Rencontre avec d’anciens communistes

roland gaucher

Article publié dans le numéro de septembre 2001 de Résistance, l’organe d’Unité radicale.

Les communistes, les trotskistes, en dépit de leur divergences, sont issus de la meilleure école de combat politico-militaire du monde : l’école marxiste-léniniste.

Avant la guerre de 40 et sous l’occupation, j’ai été en contact avec des trotskistes. Ce que j’ai raconté dans un article de Jeune résistance1.

Mais en définitive, j’ai beaucoup plus appris du côté des anciens communistes. En tout cas dans le domaine de la praxis, c’est-à-dire du fonctionnement de l’appareil, de l’agit-prop et de l’action clandestine.

Sous l’occupation, alors que j’étais membre de la direction des Jeunesses nationales-populaires de Marcel Déat, Maurice Déglise, artisan, ancien communiste, me communiqua un certain nombre de recettes pratiques.

Mais la leçon principale se situe quelques jours avant la Libération. Cette leçon ne dura guère plus d’une heure. Mais ce que j’ai appris dans ce bref moment m’a marqué à toujours.

Ce jour-là, en effet, Henri Barbé vint faire un cours de clandestinité à la direction des JNP.

Rappelons qui était Barbé. Il avait appartenu au secrétariat général du Pcf qui englobait dans la période 1928-1932, outre lui-même, Maurice Thorez, Jacques Duclos, Pierre Célor et un cinquième personnage dont j’ai oublié le nom. Dans cette période, il avait acquis une grande expérience des combats avec Moscou.

Ce qu’il nous dit en une heure nous passionna. Je pris fiévreusement des notes. Dans les jours suivants, je les relus assez pour les savoir par cœur. Puis je les détruisis.

Il n’est pas question ici de les exposer toutes. Je me contenterai de citer le cas de l’organisation de la structure clandestine du Pcf. Elle était fondée sur la troïka. C’est à dire qu’un membre de cet appareil clandestin n’en connaissait que deux autres. S’il craquait lors d’un interrogatoire, parfois brutal, il ne pouvait livrer que deux noms. L’annihilation de l’appareil clandestin en était d’autant retardée.

Après la guerre, je retrouvais Barbé en compagnie de Celor, de Boris Souvarine (auteur d’un remarquable ouvrage sur Staline complètement occulté par les médias), d’Emile Bougère qui, au Parti communiste avait appartenu au réseau des Rabcors2, lequel, avant la guerre, pratiquait l’espionnage industriel pour le compte du Pcf et de Moscou. Ceci lors des réunions d’Est et Ouest, une petite publication créée par Georges Albertini, ancien secrétaire général du Rnp. Je voyais aussi, de temps en temps, Pierre Dutilleul, qui passa du Pcf au Ppf de Jacques Doriot.

De tous ces hommes j’ai appris beaucoup de choses.

J’ai été souvent présenté par la presse adverse comme un anti-communiste « primaire, vulgaire et systématique ». J’ai combattu en effet le Pcf(Marchais en particulier) sans ménagements.

Mais ce sont les anciens communistes qui m’ont formé. Qui m’ont appris à me battre. Je leur en reste reconnaissant.

De l’extrême-droite, en matière de techniques clandestines, je n’ai strictement rien appris.

Roland Gaucher

Notes : 1 – la revue trimestrielle des jeunes radicaux, numéro d’automne.

2 – correspondants ouvriers de L’Humanité, en réalité l’équivalent d’un service d’espionnage pro-soviétique dans les usines.

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