Idem, loc. cit.

[54] Idem, loc. cit.

[55] Idem, p. 37.

[56] Cf. José Manuel QUINTAS, Integralismo Lusitano – uma síntese, cit.

[57] Idem.

[58] Idem.

[59] A traição burguesa, Lisboa, Pro Domo, 1945, p. 246.

[60] Idem, p. 245.

[61] Cf. José Manuel QUINTAS, Integralismo Lusitano – uma síntese, cit.

[62] Teoria Geral do Estado. 7ª edição, Rio de Janeiro, Forense, 1979, p. 125.

[63] O Sistema Corporativo, Lisboa, 1938, pp. 27-29.

[64] O Integralismo Lusitano, Porto, Edições Gama, 1943, pp. 134-135.

[65] QUINTAS, José Manuel. Integralismo Lusitano – uma síntese, cit.

[66] Idem.

[67] Idem.

[68] Frontalidade: ideias, figuras e factos, Prefácio do Professor Doutor Pedro Soares Martinez. Lisboa, Universitária Editora, 1995, p. 48.

 

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