Shayetet 13, les commandos-marine d’Israël qui furent fondés par des fascistes

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L’intervention militaire de Tsahal contre des navires humanitaires se rendant à Gaza, le 31 mai dernier (2010), a mis sur le devant de la scène une unité peu connue, la Shayetet 13, c’est-à-dire les commandos de la marine israélienne.

On a pu lire ici ou là que cette unité, alors en création, s’était illustré en octobre 1948, lorsque ses hommes détruisirent le navire amiral de la flotte égyptienne, l’Émir Farouk, devant Gaza. Pour ce faire, ils avaient utilisé des vedettes italiennes bourrées d’explosifs qu’ils avaient lancé contre le bateau, juste après avoir sauté à l’eau ! Une tactique qu’ils auraient copié sur les Italiens de la Decima Mas…

La réalité est autre, et beaucoup moins politiquement correcte. En effet, si la Shayetet 13 copia la Decima Mas, c’est pour la simple raison qu’elle bénéficia de l’instruction d’ex-officiers de cette unité d’élite de la République sociale italienne. Des hommes qui n’avaient en rien renié leurs convictions fascistes et qui, désireux de continuer la lutte contre l’impérialisme britannique, se mirent au service des sionistes qui combattaient la perfide Albion, alors puissance mandataire en Palestine.

Pour comprendre cela, il faut remonter au mois de novembre 1934. Zeev Jabotinsky, le leader de l’aile la plus à droite du sionisme, obtint de l’Italie de Mussolini que des militants de son association de jeunesse – le célèbre Betar – soient formés à la Scuola Maritima de Civitavecchia afin de constituer l’embryon d’une marine militaire sioniste. Dans cette école, qui dépendait directement du Parti national fasciste, les betarim étaient encadrés par des Chemises noires. Des liens d’amitié se créèrent alors. Ils perdurèrent et, à l’issue de la Deuxième Guerre mondiale, des dirigeants sionistes, qui luttaient en Palestine contre les Anglais et qui étaient à la recherche de spécialistes pour former leurs recrues, contactèrent leurs anciens instructeurs. Ils s’adressèrent à Nino Buttazzoni qui avait dirigé les commandos de choc italiens (le Battaglioni NP) avant de rejoindre l’état-major de la Decima Mas. Après le 8 mai 1945, l’homme n’avait pas abandonné le combat et il était devenu un des dirigeants de la « résistance fasciste » qu’incarnaient alors les Faisceaux d’action révolutionnaire.

Nino Buttazzoni mit à la disposition de l’Irgoun, l’armée clandestine dirigée par des partisans de Jabotinsky, des stocks d’explosifs clandestins qui avaient été constitués avant la défaite de l’axe et, surtout, il mit en relation ses dirigeants avec quelques-uns de ses proches. C’est ainsi que sous la direction de Fiorenzo Capriotti, un ancien plongeur de combat de la Decima Mas, se forma une équipe d’instructeurs italiens. Ils se procurèrent des cris-craft, les convoyèrent clandestinement jusqu’en Palestine et, sous la supervision de Yohay Fisher – alias Ben Nun, le futur fondateur de la Shayetet 13 –, ils instruisirent les premiers commandos de marine juifs sur le lac de Tibériade. C’est ce qui explique que l’attaque israélienne qui, en 1948 devant Gaza, détruisit l’Émir Farouk, fut une copie conforme de l’attaque italienne qui, en 1941 devant Alexandrie, détruisit le Valiant et le Queen Elizabeth, deux fleurons de la flotte britannique.

Après avoir rempli son rôle d’instructeur Fiorenzo Capriotti rentra en Italie où il créa une société spécialisée dans l’exportation d’arme vers l’État hébreux. Dans le même temps, il adhéra au Mouvement social italien, parti regroupant les nostalgiques de Benito Mussolini, et y accéda rapidement à des postes de direction dont celle de membre de son comité central.

Ses amis israéliens ne l’oublièrent jamais. Ainsi, le 22 octobre 1992, en remerciement de l’aide que l’ancien fasciste avait apporté au combat pour l’indépendance d’Israël, l’amiral Ami Ayalon, commandant en chef de la marine de l’État hébreux le nomma, lors d’un rassemblement d’ancien combattant à la base militaire d’Atlit, commandant à titre honoraire de la marine israélienne.

Article rédigé pour Flash en juin 2010.

Illustration : Nino Buttazzoni.

 

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