François Duprat, nous le suivions sans le comprendre
Quand parait le n°1 de Le Salut public, il reste à François Duprat moins de huit mois à vivre.
Ce court laps de temps va, cependant, être la période charnière de la stratégie qu’il a mise en place et qu’il expose dans ce bimestriel : les nationalistes-révolutionnaires doivent quitter les positions groupusculaires de témoignage pour s’engager dans la « véritable » politique. Bénéficiant d’un savoir-faire important et reconnu, ils doivent l’utiliser à développer leur propre organisation (les Groupes nationalistes-révolutionnaires de base) tout en pratiquant une stratégie de front uni et en devenant le « sel de la terre » d’un Front national qui est encore dans sa traversée du désert.
J’étais, à l’époque, lecteur des Cahiers européens et militant de base du GNR(b) de Nantes et en préparant ce livre pour l’édition, je me suis rendu-compte que, collectivement, nous suivions François Duprat sans le comprendre et cela m’a mortifié.
C’est cette incompréhension qui explique qu’il n’est rien resté, hors ses écrits, du travail de Duprat. Dès le lendemain de son décès, alors que nous aurions dû continuer son travail et sa stratégie, nous sommes revenus au témoignage et aux groupuscules, les uns à la Fédération d’action nationale européenne, les autres au Mouvement nationaliste-révolutionnaire.
Pourquoi cela ? Bien sûr, l’épuration des nôtres menée par Stirbois au sein du FN y a joué un rôle, mais il faut bien admettre que cette épuration ne touchait pas les meilleurs et les plus intéressants d’entre nous mais les plus provocateurs et les plus marginaux. La véritable raison n’est pas là et elle est plus triviale : nous suivions Duprat, parfois sans le lire, et, la plupart du temps, sans le comprendre ! Ses réflexions stratégiques ne nous inspiraient guère et nous n’étions mus que par le romantisme de l’action pour l’action et du radicalisme le plus ultra qui soit.
Cette ignorance des travaux de François Duprat ne s’est pas arrêtée là. Rétrospectivement, il est ahurissant de se souvenir que, quand les NR français avec Unité radicale ont entrepris de constituer (après avoir perdu vingt ans) une fraction au sein du Front national, leur source d’inspiration n’a pas été ce que voulait faire Duprat en 1978 mais le travail mené par les trotskistes de la Labour tendency au sein du Parti travailliste britannique !
Le temps a passé, les stratégies et les modes de l’action politique sont différents mais il reste nécessaire de lire François Duprat et de s’inspirer de son exemple et, surtout, de son abnégation militante. Dans Le Salut public, il écrit 80% des textes sous son nom ou sous pseudonymes (Philippe Solliers, Jacques Bastide, Philippe Delmon, Patrice Thuriet) et, dans le même temps, il fait de même pour un hebdomadaire, Les Cahiers européens, et pour La Revue d’histoire du fascisme et pour ses suppléments. À cela s’ajoute ses contributions à des organes de presse amis, l’écriture de ses nombreux ouvrages, ses responsabilités au Front national où il est considéré comme le numéro 2 de l’organigramme et son activité professionnelle d’enseignant en lycée. Où trouve-t-il le temps de faire tout cela ?
Enfin, une dernière question mérite d’être évoquée, que serait-il devenu s’il n’avait pas été assassiné ? Il serait vraisemblablement resté au FN fort longtemps et à un poste de responsabilité, quitte à pratiquer un taqîya de bon aloi, mais une chose est certaine : il ne rêvait (ni n’imaginait) un FN tel qu’il est devenu. Son espoir, en 1978, était plutôt de réussir à développer quelque chose qui aurait ressemblé plus ou moins à l’Aube dorée grecque, c’est-à-dire une grande radicalité idéologique rencontrant la volonté populaire dans les urnes sans se renier.
Notes bibliographiques :
Le Salut public n°1, juillet-août 1977, organe de lutte contre le capitalisme et le marxisme pour la cause du peuple et de la nation, 20 p.
Le Salut public n°2, septembre-octobre 1977, organe de lutte contre le capitalisme et le marxisme pour la cause du peuple et de la nation, 20 p.
Le Salut public n°3, novembre-décembre 1977, organe de lutte contre le capitalisme et le marxisme pour la cause du peuple et de la nation, revue doctrinale des Groupes nationalistes-révolutionnaires, 20 p.
Le Salut public n°4, janvier-février 1978, organe de lutte contre le capitalisme et le marxisme pour la cause du peuple et de la nation, revue doctrinale des Groupes nationalistes-révolutionnaires, 20 p.
Le Salut public n°5, mars-avril 1978, organe de lutte contre le capitalisme et le marxisme pour la cause du peuple et de la nation, revue doctrinale bimestrielles des Groupes nationalistes-révolutionnaires, 24 p.