Thomas, Crépol, sur place un mois après

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À l’occasion des fêtes de fin d’année, j’ai traversé la Drôme en voiture. Je suis sorti de l’A7, axe central qui conditionne l’intégralité de la vie de ce département où l’expression « France périphérique » prend tout son sens : inévitablement, en m’éloignant de l’autoroute avant Valence, je suis passé proche de noms de villes qui ont monopolisé l’attention médiatique il y a un mois : « Romans-sur-Isère » ; « Crépol »… 
J’ai décidé de faire un crochet sur mon trajet. Affecté par l’assassinat de Thomas, dont les photos, vidéos et storys circulant après sa mort m’avait fait ressentir un fort sentiment d’identification, j’ai tenu à lui rendre hommage et – aussi – d’essayer de voir de près l’atmosphère des lieux de l’affaire : la veille de Noël, un mois après le drame.
Crépol est un village niché au sein d’une vallée, assez loin de l’A7. Dans la Drôme, plus on éloigne de l’axe autoroutier, plus on rentre en zone rurale, peu peuplée et mal desservie. D’ailleurs, plus on éloigne de l’axe nourricier, plus on y vote RN.
J’ai, je pense, emprunté la même route que les assassins de Thomas : je suis rentré à Romans par la cité de la Monnaie, et j’ai pris la route la plus directe vers Crépol. Une quinzaine de minutes de route sépare les deux endroits. Ce matin, c’était marché à la Monnaie. Remplacé, évidemment : à 15 minutes en voiture, c’était la France rugby-campagne. Deux mondes côte à côte.
La misère rurale, blanche, est palpable dans cette partie là de la Drôme. En s’approchant du village, des granges, des fermes et des bâtiments abandonnés. Des arrêts de bus isolés, en bois. La plupart, recouverts d’affiches : « Justice pour Thomas ». Sèches, mais pas arrachées. Les autres affichent les portraits de MLP et Bardella souhaitant un Joyeux Noël. Des panneaux d’entrée de villages sont retournés : le mouvement social des agriculteurs est passé par là. L’ambiance politique est claire. En prenant Thomas, c’est dans la chair de la France « gauloise réfractaire » que l’on a tranché.
L’entrée de Crépol est dans le même ton. Sous le panneau d’entrée de la ville, une écharpe noire marque le ton de deuil de la commune. À part un Utile (aménagé dans un petit entrepôt) où des familles s’affairent pour les achats de Noël, le village est désertique. Comme dans beaucoup de villages, la façade de l’ancien bar de la place, brisé et poussiéreuse, témoigne d’une vie sociale à l’abandon.
On longe la rivière jusqu’à la salle des fêtes. Les voisins hochent la tête et nous saluent quand ils remarquent les roses blanches que nous tenons dans les mains. Pas de regards noirs. Pas d’hostilité. L’hommage ne choque pas. La « récupération » n’existe pas.
Devant la salle des fêtes, dont les portes sont barrées par des rubans rouges de la gendarmerie, des roses qui fânent côtoient l’hommage du club de Rugby ou de l’association des anciens Résistants du Vercos. Sur le panneau dessiné par ces derniers : « Ne jamais baisser la tête, combattre la racaille, vivre après le traumatisme ». Nous posons nos roses. Dans une rue, le visage de Mélenchon collé sur un poteau a été effacé au feutre noir. Souvenir des affiches intactes sur la route. Un mois après, on n’oublie pas Thomas. Ni nous, ni Crépol. Sa mort nous oblige.
Une dernière vue sur le retour sur les affiches : le slogan est clair « Justice pour Thomas ».
Raphaël Ayma
Source : https://twitter.com/raphael_ayma/status/1738623476242538973
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