Pour un nouveau contrat social (Serge Ayoub 2018)

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L’ouvrage présenté aujourd’hui est peu connu au sein de nos rangs. On ne peut pas par ailleurs manquer de souligner l’analogie de son titre avec le célèbre ouvrage de Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, publié en 1762. Son auteur en revanche est davantage connu. Serge Ayoub me dites-vous ? Nous n’avons pas affaire à un inconnu. Loin de là. Aussi nous nous contenterons de dresser une brève mais efficace biographie politique du personnage.

Serge Ayoub est un militant nationaliste-révolutionnaire de longue date. Né à Bagnolet en 1964, fils d’un couple franco-libanais, il se fait connaître dès les années 1980 comme militant de combat au sein de groupes skinheads spécialisés dans l’affrontement physique avec les bandes d’égarés gauchistes. Il est alors surnommé « Batskin » en raison du zèle qu’il employait à corriger l’ennemi au moyen charitable de battes de baseball.

Assez proche idéologiquement du Mouvement nationaliste-révolutionnaire (MNR) de Jean-Gilles Malliarakis, il fonde en 1987 les Jeunesses nationalistes révolutionnaires. Mais en 1989 il se sépare de Troisième Voie, mouvement qui a succédé au MNR, parce qu’il ne souhaite pas suivre le virage droitier de celui-ci. Il est candidat aux élections législatives dans les Hauts-de-Seine à cette époque.

Ayoub va s’écarter pendant quelques années du champ politique, avant de revenir militer en 2007 aux côtés d’Alain Soral, quoique brièvement. Il fonde alors la société des Egaux, un nouveau groupe NR. Le nom de cette nouvelle formation est bien sûr un hommage au mouvement babouviste de la Révolution française, mais aussi « Le Local », un bar ayant pour projet d’accueillir les militants des deux rives, et où sont organisées des conférences sur l’histoire et l’actualité. Le bar survivra six ans, pour finalement fermer quelques mois après la mort de Clément Méric.

En 2011 il organise une manifestation dite de « Front populaire solidariste » en hommage au socialiste Roger Salengro, qui provoque une contre-manifestation gauchiste rassemblant la CGT, Sud, SOS Racisme, la Ligue des Droits de l’Homme, le NPA et le Front de gauche, et d’autres formations toutes aussi peu fréquentables.

En octobre 2012, il annonce la renaissance d’une nouvelle version de Troisième Voie, baptisée « Troisième Voie pour une avant-garde solidariste ». Mais le Premier ministre Jean-Marc Ayrault annonce qu’il va tenter de faire procéder à la dissolution du groupe, qui est finalement dissous pour « incitation à la haine et formation de milices privées ». C’était en 2014.

Depuis ces évènements, Serge Ayoub se mit à travailler un projet complet, intégral, pour la France. Sa doctrine est inspirée des idées solidaristes qu’il a fait siennes depuis sa jeunesse, et dont l’origine remontent à Léon Bourgeois. Le livre qui va nous intéresser aujourd’hui a été publié en 2018 par KontreKulture, maison d’édition dissidente s’il en est. L’auteur se donne comme objectif de « définir à quelles conditions la justice sociale doit être rétablie dans le cadre de la nation ».

Justement, pourquoi défendre l’idée de justice sociale ? Parce que, nous rappelle Serge Ayoub, la société capitaliste mondiale de 2023 connaît une « redistribution de la richesse mondiale au profit d’une trop petite minorité ». Quel nom est donné à cette minorité par notre auteur ? Celui d’« oligarchie ». Une oligarchie financière, industrielle, disposant de relais culturels très puissants se conformant à ses intérêts.

Se réappropriant l’idée de progrès dans un sens positif, Serge Ayoub explique qu’un lien essentiel et nécessaire existe entre civilisation, nation et justice sociale. Plus précisément il écrit « le progrès consistera à conserver, entretenir et développer les fondamentaux de notre civilisation et la justice sociale en est le moyen. »

Patriote, Serge Ayoub entend reconstruire une Europe « revue et corrigée », c’est-à-dire notamment transformée en une confédération d’Etats-nations. Il s’agit aussi de favoriser le retour du contrôle par le pouvoir politique du pouvoir économique, en l’occurrence de l’Etat souverain, un Etat parfaitement démocratique et donc indirectement contrôlé par les travailleurs français, qui du fait de leur travail productif, doivent être aussi bien citoyens de la Cité que « citoyens » de leur entreprise. Autrement dit, propriétaires de leur liberté collective.

Serge Ayoub, par le biais d’un peu d’histoire économique et sociale, retrace la naissance de l’oligarchie. Reprenant à son compte l’analyse marxiste des classes sociales, il observe la solidarité profonde et naturelle des intérêts de tous les individus de l’hyperclasse mondialisée, bénéficiaire principale, bien plus que les classes moyennes et toujours au détriment des classes populaires, de la conception et des conséquences de « l’ultralibéralisme » que subissent les perdants de la globalisation.

L’ouvrage tout entier, fidèle à la formule de Rousseau selon laquelle « le but de la société est le bonheur commun », le livre ne se contente pas de condamner l’absence de moralité d’une classe sociale favorisée n’ayant à cœur que de bénéficier de la rentabilité financière accrue de ses actifs, mais s’efforce de construire une réflexion cohérente dont le fil conducteur est de dresser les plans d’une société nouvelle. Serge Ayoub, après avoir identifié les responsables, leurs complices et les victimes de l’état de notre société moderne, décrit les mécanismes d’oppression de l’oligarchie dominante, puis analyse les notions d’égalité, de citoyenneté et de liberté. L’auteur nous met en garde contre des conceptions naïves de l’égalité qui viseraient à dénaturer l’humain en prétendant lui ôter son comportement naturel, parce qu’une telle politique mènerait à un totalitarisme néfaste.

Marxiste, Serge Ayoub ? Non, mais manifestement marxien, surtout lorsqu’il écrit «  La détention des outils politiques, culturels, sociaux, symboliques, permettant de concentrer les richesses de toute nature sont les nouvelles machines-outils et les nouvelles usines du grand capital ».

Serge Ayoub défend l’idée de dépasser le salariat via la participation dans les entreprises, en temps qu’outil d’harmonie sociale, mais aussi bien entendu de justice sociale. Est aussi promue la création de coopératives. Toutes ces mesures devant aider à combattre une conception de la société selon laquelle celle-ci  devrait avoir pour axiome une frénétique et délirante recherche permanente du profit.

Notre auteur repense aussi l’impôt, qu’il désire plus égalitaire, puisqu’il constitue la base du contrat social souhaitable de l’avenir. Il aborde aussi la nécessité de réformer la fonction publique, ou encore le rôle de l’Etat dont la nécessaire fonction est de s’opposer à la « loi de la jungle instaurée par le système totalitaire marchand ».  Est aussi défendue la dissolution des organismes privés en charge de nos cotisations et de nos allocations que sont les URSSAF, ainsi que la création et la défense d’emplois.

Enfin, « Batskin » défend la refonte des syndicats et la transformation de certaines institutions de la République pour les rendre plus proches des réalités économiques de la France que nous connaissons.

Plébiscitant Rousseau contre Voltaire, Serge Ayoub, s’il ne défend pas l’abolition du capitalisme, prône sa régulation, et souhaite le moraliser en profondeur. A nos yeux, il s’inscrit dans le sillage des premiers socialistes, dans les vues d’un homme comme Charles Fourier. Il partage en effet avec lui non l’idée de créer des phalanstères, mais celle de procéder à une refonte morale comme économique de la société, qui passerait par une harmonie des classes retrouvée. Il n’est en effet pas question pour lui d’abolir la propriété privée, ni l’idée de profit elle-même, ou de mettre en œuvre l’abolition de l’Etat.

Nous avons quelques réserves vis-à-vis d’une poignée de propositions : Nous ne pensons pas qu’une Europe confédérée soit une solution viable, mais bien plutôt une Europe fédérée, ce qui assurait une meilleure coordination des Etats membres en vue de répondre à un danger militaire, économique et culturel extérieur. De même nous ne pensons pas qu’il soit sage d’augmenter la durée du temps de travail, parce que cela heurterait la progressive diminution du nombre d’emplois qu’une nouvelle vague d’automatisation généralisée laisse présager pour les années à venir, et nous  sommes très sceptiques quant à l’idée selon laquelle le travail et le capital puissent faire reculer l’égoïsme des classes bourgeoises sans une dictature des classes populaires, ce qui mènerait à terme à une socialisation totale des moyens de production.

Nonobstant nos réserves, nous convenons parfaitement que ce petit livre a de nombreux mérites, dont celui de poser intelligemment les enjeux de notre temps, et d’y répondre sans la moindre trace de démagogie. La meilleure des analyses de Serge Ayoub est à nos yeux celle qui affirme que la recherche de la justice sociale n’est pas une donnée accessoire de la vie en société, mais bien au contraire le moyen de renouer avec d’authentiques et parfois vénérables valeurs civilisationnelles que sont la solidarité, l’entraide, ou encore le don. Les réflexions et les solutions qui sont exposées dans ce livre doivent être méditées, qu’on les approuve ou non.

Profitons-en d’ailleurs dès à présent pour réfléchir à l’une des grandes vérités que rappelle Serge Ayoub :

« l’homme n’a pas besoin d’une meilleure âme, mais de meilleures institutions. »

Vincent Téma

le 23/07/2023.

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