Extrait d’une lettre adressée à Attilio Fanelli directeur d’Il Secolo Fascista (février 1934).
[Si on] se réfère aux rapports entre les traditions auxquelles mon activité se reconnecte et le christianisme. Ce serait faire preuve d’idiotie que de penser être capable de faire preuve de persuasion en seulement quelques lignes, même si peux invoquer le fait d’avoir abordé ces choses, non dans des essais, mais dans des livres entiers. Toutefois, l’on peut souligner ceci : mon attitude n’est pas tant anticatholique, comme tu le dis, qu’antichrétienne. En second lieu, si tu affirmes que la religion fondée par le Christ dispose d’une valeur surtout en tant que « restauration de ces lois et de cette tradition selon un sens supérieur, dont la déviation entraîna le lâche devenir du monde découvert par Jésus » –, je pourrais être parfaitement d’accord. Mais il faudrait alors que tu précises quelles seraient ces lois et cette « tradition selon un sens supérieur » qui, pour exister, n’auraient donc pas attendu la venue du christianisme. Souhaiterais-tu peut-être adhérer à la superstition de ceux qui considèrent que cette tradition – la seule autorisée à préparer la « révélation » – aurait été celle du « peuple élu », c’est-à-dire d’une race qui n’est ni romaine, ni latine, ni indoeuropéenne, mais asiatique, sémitique et pourvue d’une portée ethnique et historique des plus minces ?
Et s’il ne s’agit pas de ta pensée – comme je l’espère –, si tu penses à une tradition vraiment universelle, pour laquelle vaut vraiment le quod ubique, quod ab omnibus et quod semper en tant que tel, dont toute grande tradition spirituelle ne représente qu’une adaptation déterminée, si tu penses par hasard à cela, comment continuer à reconnaître cette originalité au catholicisme, à laquelle l’apologétique a été jusqu’à présent si attachée ! Comment ne pas reconnaître que ce qu’il y a de valide dans le catholicisme existait déjà auparavant (bien que sous d’éventuelles formes d’« abaissement » par rapport à des cycles encore plus anciens), et que ce qui se trouve uniquement dans le catholicisme n’a rien d’essentiel, de contingent, quand il ne s’agit pas de quelque chose d’inférieur !
Mon attitude se réfère essentiellement à ces points. Je peux comprendre ces éléments présents dans le catholicisme, ces éléments réellement catholiques, c’est-à-dire universels, qui témoignent de la présence d’une tradition supérieure en lui. Mais je ne peux aucunement comprendre le catholicisme quand celui-ci s’enferme dans un exclusivisme sectaire, quand il pense rendre un bon service à la tradition en ignorant et en diffamant la tradition d’autrui, en réduisant le monde pré-catholique ou extra-catholique au « naturalisme », à la superstition, à l’idolâtrie, tout au plus à de faibles « préfigurations » de la vérité unique que le monde aurait uniquement connu à travers Israël, puis avec Jésus.
Tu noteras que je parle de catholicisme, non de christianisme. Mieux vaut ne pas aborder le christianisme ici. D’après moi, le catholicisme présente certains traits « traditionnels » et « orthodoxes » dans un sens supérieur, pas vraiment en vertu de son élément chrétien, mais plutôt, au contraire, en vertu du symbole éternel de grandeur qui faisait dire hier à un Dante que le Christ était lui aussi « romain », qui fait dire aujourd’hui à Mussolini que, sans Rome, le christianisme serait la religion d’une obscure secte de Palestine.