George Sylvester Viereck poète et romancier que certains ont comparé, pour son importance littéraire, à Nathaniel Hawthorne, Edgar Allan Poe et Herman Melville est un de ceux, nombreux, que le politiquement correct a effacé de la mémoire des peuples. En France, il n’est connu que par un de ses romans, ayant pour thème de vampirisme, publié par une obscure maison d’édition spécialisée et par un chapitre dans Des gentlemen à part : portraits de quelques mal-pensants du monde anglo-saxon de Christophe Dolbeau. Pourtant notre homme mériterait d’être mieux connu tant pour son importance littéraire que pour ses choix politiques.
Petit-fils de roi, fils de socialiste
Le père du futur poète, Louis Viereck nait à Berlin en 1851, d’une union adultère d’un membre de la famille royale prussienne avec la célèbre actrice Edwina Viereck. S’il est reconnu par Louis von Prillwitz, lui-même fils du prince August de Prusse, on soupçonne fortement que son véritable père fut l’empereur Guillaume Ier. Dès la fin de son adolescence, notre homme rejoint le Parti socialiste et est considéré, en Allemagne, comme un représentant de la « gauche caviar » de l’époque. Sincère cependant, il dirige des journaux, est élu député et est même emprisonné en 1886. Mais un désaccord avec la direction du Parti socialiste entraîne son exclusion et son abandon de la politique. Il décide alors, en 1896, d’émigrer aux États-Unis où la famille de son épouse est implantée depuis 1850. Toute sa famille, dont le jeune George Sylvester qui est né en 1884 l’y accompagne.
Surdoué, l’enfant commence à écrire des poèmes à 11 ans et se voit publier pour la première fois à 13, puis, durant ses études au lycée, il donne nombre d’articles à la presse de langue allemande qui parait aux États-Unis. En 1908, il publie, en anglais, Nineveh and Other Poems. Ce recueil est particulièrement bien reçu par la critique qui voit en lui un des jeunes espoirs de la littérature américaine et de ce fait Viereck décide de faire de la littérature son gagne-pain. Il se donne alors une image d’écrivain décadent à la Oscar Wilde ; « J’ai travaillé dur et longtemps afin d’acquérir une mauvaise réputation » écrira-t-il avec humour par la suite.
Au service des Empires centraux
Mais la littérature n’est pas le tout de la vie de George Sylvester, comme cela avait été le cas pour son père il s’engage tôt en politique mais tant son père avait été internationaliste, tant lui devient, après un séjour en Allemagne en 1908, nationaliste et monarchiste. En parallèle à sa carrière d’écrivain et de critique, il investit des fonds dans la presse américaine de langue allemande avec comme objectif d’utiliser ses titres pour influencer la vie littéraire et politique des États-Unis. Ainsi, après avoir fait campagne en faveur de Roosevelt lors de la présidentielle de 1912, il prend parti, dès août, en faveur des Empires centraux devenant leur principal propagandiste en Amérique du Nord grâce à l’hebdomadaire The Fatherland qu’il fonde tout exprès et qui tire bientôt à 100 000 exemplaires. D’un ton très agressif, le journal prônait la neutralité, la mise en place d’un embargo sur les armes et dénonce avec véhémence le grand capital et les grands industriels qui poussent le gouvernement vers la guerre.
Après l’entré des États-Unis dans le conflit en 1917, il n’est pas inquiété comme étranger car il posséde la nationalité américaine. Il continue donc sa propagande, mais d’une manière différente : insistant sur le fait que la faute du conflit incombe aux Alliés et demandant que les germano-américains soient exemptés des obligations militaires. En représailles, il est l’objet de persécutions administratives ; une foule d’émeutiers ravage sa demeure de Mount Vernon, l’obligeant à vivre quelques temps dans la clandestinité ; la plupart de ses amis lui tournent le dos et il est exclu de la Poetry Society of America dont il avait été un fondateur.
Entre Sigmund Freud et Adolf Hitler
La paix revenue, Viereck transforme l’hebdomadaire The Fatherland en un mensuel The American Monthly et continue son travail d’influence.
Écrivain et journaliste reconnu, à défaut d’être aimé, il publie en 1923, Rejuvenation: How Steinach Makes People Young, livre consacré au travaux du pionnier de l’endocrinologie, qui pensait que des greffes ou des opérations sur les testicules pouvaient redonner la jeunesse et faire disparaître l’homosexualité. Le livre attire l’attention de Sigmund Freud qui souhaite rencontrer son auteur. Viereck se rend dont à Vienne et réalise un entretien avec le psychanalyste, avant de continuer son voyage jusqu’à Munich pour interviewer Adolf Hitler !
L’audience qu’ont ces deux entretiens font que durant toutes les années 1920, il se rend à de nombreuses reprises en Europe pour faire découvrir au public américain via la presse du magnat Hearst les Européens qui comptent : le maréchal Foch, Georges Clemenceau, George Bernard Shaw, Oswald Spengler, Benito Mussolini, la reine Elisabeth de Belgique, Albert Einstein, le sexologue Magnus Hirschfeld, etc.
Dans le même temps, il se lie avec Nikola Tesla, devient un proche de l’Empereur Guillaume II en exil et aide son épouse à rédiger sa biographie An Empress in Exile qui paraît à New-York en 1928.
Pour l’Allemagne
De 1931 à 1941, Viereck redevient un agent d’influence de l’Allemagne. La situation est moins facile qu’avant la Première Guerre car les Germano-américains se sont largement intégrés et sont pour une bonne part hostiles au national-socialisme, de plus le Congrès ordonne, dès 1934, une série d’enquêtes pour débusquer les agents allemands et tuer dans l’œuf toute sympathie pour l’Allemagne NS. Viereck agit cependant de manière habile : il fait la promotion du tourisme en Allemagne ; crée un German-American Economic Bulletin qui encourage les échanges commerciaux entre les deux pays ; devient la principale plume de l’American Fellowship Forum qui prône la neutralité américaine dans les affaires européennes ; publie, à 100 000 exemplaires, Facts in Review un bulletin d’information hebdomadaire favorable à l’Allemagne ; joue les entremetteurs entre l’Ambassade d’Allemagne et des sénateurs et membres du Congrès neutralistes ou pacifistes ; crée une maison d’édition, la Flanders Hall, qui se spécialise dans les livres anti-Anglais et pro-Allemands ; etc.
Un prisonnier d’opinion
Dès 1940, Viereck se trouve à faire face à l’adversité des bellicistes. Il est d’abord exclu de l’Overseas Press Club of America du fait de ses opinions, puis il lui est reproché de n’avoir rempli qu’imparfaitement son dossier de lobbyiste travaillant pour un pays étranger et il est de ce fait condamné à 6 ans de prisons. Alors qu’il est sous les verrous, il est poursuivi pour avoir miné le moral des forces armées.
Mais ce n’est pas tout. Il perd un de ses fils qui sert dans l’armée américaine et Margaret Viereck, son épouse depuis vingt-sept ans, le renie, disperse sa bibliothèque et donne une partie de ses biens à des associations spécialisées dans le soutien aux réfugiés juifs d’Europe centrale !
Cependant, des sénateurs et membres du Congrès prennent sa défense et demandent sa libération conditionnelle qu’ils n’obtiennent toutefois pas.
La vie, après…
Sorti de prison en 1947, George Sylvester Viereck se retrouve ruiné, physiquement cassé par l’emprisonnement et rejeté de tous pour ses idées passées. On dit de lui dans la presse : « Si quelqu’un a fait en Amérique le travail de Satan, c’est bien Viereck ».
Cependant, le récit de ses années de prison Men into Beast est un succès de libraire, comme le sont les livres qu’il publie par la suite : All Things Human et The Nude in the Mirror.
Politiquement, Viereck ne reste pas inactif et soutient la campagne anti-communiste du sénateur Joseph McCarthy. Il fréquente aussi un cercle d’ex-partisans du Troisième Reich qui font, aux États-Unis, du lobbying pour le Parti socialiste du Reich et le général Remer, il y rencontre Francis Parker Yockey avec qui il restera quelques temps en contact à l’époque d’Imperium et du Front européen de libération.
Viereck décède en 1962 après avoir passé ses dernières années dans la demeure de son fils Peter à Holyoke dans le Massachussetts. Ce dernier, marchant sur les traces de son père fut à la fois un enseignant à l’université, un poète renommé (il reçut le prix Pulitzer de poésie en 1949) et un important théoricien du nouveau conservatisme américain.
Christian Bouchet