La formation des militants selon François Duprat

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Toutes les formations politiques de France et de Navarre sont tributaires de la qualité et du sérieux de leurs militants. Comment espérer convaincre les électeurs, faire adhérer des sympathisants ou donner un écho à ses propres idées sans pouvoir compter sur un noyau dur de convaincus bien formés à toutes les modalités de l’action partisane ?

C’est justement sur ce sujet d’une importance capitale que François Duprat avait consacré un dossier dans le numéro 4 des Cahiers européens mensuels, publié en décembre 1976. Le natif d’Ajaccio, dans cet article intitulé « Former des militants », commence par rappeler le cadre de sa réflexion :

« Nous avons toujours insisté sur la nécessité impérieuse de constituer un noyau révolutionnaire en tant que préalable à la constitution d’un parti de type révolutionnaire. »

Outre que l’on peut ainsi affirmer que François Duprat semble bel et bien viser la formation d’un parti politique NR indépendant, et donc parfaitement distinct du FN, il livre en peu de mots l’objectif clair qu’il s’était fixé : Former un « noyau révolutionnaire » de cadres.

Constatant la piètre qualité de la formation politique des formations politiques nationalistes de son temps, il regrette les guerres que les chefs de groupuscules se livrent entre eux, pour des motifs relevant de querelles de personnes et non d’idées.

Pour François Duprat une nécessité s’impose : « Pour mettre un terme à un processus de dégradation permanente du camp et des groupes nationalistes, il faut avant tout former les militants. »

Pour se faire, deux méthodes s’imposent : Une jugée idéale, et une autre qui l’est nettement moins. Dans la première situation, le but envisagé est de former très concrètement une école de cadres.

Au sujet de cette « école rêvée », justement, Duprat écrit : « Les militants y recevraient un enseignement adapté aux tâches à accomplir, en mettant l’accent sur les facteurs pratiques. Il est très bon de donner une vue d’ensemble des problèmes historiques et philosophiques aux jeunes militants, mais il est bien meilleur d’enseigner la façon de faire un tract, de mener une discussion politique ou de convaincre des sympathisants. »

Il poursuit : « Pour y parvenir, cette école devrait être gérée comme une école ordinaire comportant cours magistraux, travaux dirigés et examens. L’avancement au sein du parti serait lié étroitement au travail mené dans cette école et aux résultats obtenus. Des cours de correspondance complèteraient les cours oraux, tandis qu’une formation permanente serait assurée à tous les responsables. »

Mais l’enseignant d’histoire-géographie qu’était Duprat qu’en l’état actuel du militantisme NR en France, pareille hypothèse est impossible à réaliser à court terme, aussi il envisage plus sérieusement la deuxième hypothèse, celle consistant à « multiplier les instructions pratiques, à maintenir un contact politique constant entre notre secrétariat politique et les militants des divers groupes. Au moins, à ses yeux, « Le fait de pouvoir donner nouvelles, informations techniques et instructions dans un laps de temps très court constitue une arme politique de première importance, (…). »

Aussi, « La permanence de cette action de formation et d’information peut assurer une première étape dans la création d’un noyau initial de militants nationalistes. Mais il serait vain de croire que cette étape pourrait être suffisante. Il faut, en réalité, que cette approche du problème incite les militants à aller encore plus loin dans cette voie. » En soi, les faibles opportunités des années 1970 obligent à se contenter d’encourager de nourrir un terreau fertile duquel l’espoir de repérer de potentiels militants : « si un public existe la création d’une école de cadres nationalistes ne sera plus impossible. » Plus largement, la rédaction des Cahiers européens devait participer à cet effort de formation en « fournissant du matériel d’instruction existant, en mettant au point des cours techniques pouvant être diffusés, en multipliant les bulletins comportant des analyses techniques. »

Bien qu’ayant opté pour l’intégration dans une formation électoraliste comme celle du FN, François Duprat précise que « Ce travail doit être apatridaire, car c’est notre camp tout entier qui a le plus grand besoin d’une œuvre de ce genre. »

Enfin, François Duprat réaffirme la vocation des NR par le combat qu’il mène : « Préparer la révolution, c’est chercher sans trêve à créer les conditions qui la rendront possible. Tout authentique révolutionnaire doit admettre que l’on ne peut pas faire de révolution sans militants formés. Tout groupe révolutionnaire a comme responsabilité prioritaire la création d’un état-major politique digne de ce nom.

Parce que les NR authentiques ne furent, ne sont pas et ne seront pas seulement des commentateurs mais aussi des acteurs de leur temps, François Duprat a lui aussi agi. Co-fondateur du Front National et ancien secrétaire général adjoint du mouvement, Franck Timmermans, dans une lettre datée de décembre 2010, précise l’implication réelle de l’enseignant dans la formation dispensée aux jeunes du parti lepéniste : « Il a participé comme enseignant aux cours de formation politique que les jeunes du FN suivaient et qui étaient animés par Jean-François Chiappe, Jean Bourdier Victor Barthélémy. Les militants étaient réellement honorés et impressionnés devant une telle érudition qui se spécialisait surtout dans l’histoire contemporaine de beaucoup de pays européens. Or, nombre de jeunes cherchaient leurs repères ou leurs clés de motivation à l’étranger à la faveur de poussées électorales ici ou là. »

Au fond, on peut noter que les pistes envisagées par l’un des principaux idéologues du nationalisme-révolutionnaire valent potentiellement pour toutes les formations politiques, bien au-delà du camp dit « national. »

Vincent Téma, le 30/09/2023.

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