La Legión Nacional Revolucionaria Sindicalista  à Cuba

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La Legión Nacional Revolucionaria Sindicalista est née en février 1938 comme association politique paramilitaire dont les buts étaient « patriotique, culturel et de protection » sous le nom de Legión Estudiantil de Cuba. Ses membres et ses militants s’appelaient « camarades » entre eux. Le drapeau du mouvement était les couleurs nationales auxquelles étaient ajoutées les initiales LEC en bleu au centre et la devise de l’organisation était : « Pour la patrie et la culture ». En octobre 1938, fut créée,  « à des fins exclusivement patriotiques et anti-internationales », la Légion nationale révolutionnaire syndicaliste, la Légion étudiante devenant la branche jeunesse de l’organisation.

Dirigée dès sa fondation par Jesús Manuel Marinas Álvarez, la Légion est composée essentiellement d’ouvriers et d’étudiants issus de la classe moyenne. Elle comptera environ 500 membres à son apogée. D’inspiration national-syndicaliste déclarée, le groupe déclarant son admiration pour des figures telles que Primo de Rivera, Hitler, Franco, Mussolini, Sorel, Ledesma Ramos et Codreanu, se rattachait idéologiquement  à une version « tropicalisée » du fascisme dans ses statuts et déclarations : « (…) Notre conception nationale révolutionnaire choisit la solution syndicaliste comme la formule la plus réussie pour organiser la production dans ses diverses manifestations, mais cette identification syndicaliste est bien comprise par nous, syndicalistes révolutionnaires, dans un cadre national et non pas comme certains autres syndicalistes révolutionnaires qui intègrent le génie politique de Sorel dans un cadre international chimérique ».

La Légion tient un discours souverainiste de défense de la « cubanité », revendiquant l’héritage des indépendantistes du XIXe siècle qui ont lutté contre l’Espagne, et dénonçant l’interventionnisme américain en Amérique et dans le monde. Le programme du mouvement comprend la suppression des latifundia, l’émancipation de la paysannerie, la création de coopératives agricoles, la nationalisation des services publics et des industries de base, l’amélioration physique et morale des composants de la nation, etc.

Les légionnaires portaient des chemises grises inspirées de l’uniforme fasciste caractéristique de l’époque, des pantalons sombres, des bottes noires, des ceintures militaires et des brassards avec les insignes de la Légion : un poignard et un livre ouvert.

À l’instar d’autres mouvements fascistes d’Amérique latine – tels que l’Action révolutionnaire mexicaine et l’Action intégriste brésilienne -, la Légion a eu recours à la « nationalisation » de symboles et de gestes fascistes, justifiant leur utilisation : « Notre salut, en outre, est cubain, il n’est pas importé (…) nous savons tous que son origine est cubaine, (…) nous savons tous que son origine remonte à l’époque de l’indomptable Hatuey[1], à l’époque des premiers habitants de notre chère patrie, à l’époque où cette salutation signifiait bienvenue, où elle exprimait l’amitié, la paix ».

Chaque nouveau militant de la Légion devait prêter un serment militaire, bras tendu, en déclamant : « Cuba libre, Cuba indépendant, Cuba souverain et Cuba debout ! » dans le cadre d’une cérémonie formelle d’adhésion. Les statuts de la Légion prévoyaient une organisation hiérarchique autour de la figure du « chef national », personnalité dotée des pleins pouvoirs sur le mouvement. La direction était composée de commissaires, d’un secrétaire général et de commandants provinciaux. Ceux-ci formaient à leur tour un conseil national suprême de 12 hommes, commandé par le chef national, dont le but était « d’élaborer les règles politiques, sociales, juridiques et éthiques de la Légion nationale syndicaliste révolutionnaire ». Le même modèle pyramidal était reproduit à plus petite échelle au niveau régional, les chefs légionnaires provinciaux exerçant leur commandement sur les légions locales. Le groupe disposait également d’une branche syndicale, le Front nationaliste des travailleurs, et d’une section féminine.

La Légion participa à des événements organisés par la Délégation territoriale cubaine du Service extérieur de la FET des JONS, la section cubaine de la Phalange espagnole, composée exclusivement d’Espagnols résidant sur l’île et s’abstenant de toute intervention formelle dans les affaires intérieures, comme l’indique les principes de base et le règlement du Service extérieur de la Phalange. Malgré cela, Alejandro Villanueva Plata, chef de la Phalange à Cuba, a apporté son soutien personnel à diverses initiatives nationalistes en fonction de leur proximité avec l’idéologie phalangiste ; ce fut le cas de la Légion nationale et d’autres projets tels que la fondation avortée d’un Parti fasciste cubain par l’homme d’affaires espagnol José Ignacio Rivero.

Légionnaires et Phalangistes avaient, à partir de sphères différentes – la communauté nationale et la communauté étrangère, respectivement – la même approche de la scène politique internationale, ce qui conduisit à la poursuite de la collaboration entre les deux entités. Camillo Ruspoli, prince de Candriano et figure de proue de la colonie italienne à Cuba, qui dirigeait une petite section de Chemises noires sur l’île, fournit à la Légion du matériel relatif au régime fasciste italien.

Le 8 avril 1939, pour marquer la fin de la guerre civile espagnole, la Légion défila depuis la Calzada de Zapata derrière un drapeau rouge et jaune avant d’honorer dans la nécropole adjacente de Colón les restes de Juan Antonio Pozuelo, un étudiant en droit cubain qui était mort sur le front de Jarama en combattant du côté nationaliste avec le grade de capitaine. Le groupe envoya également une lettre à Franco, le remerciant d’avoir « sauvé le monde » de la barbarie « judéo-moscovite », et demanda la reconnaissance du nouvel État espagnol par Cuba.

Suite à l’entrée en guerre des États-Unis, la Légion fut déclarée illégale le 18 février 1942 après la signature du décret présidentiel 168/41 contre les activités « nazi-fascistes » sur l’île.

Francisco de Lizardi

[1] Chef amérindien qui organisa la résistance aux conquistadors à Cuba. Il fut exécuté en 1512.  Il est célébré comme le premier héros national de Cuba.

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