Le tour du monde de la radicalité 1 – Petite histoire du mouvement nationaliste-révolutionnaire au Mexique

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L’histoire de la pensée nationale-révolutionnaire dans l’Ibéro-Amérique d’après-guerre est largement méconnu non seulement des nationalistes européens, mais aussi des militants américains eux-mêmes en raison des persécutions gouvernementales, de la discontinuité entre les projets et les initiatives, et de l’hostilité des autres factions du nationalisme en Amérique latine.

Il ne fait aucun doute que l’étude des expériences NR en Amérique latine aurait été nécessaire pour la formation d’un appareil idéologique adapté aux circonstances civilisationnelles du continent. En raison de leur oubli, beaucoup de nouveaux groupements repartent, maladroitement, de zéro, ignorant les actions passées de centaines d’idéalistes habités par le souhait de dépasser les vieilles formes. Dans Un Empire de quatre cents millions d’hommes, l’Europe[1], ouvrage qui est arrivé entre les mains des lecteurs latino-américains dès sa traduction en espagnol, Thiriart dit « Con Iberoamérica : alianza »[2]. Cette considération a motivé différentes initiatives à caractère nationaliste-révolutionnaire sur le continent qui se fédéreront en un mouvement panaméricain Joven America.

Pour se concentrer sur le Mexique, parmi les organisations nationalistes-révolutionnaires les plus importantes sur la scène politique, on peut citer le Frente patriota de México (1963) ; Nueva guardia (1971) ; Conciencia joven (1974) ; le Movimiento nacional corporatista (1974) ; Flama (1978) et le Frente nacional de la juventud (1982), tous avec des particularités différentes et démontrant une évolution idéologique. Il convient de mentionner quelques publications allant dans le même sens, telles que Renovación, Despertar : Expresión del pensamiento nacional corporativo, Conciencia joven, Contracorriente et Corporatismo, qui entretenait des relations avec l’Institut d’études corporatives, organisme dépendant du Mouvement social italien.

Dans le sillage des notions émergentes de nationalisme continental sur la scène européenne, les formations nationalistes-révolutionnaires d’Amérique espagnole adoptèrent le slogan « Du Rio Grande à la Patagonie », prônant la formation d’une « nation ibéro-américaine » qui dépasserait la dispersion politique de la région au profit d’une affirmation civilisationnelle. Encouragés par des valeurs de plus grande transcendance, les points communs tels que « la langue, la religion, la tradition et la mission historique » furent mis en avant. Une ligne tercériste hostile à l’ingérence américaine et au soviétisme fut adoptée comme position générale dans une quête de souveraineté.

Certains militants du mouvement nationaliste-révolutionnaire mexicain rejoignirent l’organisation continentale Alianza nacionalista iberoamericana Joven América, une plate-forme continentale créée en 1963 par le militant cubain anti-castriste Aldo Rosado-Tuero après qu’il soit entré en contact avec Jean Thiriart et qui agit comme section hispano-américaine du mouvement paneuropéen Jeune Europe.

Tous ces groupements défendaient la cause d’un ordre nouveau qui devait se constituer par l’instauration d’un État corporatiste regroupant les formations naturelles de la société : la famille, la commune et les syndicats. La défense de la souveraineté nationale, de la justice sociale et de la liberté tel était leur axe doctrinal. La tendance NR au Mexique rompit avec la tradition politique des groupements fascistes historiques du pays, en adoptant une position laïque différente de leur orientation confessionnelle. Cette caractéristique, associée à la revendication d’une stricte justice sociale, provoqua des affrontements avec les groupes nationalistes les plus réactionnaires, qui cherchèrent à saper leur développement.

De manière récurrente, mais parfois désordonnée, les différents groupes nationalistes-révolutionnaires ont utilisé des expériences étrangères comme références, tels que le justicialisme argentin, le national-syndicalisme joséantonien, la République de Saló et la Garde de fer roumaine. Curieusement, la traduction en espagnol de La Garde de fer – Pour les légionnaires de Cornelius Z. Codreanu fut effectuée par le Mexicain Manuel de la Isla Paulin, infatigable dirigeant de nombreuses organisations, de droite puis de gauche, durant sa jeunesse.

 

Dans le contexte de ce que l’on a appelé au Mexique la « guerre sale » – une période correspondant à la guerre froide au cours de laquelle les actions directes de groupes de gauche, souvent marxistes, ont proliférées – les éléments mexicains du courant NR se sont définis comme opposés à l’agitation des organisations armées, s’inscrivant dans la clandestinité anticommuniste sous la forme de formations paramilitaires. La Nouvelle Garde, qui avait repris à la Milice française la lettre gamma comme logo, est un exemple de ce positionnement. Dans ce contexte, l’idéologue nationaliste-révolutionnaire Efrén del Río Romero publia un manuel de guerre anti-subversive titré Contre-révolution.

L’écrivain José Luis Ontiveros, militant de l’Avanguardia Nazionale durant ses études en Italie pendant les turbulentes Années de plomb, introduisit dans le milieu politique dissident mexicain certaines des innovations théoriques de la troisième position européenne. Ontiveros fut le responsable de la rédaction de la revue traditionaliste Año Cero (sur le modèle de la publication italienne Anno Zero) organe qui représenta la première tentative d’introduire la pensée de Julius Evola en Amérique latine. Les idées d’Evola eurent alors une grande influence sur le Front national de la jeunesse, déjà mentionné, qui mit l’accent sur les principes de dynamisme nationaliste, d’éthique héroïque et d’élitisme. L’écrivain et chercheur Juan Pablo Herrera Castro, qui a milité dans certaines des organisations présentées dans cet article, a été un ardent promoteur de la pensée nationaliste-révolutionnaire dans le pays, consacrant une énorme quantité de travail à la structuration des organisations susmentionnées.

Afin de compléter notre tour de vue des formations politiques mexicaines identifiées, à l’étranger, comme des mouvements fascistes, nous consacrerons quelques brèves lignes à deux organisations qui ne s’alignent pas sur la vision du monde NR et qui appartiennent au vaste segment du nationalisme catholique.

L’Union nationale synarchiste (UNS), force politique paysanne à la ligne catholique corporatiste et d’inspiration fasciste déclarée (du moins dans le style), a représenté le plus grand mouvement de masse d’idéologie nationaliste du pays. L’UNS a fini par se disperser après une longue série de graves conflits internes qui ont commencé en 1941 sur sa stratégie politique et ont conduit à de nombreuses scissions, une situation aggravée par le virage idéologique du mouvement vers la démocratie chrétienne au début des années 1960.

La mythique organisation secrète Los Tecos (abréviation de tecolotes[3]), parfois appelée Guerilleros de Cristo Rey, était une société fondamentaliste d’affinité fasciste fondée par des admirateurs du national-socialisme allemand et apparue dans les années 1940, son démantèlement est attribué à l’ingérence du lobby israélien dans le pays.

Quelle est la situation actuelle du nationalisme alternatif mexicain ?

On ne compte plus les groupes de trois ou quatre personnes qui cherchent à se positionner sur la scène nationale, sans grand succès. Rares sont les exemples où ces projets acquierent la force nécessaire pour se consolider efficacement. Comme dans le reste du continent, la grande majorité de ces groupes sont trop minoritaires pour atteindre un quelconque degré de pertinence. Quelques exceptions sont mentionnées ici, à savoir des groupes dont les activités ont généré un certain impact, qu’il soit culturel ou médiatique.

Le Frente nacionalista de México, fondé en avril 2006, est l’une des rares organisations tercéristes contemporaines à avoir maintenu une activité ininterrompue au fil des ans et à avoir aspiré à participer à la politique électorale. Le FNM, caractérisé par un certain halo de folklore historique, a défini son idéologie comme le « mexicanisme », avec des revendications territoriales telles que la réincorporation de l’Amérique centrale et des régions arrachées au Mexique par les États-Unis. Il prône également un « national-socialisme mexicain » et épouse la cause de l’antiprogressisme.

Il existe également un courant qui oscille entre l’artistique et le métapolitique, avec un fort accent sur l’ésotérisme, appelé le « Tempestisme », qui est apparu en avril 2020. Au cours de sa phase de développement politique, certains de ses membres ont entretenu des contacts avec le professeur Aleksandr Duguin, intégrant le Comité ibéro-américain de libération, un réseau continental d’associations se revendiquant de la Quatrième théorie politique.

Il reste à mentionner Union, nation, révolution (UNR). Créée en février 2022, l’UNR vise à poursuivre les initiatives politiques de type nationaliste-révolutionnaire, pratiquement inconnues et déjà évoquées. Cherchant à dépasser l’exemple du fascisme historique, les membres de l’UNR ont entrepris de formuler une idéologie politique mexicaine pour notre siècle, en accord avec les réalités historiques, culturelles et politiques du pays, étayée par une vision critique du panorama national. Certains de ses membres s’identifient à la « gauche nationale », tandis que d’autres se revendiquent de la Nouvelle Droite. Toujours soucieux d’étoffer ses rangs, le groupe compte aujourd’hui une centaine de membres. Il cherche actuellement à obtenir le statut d’association civile, prônant une forme de militantisme distincte du jeu politique contingent. Le groupe est également en contact avec le groupe politique espagnol Movimiento Pueblo (issu du Mouvement social républicain), parmi d’autres initiatives similaires à l’échelle mondiale.

Francisco de Lizardi

[1] Arriba Europa!: Una Europa unida: un imperio de 400 millones de hombres, Editorial Mateu, 1965.

[2] Avec l’Amérique latine : alliance.

[3] Hiboux.

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