C’est cette question que pose l’auteur démocrate Aldo Giannuli qui conteste l’image d’un Pino Rauti « fasciste de gauche, anti-occidental, anti-américain, etc. »
Voici son argumentation :
1. Rauti était présent lors de la fondation du MSI mais, en somme, on ne peut pas dire qu’il ait eu une importance particulière dans les premières années du parti.
2. Rauti et ses amis (les Faisceaux d’action révolutionnaires) se sont immédiatement associés à Julius Evola, un philosophe ésotérique qui n’était pas du tout un fasciste de gauche, car c’était un théoricien ultra-élitiste et un sympathisant de l’aile la plus réactionnaire mouvement national européen des années 1930-1945. Les FAR ne peuvent pas non plus être qualifiés (et ne se sont pas qualifiés) de fascistes de gauche.
3. Le Centro Studi Ordine Nuovo, créé au sein du MSI en 1954 (après la dissolution des FAR) ne se définissait pas comme « de gauche » ou comme un héritier des courants syndicaux du fascisme, et il ne comptait pas la « Charte de Vérone » parmi ses textes de référence (ce qui était plutôt le propre du courant almirantien). Le modèle de ON était plutôt celui de la SS considérée comme l’ordre chevaleresque du Reich et le courant élitiste et droitier du NSDAP.
4. Jusqu’à la fin des années 70, Rauti et ON n’étaient pas du tout anti-occidentaux, mais – comme le montre la lecture des actes de la conférence du Parco dei Principi – ils étaient des partisans de l’occidentalisme le plus extrémiste.
5. ON partageait pleinement les théories de la « guerre révolutionnaire » qui constituaient la doctrine officielle de l’OTAN et, de manière constante, collaborait avec les services secrets militaires italiens.
6. Rauti et ON ont également collaboré avec la Pide (la police secrète portugaise) et avec l’Aginter Presse, qui était une agence collatérale de la CIA, formée par des vétérans de l’OAS et dont le drapeau était l’occidentalisme. Aginter a organisé une réunion des groupes de droite européens à Sintra en 1969, à laquelle les Rautiens ont participé, sous la bannière de « Convergencia Occidental ».
7. Rauti et ON ont également collaboré activement avec le régime des colonels grecs (Giulio Maceratini – avocat alors bras droit de Rauti – faisait partie des consultants qui devaient travailler sur la nouvelle constitution qui n’a jamais vu le jour car, entre-temps, le régime est tombé). Et les colonels grecs étaient aussi éloignés des thèses du fascistes de gauche que l’on peut l’imaginer, en plus d’être des fidèles de l’OTAN et des États-Unis.
Et Aldo Giannuli conclut : « Ne laissons pas tant d’années de collaboration fructueuse avec les Américains disparaître derrière une étiquette imméritée de « fasciste de gauche » ennemi de l’Occident… » avant de reprendre « Ceci étant dit, par souci d’exactitude, ajoutons que Rauti, à partir de 1979-80, a amorcé un virage pour lequel la légende de son fascisme « de gauche » a été construite. En effet, il a adopté des slogans pro-arabes (dans une fonction anti-israélienne), proposé un « front commun anti-système » à l’extrême gauche et tenu des discours vaguement anti-occidentaux. Cela s’est accentué avec le développement de la mondialisation, à laquelle il s’est opposé au nom d’un nationalisme plus traditionnel. Je ne sais pas si ce virage (à bien des égards ambigu et contradictoire) n’était que tactique ou s’il a marqué un véritable tournant dans sa pensée politique dans la dernière phase de sa vie. »