Geoffrey de Montalk, poète, racialiste et roi de Pologne

police photograph of geoffrey potocki de montalk

Le poète Geoffrey de Montalk joua un rôle important dans la droite radicale britannique et européenne de l’immédiate avant-guerre et des années 1950 grâce à un savoir-faire qu’il avait acquis au séminaire, celui d’imprimeur ! Excentrique, païen, monarchiste et traditionaliste, le comte Geoffrey Wladislas Vaile Potocki de Montalk méritait qu’on lui rende hommage.

Les années de formation

Issue d’une famille de la vielle aristocratie polonaise émigrée en Nouvelle-Zélande, Geoffrey de Montalk naît sur cette île le 6 octobre 1903. La famille est aisée – le père est architecte – et l’enfant suit de bonnes études au collège, où il est particulièrement doué pour les langues (il parlera et écrira – en sus de l’anglais – le français, le provençal, le latin, le grec, le polonais, le lituanien, l’italien, l’allemand, le sanskrit et le maori), puis à l’université où il étudie le grec ancien et le droit.

Pensant devenir pasteur, Montalk entre, en 1923, au séminaire anglican de Wellington. Il y découvre, puisque le séminaire dispose du matériel pour produire ses propres livres religieux, l’imprimerie et se passionne pour ce travail. Mais il renonce bientôt à la prêtrise et se mets à écrire. Rapidement, il devient un poète reconnu et apprécié. Dans le même temps, il s’intéresse au mouvement de la lebensreform, et de ce fait, se déclare soudain païen, adorateur du Soleil, et adopte une tenue vestimentaire qui tranche sur celle de son époque (vêtements amples et colorés, pieds toujours nus dans des sandales, etc.) Considérant, non sans raison, que la Nouvelle-Zélande est trop petite pour son talent, il émigre en Angleterre en 1927 où il est accueilli à bras ouverts par les milieux littéraire britannique. Très vite, il vit, fort bien, de sa plume et son avenir semble tout tracé quand survient l’incident qui va tout chambouler.

En janvier 1932, Montalk traduit en anglais un certain nombre de poèmes érotiques de Rabelais et de Verlaine et les réunis dans une plaquette titrée Here lies John Penis. Souhaitant publier ce travail à quelques exemplaires pour en faire bénéficier ses amis, il se met à la recherche d’un imprimeur. L’un d’entre eux lui propose un prix si élevé que cela entraîne une remarque antisémite de l’ami qui accompagne ce jour-là l’écrivain. Or, celui-ci et son ami l’ignorent, l’imprimeur est juif ! Il baisse son prix pour obtenir le contrat et, pour venger l’affront, se précipite chez un juge pour dénoncer son client comme l’auteur d’une abjecte œuvre pornographique. Geoffrey de Montalk est de ce fait arrêté. Il ne facilite pas les affaires de son avocat en refusant de jurer sur la Bible, car, déclare-t-il, « Je suis un dévot d’Apollon, le Dieu du Soleil » et en proposant de remplacer ce serment par une déclaration faîte « le bras tendu comme Jules César ou Benito Mussolini ». Malgré les efforts de son avocat, malgré l’agitation d’un comité de soutien présidé par Virginia Woolf, Montalk est condamné à six mois de prison qu’il effectue à la prison de Wormwood Scrubs.

Le fasciste antisémite

Si Montalk avait déjà, dans ses poèmes, levé contre « le christianisme et la démocratie, le drapeau des dieux aristocratiques, et de leurs enfants, les rois et les poètes », ce n’était que des paroles. Or, la prison le radicalise et il en sort antisémite et fasciste radical. Grâce à des fonds que lui procure Aldous Huxley, il fait l’acquisition d’une presse d’imprimerie et, à partir d’octobre 1936 et jusqu’à la fin des années 1940, il publie The Right Review, revue littéraire et politique où il publie ses poèmes et ceux de jeunes écrivains mêlés à des articles en faveur du général Franco ou de Mussolini et à des traductions de Charles Maurras qu’il fait connaître au public britannique. Dans le même temps, il crée l’Association royaliste polonaise et il déclare être l’héritier légitime du trône de Pologne puisque sa famille fut alliée à la dynastie des Piast qui régna sur ce pays de 960 jusqu’en 1370. Il participe à l’agitation en faveur d’Édouard VIII et est arrêté et emprisonné suite à une manifestation devant Buckingham Palace. De plus, Montalk met son imprimerie au service de la National Socialist League de William Joyce et de l’Imperial Fascist League d’Arnold Leese. Il ne soutient pas, par contre, la British Union of Fascists d’Oswald Mosley qu’il considère être « une parodie perverse du national-socialisme ».

L’éclatement de la deuxième guerre mondiale ne le fait pas changer de cap, il ne cesse d’affirmer son soutien aux pays de l’Axe, allant jusqu’à inviter trente amis à son domicile, le 20 avril 1940, pour célébrer l’anniversaire d’Adolf Hitler. Tout ceci lui vaut bien des tracasseries administratives, des emprisonnements de courte durée, et une hostilité si vive de la population que, reconnu dans une rue, il échappe de justesse à un lynchage. Mais son action n’est pas que politiquement marginale. En effet, lié au gouvernement polonais en exil qui le rétribue pour des travaux d’écriture et de traduction, il est informé du massacre de Katyn et il publie le Katyn Manifesto, premier texte attribuant cette tuerie aux Soviétiques. Ceci, au grand déplaisir du gouvernement britannique qui, ne voulant absolument pas se brouiller avec son allié oriental, promeut la thèse soviétique affirmant que les auteurs du massacre sont les Allemands. S’en suivent de nouvelles tracasseries policières et un nouvel emprisonnement.

Maintenir le flambeau

La défaite des troupes de l’Axe ne met pas fin à l’engagement de Montalk. Dès décembre 1945, il participe, à Londres, à des réunions privées organisées l’une par Oswald Mosley et l’autre par John Beckett, le fondateur de la National Socialist League qui dirige maintenant le British People Party. Dans le même temps, il se lance corps et âme dans le soutien à la cause de William Joyce, capturé en Allemagne et condamné à mort à Londres. Il lève des fonds pour sa défense, publie une brochure demandant à ce que la condamnation ne soit pas exécutée, écrit au Pape pour qu’il intervienne, etc. En vain, bien sûr, et Lord Haw-Haw est exécuté le 3 janvier 1946. Montalk va ensuite publier un certain nombre des brochures opposées au procès de Nuremberg et devenir de plus en plus hostile à la Grande-Bretagne et, paradoxalement, favorable à l’Union soviétique. Cela entraine sa rupture avec les organisations nationalistes anglaises et son installation en Suisse, en 1948, puis, en 1952, France, près de Draguignan, où une de ses admiratrices met à sa disposition un mas et où d’autres amis financent l’achat d’une nouvelle imprimerie qui lui permet de lancer les éditions Mélissa Press.

Entre la France et la Nouvelle-Zélande

Même si, au début des années 1960, il est encore l’imprimeur de The National Socialist, l’organe du National Socialist Movement de Colin Jordan ; même s’il participe, en tant que délégué polonais, à l’assemblée du Nouvel ordre européen tenue à Barcelone en 1969 ; même s’il s’engage encore en faveur de l’Afrique du Sud et de la Rhodésie ; Geoffrey Potocki de Montalk se détache progressivement de la politique et revient à la littérature. Il traduit en français La Ferme des animaux d’Orwell, publie nombre de nouveaux poèmes, étudie le sanskrit et pense, un temps, s’installer en Inde.

Finalement, il retourne en Nouvelle-Zélande en 1983, après cinquante-six ans d’absence. Il y est bien accueilli par le monde intellectuel et universitaire qui, indépendamment de ses idées politiques, le considère comme un poète néo-zélandais majeur de sa génération. Il est invité dans les universités et la presse lui consacre de nombreux articles. Durant ce séjour, il découvre les Maoris, apprend leur langue et prend leur parti dans les conflits qui les opposent à l’État pour la restitution de leurs terres ancestrales.

En 1990, Montalk est invité en Pologne, à l’université de Varsovie, où il lit ses poèmes devant un public nombreux, puis il retourne en Provence et y vit ses dernières années dans le calme, décédant à Draguignan le 14 avril 1997, à l’âge respectable de quatre-vingt-quatorze ans.

Christian Bouchet.

Appendice

 Geoffrey Potocki de Montalk et Savitri Devi Mukherji

La légende veut qu’en 1946, dans une rue londonienne, Geoffrey Potocki de Montalk et Savitri Devi Mukherji se croisèrent par hasard. Dans la grisaille de la foule anglaise, ils tranchaient : lui portait un de ses vêtements flamboyants, elle était en sari. Ils s’arrêtèrent spontanément pour s’observer. « Qui êtes-vous ? » demanda Mukherji. « Je suis le roi de Pologne. Et vous ? » lui répondit Montalk. À quoi la française répliqua : « Je suis une princesse indienne ».

La réalité fut sans doute plus prosaïque et en réalité les deux personnalités excentriques se rencontrèrent vraisemblablement dans une réunion des nostalgiques britanniques du Troisième Reich qu’ils fréquentaient tout deux.

Quoiqu’il en soit, Geoffrey de Montalk mit son matériel au service de Savitri Devi Mukherji et lui imprima, en 1948, les onze mille tracts nationaux-socialistes qu’elle distribua ensuite en Allemagne, ce qui entraîna son arrestation et son emprisonnement.

Tous deux se revirent plus tard et Geoffrey de Montalk hébergea Savitri Devi Mukherji en 1962, alors qu’elle séjournait en Angleterre pour participer à la célèbre réunion de la World Union of National-Socialists qui se tint dans les Cotswolds, à laquelle lui-même n’assista pas.

Article rédigé pour Réfléchir et agir en janvier 2021.

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