Si vous vous dites NR et que vous ne savez pas qui est Jean Thiriart…Cessez de lire ces lignes et allez tout de suite vous procurer Le prophète de la Grande Europe, Jean Thiriart, aux éditions Ars Magna (2018). Lisez-le, et ensuite revenez lire ce papier.
C’est dans un entretien accordé à Bernardo-Gil Mugurza que Jean Thiriart, répondant à une question quant à la formation des cadres d’un futur mouvement révolutionnaire, indique quelques suggestions de lecture qu’il nous a paru bon de partager.
Le maître à penser du nationalisme-révolutionnaire grand-européen affirma au cours de cet entretien qu’il possédait dans sa bibliothèque près de 6000 ouvrages. Oui, 6000. Il déclarait en outre qu’il ne recommandait absolument pas la lecture de l’intégralité de ces livres. En effet, considérant que seulement une centaine d’entre eux étaient « capitaux », il recommandait en outre de faire en sorte que les jeunes gens de vingt à vingt-cinq ans évitent « de lire des choses inutiles, si ce n’est par distraction ». Ces cent ouvrages indispensables compteraient « vingt à vingt-cinq auteurs », ni plus ni moins.
Qui sont ces heureux élus ? La liste du Maître n’est pas complète, mais nous avons quelques noms : Machiavel, Hobbes, Carl Schmitt, Bertrand de Jouvenel, Freund, Pareto et « les Encyclopédistes ». Nous pouvons déduire de cela que seuls certains encyclopédistes ont été retenus, puisqu’à eux seuls ils furent près de 150. Notons d’ailleurs que la recherche historique n’a pas encore pu déterminer les noms de l’ensemble des contributeurs du Dictionnaire raisonné des arts, des sciences et des métiers, appellation originelle de l’Encyclopédie. On peut raisonnablement supposer que l’ancien dirigeant du mouvement Jeune Europe parle des plus célèbres d’entre eux, et notamment du baron d’Holbach, dont il se réclame.
Jean Thiriart indique également deux autres auteurs, Marx et Lénine. Mais avec un bémol : selon lui il y a chez ces deux hommes « des choses (…) à lire, beaucoup à ne pas lire. » Sans faire lui-même le bilan exhaustif de l’ensemble de ses désaccords avec eux, il est établi qu’il critiquait chez Marx sa prophétie de l’appauvrissement généralisé des classes populaires (dont il récuse le rôle « rédempteur »), la lutte des classes (qu’il jugeait « stérile »), le messianisme prolétarien, sa formation littéraire et philosophique, et enfin l’absence de pensée d’Etat. Reproche identique pour Lénine, dont il se moquait des affirmations quant à la disparition programmée de l’Etat, les jugeant ridicules.
On reconnaît un homme à sa bibliothèque, dit-on. Nous avons ici un aperçu de l’homme, et une certaine idée de l’exigence intellectuelle qu’il attendait de lui-même comme des autres.
Vincent Téma, le 24/07/2023