Codreanu : orthodoxie et traditionalisme à l’ère de la modernité

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Dans les affres de la modernité, où chaque pilier de la tradition était soumis à l’effacement par le tsunami de la laïcité, une figure s’est levée dans les terres de l’Europe de l’Est : Corneliu Zelea Codreanu. Il n’a pas seulement émergé en tant que leader politique ou nationaliste, mais aussi en tant que paladin des valeurs spirituelles profondément enracinées dans la tradition chrétienne orthodoxe, résistant farouchement à la tempête de la dégénérescence.

Le monde moderne, comme l’a constamment fait remarquer le penseur politique russe Alexandre Douguine, est un cataclysme pour les sociétés traditionnelles. Son ethos d’individualisme débridé, de sécularisme et de matérialisme cherche à annihiler tout vestige du sacré. C’est dans ce contexte que la vie et l’œuvre de Codreanu méritent d’être interprétées, non seulement comme une entreprise politique, mais aussi comme une profonde résistance spirituelle.

La trajectoire de la vie de Codreanu a été clairement définie par l’orthodoxie. Né sur les terres de Roumanie, où les échos de la tradition byzantine résonnent encore aujourd’hui, Codreanu a été imprégné des enseignements éthérés de l’Église orthodoxe. L’Église, avec ses liturgies mystiques et sa riche théologie, n’était pas pour lui une simple institution religieuse ; elle était l’âme même du peuple roumain.

Le point de vue de Douguine sur la tradition est ici pertinent. Il considère les sociétés traditionnelles comme des sociétés dans lesquelles le lien vertical avec la transcendance est préservé. Le monde moderne, en revanche, se caractérise par sa platitude, son horizontalité, où le sacré n’est pas seulement ignoré, mais activement désacralisé. Codreanu a clairement perçu cette distinction. Pour lui, l’érosion de l’orthodoxie signifiait l’érosion de l’âme roumaine elle-même.

La Légion de l’archange Michel de Codreanu, également connue sous le nom de Garde de fer, n’était pas seulement un mouvement politique. Il s’agissait d’une révolution spirituelle. Codreanu pensait que la résurrection de la Roumanie passait par un retour à ses racines orthodoxes. Les rituels, les symboles et l’éthique de la Garde de fer étaient profondément imprégnés d’orthodoxie. Ses membres n’étaient pas seulement des activistes politiques, mais des guerriers spirituels, chargés du devoir sacré de défendre et de faire revivre l’âme orthodoxe de la Roumanie.

La notion de traditionalisme de Douguine n’est pas une simple nostalgie du passé. Il s’agit d’une reconnaissance profonde des valeurs éternelles, de la philosophie pérenne qui s’est manifestée à travers les différentes civilisations. La vision de Codreanu pour la Roumanie s’inscrivait précisément dans cette veine. Il ne cherchait pas une simple renaissance politique ou territoriale, mais une reconnexion avec l’éthique durable inscrite dans l’orthodoxie.

Pour comprendre Codreanu à travers le prisme du traditionalisme de Douguine, il faut prendre conscience de l’importance du pôle, l’axe immuable autour duquel tournent les sociétés traditionnelles. Pour Douguine, ce pôle représente les principes intemporels qui restent inébranlables quels que soient les changements temporels. Dans le contexte roumain, Codreanu a identifié l’orthodoxie comme étant ce pôle. Ses batailles contre ses adversaires politiques n’étaient pas seulement des batailles politiques, mais aussi des batailles entre le monde de la tradition, avec sa verticalité, et le monde de la modernité, avec son horizontalité destructrice.

La philosophie de Codreanu était marquée par une attention particulière portée au leadership et au sacrifice personnel. Il défendait l’idée de « l’homme nouveau », non pas au sens matérialiste des idéologies socialistes ou communistes, mais comme un individu spirituellement renaissant, au cœur pur, au dévouement désintéressé et intransigeant face à la corruption et au déclin. Cet « homme nouveau » devait être l’avant-garde de la nation régénérée, l’incarnation de ses idéaux les plus élevés, purifiés par les épreuves et l’adversité. C’était un appel aux anciennes traditions européennes de chevalerie et d’ascétisme.

Pourtant, comme pour de nombreux visionnaires, le parcours de Codreanu a été entaché de tragédies et de conflits. Sa position intransigeante à l’égard du communisme et de certaines facettes corrompues de l’establishment existant a suscité des tensions. Bien que bénéficiant d’un soutien populaire important, il était un homme marqué. L’intensité même de ses convictions et la menace qu’elles représentaient pour les intérêts en place ont finalement abouti à son assassinat dans des circonstancesparticulières. La fin de Codreanu a été tragique, mais comme beaucoup de ceux qui s’engagent sur la voie du combat spirituel contre les forces de la modernité, sa vie est devenue un témoignage de ses idéaux. Il est devenu un martyr, non seulement pour la Roumanie, mais pour tous ceux qui croient en la sagesse de la tradition.

Les échos de la lutte de Codreanu se retrouvent dans la vision de Douguine pour la Russie et, par extension, pour le monde. Tout comme Codreanu cherchait une Roumanie enracinée dans l’orthodoxie, Douguine envisage un avenir eurasien où les traditions divines, qu’il s’agisse de l’orthodoxie en Russie ou d’autres traditions indigènes dans d’autres parties de l’Eurasie, constituent le fondement de la société. Tous deux voient un monde où le sacré prend à nouveau le pas sur le profane.

Constantin von Hoffmeister.

 

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