Il était une fois, dans l’Angleterre de la fin des années 1680, un monarque d’origine écossaise, James II Stuart, ou Jacques II en français. Son père, roi comme lui, avait été décapité par les soins de Cromwell. Son frère avait été rétabli sur son trône par le général Monk, un ancien lieutenant de Cromwell.
Mort sans enfant légitime, Charles II, le frère de Jacques, meurt en 1685. Jacques monte alors sur le trône. Bien des Anglais considèrent son règne comme un accident. En effet, Jacques est catholique, dans un pays où les rois ne le sont plus depuis Henri VIII. La plupart des « Britanniques » (le terme est anachronique) se sont converti à l’anglicanisme depuis.
Jacques II est impopulaire auprès d’une grande partie de l’opinion. Il maintient en activité une armée de métier alors que le pays est en paix, il veut que cessent les discriminations contre les minorités religieuses de son royaume, il veut un parlement à sa botte. Hélas pour lui, le parlement se rebiffe. Le monarque lui semble d’autant plus dangereux que Jacques et la reine, Marie de Modène, viennent d’avoir un fils. Catastrophe : cet enfant sera élevé dans la religion papiste, et le trône, du fait de son sexe, lui est réservé de droit après la mort de Jacques, au détriment de sa soeur, Marie, de foi protestante.
Les tensions augmentent encore lorsque Jacques exige des évêques anglicans qu’ils lisent dans leurs églises la déclaration d’indulgence qu’il vient de promulguer et qui protégeait comme autorisait le libre exercice du catholicisme et des protestantismes dissidents. Les évêques, don Lord Sancroft, archevêque de Cantorbéry refusent, et sont emprisonnés pour sédition, puis jugés innocents et relâchés.
Le conflit entre le roi et son parlement, composé de la noblesse terrienne et de la haute bourgeoisie commerçante, va arriver à son paroxysme lorsque Lord Somers, chef des « whigs », le parti hostile aux « tories », va très officiellement proposer à Guillaume d’Orange, époux de la fille aînée de Jacques, de ceindre la couronne d’Angleterre. Il l’invite à rejoindre Londres à la tête d’une armée.
Le beau-fils, peu concerné par l’esprit de famille, accepte. Général des Provinces-Unies, il parvient à réunir une armée et une flotte pour le transporter, avant d’arriver en Angleterre. Jacques II a lui aussi une armée, mais répugnant à infliger un bain de sang à ses troupes, il abandonne sa couronne sans combattre, jette le Grand Sceau de l’Etat dans la Tamise puis tente de quitter l’Angleterre. Capturé, il est finalement relâché par son gendre, qui est entré à Londres le 28 décembre 1688, et y est très officiellement proclamé roi d’Angleterre, d’Ecosse, et d’Irlande. Cette série d’évènements fut baptisée « Glorious Revolution » par les historiens.
L’usurpateur va alors promulguer un texte aujourd’hui célèbre sous le nom de « Bill of rights ». Ce texte va affirmer plusieurs libertés individuelles (droit de pétition, liberté des élections), interdire le trône aux catholiques, rendre illégale la tenue d’une armée en temps de paix, et va surtout consacrer le pouvoir du parlement qui va désormais être seul à décider des taxes, de l’exécution des lois et de la conduite des relations diplomatiques. Le droit de vote est exclusivement réservé aux plus riches des sujets du nouveau roi. C’est ni plus ni moins que le triomphe d’une oligarchie de l’Argent.
Cependant, Jacques se réfugie en France. Il y est royalement accueilli par Louis XIV, qui offre à son royal protégé le château de Saint-Germain-en-Laye. Mieux : le roi Soleil offre à Jacques de l’argent et des troupes pour recouvrer son trône. Il faut dire que le roi de France est l’ennemi personnel de Guillaume d’Orange et qu’il a besoin d’alliés contre une coalition de royaumes européens que ses armées affrontent sur les champs de bataille : la guerre de la Ligue d’Augsbourg vient de commencer.
Jacques repart donc accompagné de sept mille soldats français et de ses partisans, et débarque en Irlande. Des milliers de paysans rejoignent les rangs de son armée. Bientôt cette armée portera le nom de « jacobite » (de Iacobus, version latine de Jacques). Nous sommes en mars 1689.
Le pays étant majoritairement catholique, celui est supposé apporter un soutien franc et massif à son monarque déchu. Mais les opérations militaires s’embourbent, et Guillaume a le temps de rassembler sa propre armée, d’arriver en Irlande et de défier son beau-père lors de la bataille de la Boyne, le 1er juillet 1690.
Supérieure en nombre, l’armée de l’usurpateur l’emporte, et Jacques doit rentrer penaud en France. La bataille est encore aujourd’hui célébrée en Irlande du nord, sous le nom de « The Orangemens’day ».
Pendant ce temps en Ecosse, un baron des Highlands, Lord Dundee, surnommé « Bonnie Dundee » mène la révolte au nom des Stuarts. Celle-ci, commencée avec cinquante combattants, finira par en rassembler des milliers. Dundee est parvenu à fédérer autour de sa personne des clans rivaux, et c’est avec eux qu’il remporte la bataille de Killikrankie, le 27 juillet 1689. Mais blessé à mort lors de l’affrontement, il ne peut mener à bien la restauration de Jacques. Graham, mourant, aurait demandé à un de ses partisans : « Comment fut la journée ? ». Celui-ci lui aurait répondu « Bien pour le roi Jacques, mais je suis navré pour votre seigneurie. », et les derniers mots de Graham auraient été : « Si cela va bien pour lui, c’est moins important pour moi. » Quoi qu’il en soi un mois plus tard, l’armée jacobite est détruite lors d’une nouvelle bataille.
C’est le traité de Limerick, signé le 13 octobre 1691, qui va mettre fin au premier chapitre de l’histoire de la révolte jacobite. Jacques II obtient de son gendre que les persécutions contre les catholiques cessent, et que ces derniers soient autorisés à s’exiler. Mais cette clause ne sera pas respectée en raison des troubles qui surviendront en Irlande dans les années suivantes.
Des milliers d’Irlandais vont accompagner leur roi en exil en France, où Jacques meurt en 1702, et s’y fixer. Jean-Christian Petitfils estime leur nombre à près de 40 000. Certains rejoindront l’armée française au sein de la Brigade irlandaise, et leur cri de guerre lors de la bataille de Fontenoy sera (nous en donnons la traduction) « Rappeler Limerick et la perfidie anglaise ».
Le fils de Jacques, puis son petit-fils, continueront le combat pour la restauration de leur dynastie jusqu’en 1745, date de la déroute de Culloden, qui va définitivement éteindre le feu de la révolte jacobite.
En quoi cette révolte a-t-elle un intérêt pour nous, gens du XXIe siècle ?
Les Jacobites représentent un mouvement à la fois aristocratique et populaire, rural et religieux, contre le pouvoir d’une oligarchie financière, qui allait bientôt faire subir aux îles britanniques les horreurs de la révolution industrielle. Révolte au nom de la Tradition et de l’ordre ancien, elle dépasse sans doute la question des enjeux dynastiques : c’est l’une des révoltes de l’âme de l’ancienne Europe contre les bénéficiaires de la liberté du commerce, de la City et du centralisme rationaliste.
En lisant le récit des combats de ces précurseurs, les militants nationalistes d’aujourd’hui pourront certainement trouver, comme aurait pu le dire Bardèche : « des exemples d’énergie, de dévouement, de désintéressement, de courage obstiné dans la pauvreté la plus totale. »
Plus que jamais, l’exemple des héroïsmes du passé est nécessaire à l’esprit de lutte qui doit être le nôtre aujourd’hui.
A chacun d’y puiser les ressources nécessaires pour surmonter le Kali Yuga.
Vincent Téma, le 18/04/2023