Georges Sorel est évidemment un maître à penser pour les nationalistes-révolutionnaires dignes de ce nom. Il n’est pas exagéré, ni anachronique, de le compter parmi nos « Grands Anciens », plus exactement au sein de la deuxième génération des NR de France, qui éclot lors de l’affaire Dreyfus. N’est-il pas à l’aube du XXe siècle l’un des chefs de fil de ces intellectuels pour certains venus du marxisme, et désireux de concilier la lutte éternelle pour la justice sociale avec l’intérêt salutaire de la nation française, et de toutes les nations en général ?
Plus largement, sa lecture s’impose à celui qui prétend penser la politique, comprendre l’histoire des idées, et concevoir d’une manière optimale la lutte nationale et sociale d’hier et d’aujourd’hui. C’est de cette réappropriation de son œuvre, et de la nécessaire et évidente volonté de moderniser ses idées, que nous trouverons les clés nécessaires à la lutte de demain.
Georges Sorel n’est pas le plus connu des intellectuels dont nous pouvons nous réclamer, certes. Nous le regrettons. Mais il est certainement l’un des plus passionnants à lire. A l’inverse de certains savants qui ont pu nous fournir des outils précieux au moyen d’un travail monolithique mais rigide pour comprendre le monde moderne, Georges Sorel a produit une œuvre, une pensée, et a connu un itinéraire intellectuel qui semble pour le moins, si l’on s’en tient à la première impression venue, bizarre, décousue, totalement incompréhensible. Là serait la preuve, au choix, d’une incapacité à construire une pensée solide, d’un esprit au jugement faux, ou alors d’un renoncement à des convictions volatiles afin de plaire à un public, pour lui vendre des livres.
La force de l’efficace synthèse concoctée par Rodolphe Cart, auteur d’un petit ouvrage retraçant le fil de la pensée, des évolutions et des remises en question de Sorel, est précisément de rappeler qu’il n’en est rien. Sorel fut de ces intellectuels authentiquement ennemis des postures dogmatiques, sans se soucier du quand dira-t-on ravageur et stérile, et qui eut l’honnêteté rare d’accepter d’être corrigé, tout comme de corriger lui-même sa propre pensée en cas de nécessité.
L’auteur de ce qui est (entre autres) une véritable biographie politique de Georges Sorel, se distinguant de certains scientistes qui prétendent juger objectivement l’œuvre sorélienne, affirme sans ambages qu’il écrit là l’éloge d’un maître, maître qu’il souhaite voir influer une génération nouvelle de militants. En le lisant, nous avons pourtant retenu une analyse subtile et exigeante, sans emphases de mauvaise littérature ni occultations aucune des éventuelles et discutables erreurs ou incohérences ponctuelles de Sorel.
Dans cet ouvrage, Rodolphe Cart nous présente les origines familiales de ce natif de Cherbourg, son brillant parcours scolaire et universitaire, ses (étonnantes) premières idées politiques, son arrivée tardive dans l’univers du militantisme intellectuel, l’importance de Marx et de Proudhon dans sa doctrine, son rôle de maître à penser du syndicalisme révolutionnaire français (et pas seulement), son attachement à la solidité des liens familiaux, sa volonté de construire une société humaine régentée par une haute moralité, son éphémère mais très réel rapprochement avec une partie de l’Action française, ses espoirs en Mussolini et en Lénine. On peut ainsi, grâce à ce petit livre, comprendre l’essentiel de la pensée sorélienne tout en disposant des références nécessaires pour approfondir tel ou tel point de sa doctrine.
Savoir qu’un représentant de notre génération de jeunes militants est capable de relever le défi du niveau d’exigence intellectuel attendu pour analyser l’œuvre des anciens maîtres nous encourage à persévérer dans la foi en l’avenir de notre cause. Nous ne pouvons qu’espérer que d’autres Rodolphe Cart apparaissent dans les prochaines années, reprenant, chcun à leur façon, mais toujours avec conviction et détermination, le flambeau de nos luttes.
Quoi qu’il en soit nous suggérerons à nos lecteurs de se procurer au plus vite l’ouvrage, disponible aux éditions de la Nouvelle Librairie.
Vincent Téma, le 06/07/2023