« Tu avais parfaitement compris que derrière l’ennemi apparent se trouvait tapi l’ennemi réel, et tu avais osé mettre en pleine lumière son mufle hideux. Nous connaissons tous le plan qu’il avait ourdis contre notre peuple : l’ouverture toute grande des vannes de l’immigration n’était que le corollaire obligé de la campagne antinataliste et de la propagande avorteuse. Contrairement à ce qu’écrivaient d’aucuns, nous osions soutenir qu’il ne s’agissait nullement d’un ̏suicide collectif̋ de la France, mais bel et bien d’un assassinat mûrement prémédité. Étudiant les noms de ses promoteurs, nous retrouvions les mêmes, incrustés dans les médias, dans les groupes gauchistes, et à la tête de certains lobby bien précis. »
Hommage à François Duprat, Le National, avril 1978.
18 mars 1978, lieudit du Hameau-de-Caudevillé : une voiture est désintégrée sous l’effet d’un puissant engin explosif. L’homme qui décède dans cet attentat – bientôt revendiqué par un groupuscule sioniste et dont on ne retrouvera jamais les auteurs – se nomme François Duprat. Même si son nom n’est guère connu du grand public, ce n’est pas n’importe qui. C’est un cadre politique de premier plan qui, selon les termes de l’historien Nicolas Lebourg, est le « numéro deux du Front national, ou peut être plutôt son numéro un-bis », c’est aussi un écrivain, un historien, un journaliste, un théoricien et surtout un organisateur hors pair qui a participé à tous les combats nationalistes durant les vingt années qui viennent de s’écouler.
Du trotskisme au nationalisme
Issu d’une famille communiste, et ayant lui-même fréquenté le trotskisme lambertiste durant son adolescence (de 1954 à 1957), François Duprat s’est tourné rapidement vers le nationalisme français le plus ultra pour ne plus le quitter jusqu’à sa mort tragique.
Dès 1958, il adhère à Jeune nation, puis au Parti nationaliste, dont il devient le responsable pour Bayonne, puis pour tout le Sud-Ouest, avant d’entrer en khâgne à Paris où il est un des membres fondateurs de la Fédération des étudiants nationalistes. Son activité, et les liens qu’on lui prête avec l’OAS, lui valent alors d’être jugé et emprisonné pour « atteinte à la sûreté de l’État ».
En 1964, François Duprat participe à la création d’Occident avant d’être engagé par le gouvernement congolais de Moïse Tschombé et de diriger ses services de propagande jusqu’à sa chute en octobre 1965. De retour en France, notre homme collabore à Rivarol et devient membre du Bureau politique d’Occident, il coordonne sa propagande et est rédacteur en chef de son organe Occident-Université. Cependant, en mars 1967, en désaccord avec la direction du mouvement, il en démissionne. Il travaille alors étroitement avec Maurice Bardèche qui le considère comme son fils spirituel et en fait le rédacteur en chef officieux de Défense de l’Occident.
À une époque où les nationaux et nationalistes français (de Venner à Vallat, en passant par Brigneau et Rebatet) sont quasiment tous unanimes pour être en faveur de l’entité sioniste, François Duprat (appuyé par Maurice Bardèche) insiste sur l’importance de se positionner contre Israël et pour le monde arabe. En juillet 1967, il rédige seul un numéro spécial de Défense de l’Occident qui est titré « L’Agression israélienne » et dont l’éditorial se termine ainsi : « À bas les agresseurs impérialistes d’Israël ! La liberté pour la Palestine arabe ! ». Parallèlement, il crée un Rassemblement pour la libération de la Palestine qui entretient des liens avec le Front populaire pour la libération de la Palestine et le Parti social nationaliste syrien.
François Duprat est aussi, en novembre 1968, dans l’équipe qui fonde L’Élite européenne et dans celle qui, en 1970, porte sur les fonts baptismaux le mouvement Ordre nouveau. Il est naturellement membre du BP de celui-ci et tout aussi naturellement, il s’occupe de sa propagande, étant, selon Joseph Algazy, celui qui crée le « style Ordre nouveau : provocateur, belliqueux, violent » et celui qui impose la création du Front national en juin 1972, conçu comme un rassemblement électoral devant démultiplier l’influence d’ON.
L’opération Front national ne se déroule cependant pas comme la direction d’Ordre nouveau l’avait souhaité. Une partie de ses activistes la refuse et scissionne pour créer les Groupes action jeunesse, François Duprat pense lui qu’il faut dissoudre ON dans le FN tandis qu’une troisième faction menée par Alain Robert rêve de reprendre son indépendance et de travailler avec la droite parlementaire.
Tout se précipite alors : François Duprat est exclu d’Ordre nouveau au printemps 1973, quelques semaines plus tard le mouvement est dissout à la suite d’une réunion publique sur le thème « Halte à l’immigration sauvage » ayant entraîné des heurts extrêmement violents, durant l’été ses dirigeants rompent avec le Front national et créent Faire front à l’automne, puis le Parti des forces nouvelles en 1974.
Duprat, l’éminence grise de Le Pen
De son côté, François Duprat réfléchit et structure ses partisans. Pour lui, il faut créer un organe de presse régulier et sérieux, et autour de celui-ci structurer une tendance. Il met les choses en pratique en décembre 1973 en publiant le n°1 de l’hebdomadaire Les Cahiers européens et en créant les Comités d’union des nationaux qui, en 1974, apportent un soutien important à la première campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen. En juin, le leader du FN leur adresse un message clair, il y affirme : « La place des nationalistes-révolutionnaires est au sein du FN, qui autorise la double appartenance et respecte les choix idéologiques de ses adhérents. » En conséquence, en septembre 1974, Duprat et ses partisans entrent au FN, dès novembre ce sont eux qui créent Le National, l’organe du parti.
Au sein du FN, Duprat est chargé de la Commission électorale, c’est à dire qu’il est responsable des questions stratégiques et propagandistes, en somme c’est lui qui fait tourner la machine. Pour Alain Rollat (1) « François Duprat apparaît comme le véritable numéro deux du parti. Il est un remarquable organisateur en même temps que l’éminence grise de Jean-Marie Le Pen. Le FN lui doit sa discipline interne. »
En parallèle, François Duprat développe sa tendance. Pour ce faire, en 1976, il crée les Groupes nationalistes révolutionnaires dont l’influence au sein du FN est bientôt importante : Alain Renault – qui est le bras droit de Duprat – devient secrétaire général adjoint du Front et aux législatives de 1978 un tiers des candidats sont issus des GNR.
Mais tout ne se passe pas sans heurt et, dès le quatrième congrès du FN (Bagnolet, 1976), certains éléments nationaux ne cachent pas leur hostilité aux NR. Cependant, l’importance politique de François Duprat fait qu’ils sont intouchables. Dès qu’il est assassiné, tout change et c’est la purge ! Elle est menée par Michel Collinot et Jean-Pierre Stirbois. Au congrès du FN de novembre 1978, Alain Renault tente de convaincre qu’« aucune épuration n’est dirigée contre les véritables nationalistes-révolutionnaires, et qu’ils continuent d’avoir toute leur place au sein du Front », mais personne ne le croit… Les militants NR, sont soit exclus, soit démissionnent, ils participent alors à la création du Mouvement nationaliste révolutionnaire et entament une existence groupusculaire qui durera près de vingt ans (2)…
Qui a tué François Duprat ?
À quarante ans de distance personne ne le sait. Diverses hypothèses ont été avancées. Trois sont vraisemblables sans que l’on puisse savoir laquelle est la vraie : sionistes voulant éliminer un soutien de la cause palestinienne, militants antifascistes voulant liquider le plus efficace de leurs adversaires ou mercenaire de l’extrême-droite régimiste souhaitant faire taire un homme qui en savait trop et qui gênait leur ralliement au système.
Article rédigé pour Réfléchir et agir en avril 2008.
1 – in Les Hommes de l’extrême droite, Calmann-Lévy, 1985.
2 – Ce MNR deviendra par mues successives Troisième voie, Nouvelle résistance puis Unité radicale.