Le 2 septembre 2009, à Buenos Aires, le colonel Seineldin, cadre de réserve de l’armée argentine, est décédé à l’âge de soixante-quinze ans après une vie militaire et politique bien remplie. Cette disparition inattendue a fait la une de tous les quotidien sud-américain et les obsèques de ce héros de la guerre des Malouines ont réunies une foule dense où les anciens combattants côtoyaient les militants péronistes et les activistes de l’extrême gauche marxiste léniniste. Totalement inconnu en Europe, Mohamed Ali Seineldin était considéré, en Amérique, latine à la fois comme une des sources d’inspiration d’ Hugo Chavez dans les années 1980-1990 et comme l’incarnation la plus pure du nationalisme argentin.
Arabe libanais d’origine, chiite de naissance, Seineldin s’était converti au catholicisme durant son adolescence. Il avait fait alors le choix de ne pas christianiser ses prénoms par respect pour ses parents. En 1957, à vingt-quatre ans, à l’issue de ses études, il choisit la carrière militaire. Officier sans histoire, il ne se caractérisa pendant longtemps que par sa foi religieuse vive et par ses conviction péronistes affichées.
Après le retour d’exil du général Peron et de son épouse, en 1973, il fut des militaires qui eurent la difficile tache de réduire la guérilla trotskiste qui d’était développée dans la province de Tucuman, ce qu’il fit d’une manière « propre », sans massacres ni tortures. Le coup d’État de mars 1976, lors duquel une junte de généraux renversa la présidente Isabelle Peron, mit un terme à sa carrière : considéré, à juste titre, comme un péroniste, il n’eut plus aucun avancement et fut cantonné dans des garnisons obscures au fin fond de la Patagonie. Ce positionnement géographique eut comme conséquence qu’il fut un des officier envoyés occuper les îles Malouines en mai 1982. Lors de la contre-offensive britanniques de juin, il organisa avec brio la résistance des troupes argentines, se couvrit de gloire et acquis soudain une notoriété importante qu’il consolida par des déclarations nationalistes répétées. Nommé, deux ans plus tard, à Panama comme attaché militaire à l’ambassade d’Argentine, il apporta une aide importante au général Noriega quand celui-ci déclara « l’état de guerre » envers les Etats-Unis. Faisant cela contre l’avis de son gouvernement, il fut démis de son poste et rappelé à Buenos Aires. Il y trouva les officiers et les sous-officiers en ébullition car soumis à des enquêtes et des procès humiliants pour la manière dont ils avaient réduit les tentatives d’insurrection de l’extrême gauche dans la seconde partie des années 1970.
Alors que rien ne lui était reproché et qu’aucune charge ne pesait contre lui, Mohamed Ali Seineldin, déclarant qu’il était inacceptable que ceux qui n’avaient fait qu’obéir aux ordres soit poursuivis et sanctionnés, devint le porte parole de la contestation militaire. A la tête des carapintadas, il organisa deux coups d’État, en 1988 et 1990, qui échouèrent mais qui eurent comme conséquence qu’une loi d’amnistie fut votée.
Emprisonné, Seineldin fut d’abord condamné à mort. Après une intervention du pape Jean Paul II, il fut rejugé, en 1991, et condamné à la prison à vie. De sa geôle, il adressa alors de manière régulière à ces concitoyens des manifestes dénonçant l’impérialisme des USA, le Nouvel ordre mondial et la destruction de l’économie argentine par les multinationales et le FMI.
Déjà populaire lors de son incarcération, il devint une véritable icône pour les anciens combattants de la guerre des Malouines, les militaires démobilisés, la jeunesse péronistes et, du fait de son anti-impérialisme, une partie de la gauche radicale. Une organisation politique, le Parti populaire de la reconstruction, fut même crée pour faire la promotion de ses idées et demander sa libération. En mai 2003, après treize années d’emprisonnement, il fut gracié et libéré. Nommé alors président d’honneur du Conseil suprême péroniste – une sorte de conseil des sages qui chapeaute toutes les organisations péronistes existantes – il joua un rôle idéologique non négligeable dans la vie politique argentine tout en s’engageant résolument, malgré son âge, dans de multiples actions caritatives jusqu’à son décès.
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