« Donnez-moi du sang et je vous promets la liberté ! »
Discours présidentiel à la Conférence Provinciale du Maharashtra
Poona, 3 mai 1928.
Avant que j’expose devant vous mon idée concernant notre politique et notre programme actuels, je voudrais soulever quelques problèmes fondamentaux et tenter d’y répondre. Il est parfois affirmé par des étrangers que le réveil de l’Inde est entièrement un produit exotique inspiré par des idéaux et des méthodes étrangers. Ce n’est vrai en aucune manière. Je ne conteste pas un instant le fait que l’impact de l’Occident a contribué à nous sortir de notre torpeur intellectuelle et mentale. Mais cet impact a restauré la conscience de soi de notre peuple, et le mouvement qui en a résulté et dont nous sommes témoins aujourd’hui est un authentique mouvement d’indépendance [Swadeshi]. L’Inde a depuis longtemps dépassé la période traditionnelle d’imitation aveugle – d’action réflexe, pour le dire en langage psychologique. Elle a maintenant recouvré son âme propre et s’occupe de reconstruire son mouvement national sur des lignes nationales et à la lumière d’idéaux nationaux.
Je reconnais avec Sir Flinders Petrie que les civilisations, comme les individus, grandissent et meurent d’une manière cyclique et que chaque civilisation a une certaine durée de vie qui lui est impartie. Je reconnais aussi avec lui que, dans certaines conditions, il est possible pour une civilisation particulière de renaître après s’être épuisée. Quand cette renaissance doit avoir lieu, l’impulsion vitale, l’élan vital, ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur.
De cette manière la civilisation indienne a pu renaître encore et encore à la fin de chaque cycle, et c’est pourquoi l’Inde en dépit de sa très grande ancienneté est encore jeune et fraîche. L’accusation a souvent été portée contre nous que, puisque la démocratie est une institution occidentale, l’Inde, en acceptant les institutions démocratiques ou semi-démocratiques, s’occidentalise… L’ignorance et l’effronterie ne pourraient pas aller plus loin. La démocratie n’est en aucune manière une institution occidentale ; c’est une institution humaine. Dès que l’homme a tenté de développer des institutions politiques, il est tombé sur cette merveilleuse institution de la démocratie. L’histoire passée de l’Inde est remplie d’exemples d’institutions démocratiques… Le principe de la démocratie fut aussi appliqué en Inde dans le gouvernement des villages et des villes… Concernant l’autogouvernement du village, il est inutile de rappeler à un auditoire indien les Panchayats de village – des institutions démocratiques qui nous ont été transmises depuis les jours anciens. Les doctrines démocratiques mais aussi d’autres doctrines sociopolitiques d’un type avancé n’étaient pas inconnues de l’Inde dans le passé.
Je pense qu’à ce stade il est nécessaire d’avertir mes compatriotes, et mes jeunes amis en particulier, concernant l’attaque qui est portée contre le nationalisme depuis diverses directions. Du point de vue de l’internationalisme culturel, le nationalisme est parfois dénoncé comme étroit, égoïste et agressif. Il est aussi considéré comme une entrave à la promotion de l’internationalisme dans le domaine de la culture. Ma réponse à cette accusation est que le nationalisme indien n’est ni étroit, ni égoïste, ni agressif.
Une autre attaque est portée contre le nationalisme du point de vue du travail international ou du communisme international. Cette attaque n’est pas seulement malavisée, mais sert inconsciemment les intérêts de nos maîtres étrangers. Il doit être clair pour l’homme de la rue qu’avant de tenter de reconstruire la société indienne sur une nouvelle base, qu’elle soit socialiste ou autre, nous devons d’abord nous assurer le droit d’avoir notre propre destin. Tant que l’Inde restera prostrée aux pieds de la Grande-Bretagne, ce droit nous sera dénié. C’est donc le devoir suprême non seulement des nationalistes mais aussi des communistes anti-nationalistes de mettre en œuvre l’émancipation politique de l’Inde aussi tôt que possible.
Amis, vous me pardonnerez si pendant un instant je vous demande de lever vos yeux au-dessus des réalités du présent et de tenter d’apercevoir l’avenir qui surgit devant nous. Il est souhaitable que nous cherchions dans nos cœurs afin de trouver après quoi nous courons, de sorte que nous et les générations suivantes puissions grandir dans la lumière de cet idéal et définir notre ligne d’action en conséquence.
En ce qui me concerne, je suis en faveur d’une République Fédérale indépendante. C’est le but ultime que j’ai devant moi. L’Inde doit accomplir son propre destin et ne peut pas se contenter d’un autogouvernement colonial ou d’un statut de Dominion. Pourquoi devrions-nous rester dans l’empire britannique ? L’Inde est riche en ressources, humaines et matérielles. Elle a dépassé l’enfance que les étrangers lui avaient imposée, et peut non seulement prendre soin d’elle-même mais peut fonctionner comme une unité indépendante. L’Inde n’est pas le Canada ou l’Australie ou l’Afrique du Sud. Les Indiens sont un peuple oriental, une race de couleur, et il n’y a rien de commun entre l’Inde et la Grande-Bretagne qui pourrait nous conduire à penser que le statut de Dominion à l’intérieur de l’empire britannique serait un but désirable pour l’Inde. Au contraire, l’Inde a tout à perdre en restant à l’intérieur de l’Empire. Ayant été sous domination britannique pendant si longtemps, les Indiens pourraient éprouver des difficultés à se débarrasser du complexe d’infériorité dans leurs relations avec l’Angleterre. Il pourrait aussi leur être difficile de résister à l’exploitation britannique tant que nous resterons partie intégrante de l’empire britannique.
Refusez toute aide à la Grande-Bretagne
Sur Radio Azad Hind, Allemagne, 25 avril 1942
[En mars 1942, quand Stafford Cripps arriva en Inde avec une série de propositions pour persuader le Parti du Congrès de se joindre au Conseil Exécutif du Vice-roi, Bose fut obligé de faire des émissions radio à partir de l’Allemagne. La raison de ses émissions radio était sa crainte que si le Congrès acceptait les propositions de Cripps, l’Inde serait ensuite partitionnée. Bose apporta son appui à Gandhi qui était lui aussi opposé aux propositions de Cripps. Le discours d’avril 1942 fut fait dans ce contexte.]
A cette étape de notre lutte pour la liberté complète de l’Inde, aucune puissance sur terre ne peut m’empêcher d’arriver parmi vous. Tous les Indiens devraient prendre avantage de la présente tendance des événements mondiaux pour atteindre leur objectif.
Si l’Inde suit la Grande-Bretagne et prend son parti, alors elle subira le même sort que celui qui tombera sur la Grande-Bretagne. J’avertis donc mes compatriotes de n’aider la Grande-Bretagne en aucune manière que ce soit.
Même un petit enfant peut voir que l’empire britannique va partir en morceaux. Il n’a ni puissance aérienne, ni puissance navale, ni grande armée. La Grande-Bretagne tente de terroriser l’Inde pour la faire obéir. Mais de même qu’elle n’a pas pu se sauver en Afrique, en Europe et en Asie de l’Est, de même, je vous l’assure, elle ne peut rien faire en Inde.
Dans une situation aussi critique, le devoir de chaque Indien est de se joindre aux ennemis de la Grande-Bretagne. Les ennemis de la Grande-Bretagne sont nos alliés.
Frères, nous devrons faire de grands sacrifices dans cette lutte, parce que l’impérialisme britannique préfèrera perdre l’Angleterre elle-même plutôt qu’abandonner l’Inde. C’est l’étrange logique de l’impérialisme britannique.
En ces circonstances, nous devons accomplir notre devoir adéquatement. Nous ne pouvons pas recevoir la liberté comme un cadeau de la Grande-Bretagne. Nous devons gagner notre liberté et notre indépendance en versant notre propre sang sur l’autel de notre mère-patrie.
Le serment de l’INA
A l’Armée Nationale Indienne, Europe, Juin 1942
[Ce fut l’exhortation de Bose aux volontaires qui avaient rejoint la Légion Indienne qui venait juste d’être constituée.]
Braves soldats ! Aujourd’hui vous avez prêté le serment de combattre l’ennemi jusqu’au dernier souffle de votre vie, sous les trois couleurs nationales. A partir d’aujourd’hui, vous êtes les soldats de l’Armée Nationale Indienne de l’Inde Libre. Vous avez été volontaires pour assumer la responsabilité de 400 millions d’Indiens. A partir d’aujourd’hui, votre esprit, votre force et votre argent appartiennent à la nation indienne.
Vous aurez l’honneur d’être les soldats pionniers de l’Armée Nationale Indienne. Vos noms seront écrits en lettres d’or dans l’histoire de l’Inde libre. Chaque soldat qui deviendra un martyr dans cette guerre sainte aura un monument dans l’Inde libre. Les futures générations couvriront de fleurs ces monuments. Vous avez beaucoup de chance d’avoir trouvé cette précieuse occasion de servir votre mère-patrie. Bien que nous tenions cette cérémonie dans un pays étranger, nos esprits et nos cœurs sont dans notre pays. Vous devez vous rappeler que vos responsabilités militaires et politiques s’accroissent de jour en jour, et vous devez être prêts à les assumer avec compétence. Le tambour de l’Indépendance Indienne a retenti. Nous devons nous préparer à la bataille à venir. Nous devons nous préparer aussi tôt que possible afin de pouvoir accomplir les devoirs que nous avons assumés. Je vous assure que le temps n’est plus éloigné où vous aurez à mettre en œuvre la compétence militaire que vous possédez.
Aujourd’hui nous prêtons le serment de l’indépendance sous le Drapeau National. Le temps viendra où vous saluerez ce drapeau devant le Fort Rouge. Mais souvenez-vous que vous devrez payer le prix de la liberté. La liberté ne peut jamais être obtenue en mendiant. Elle doit être obtenue par la force. Son prix est le sang. Nous ne mendierons pas la liberté à un pays étranger. Nous obtiendrons la liberté en payant son prix. Le prix que nous devrons payer pour elle ne compte pas. Je vous assure que je conduirai l’Armée quand nous marcherons vers l’Inde ensemble. La nouvelle de la cérémonie que nous tenons ici a atteint l’Inde. Cela encouragera les patriotes de l’intérieur, qui combattent les Britanniques à mains nues. Dans toute ma vie, mon ambition a été d’équiper une armée qui reprendra la liberté à l’ennemi. Aujourd’hui, je vous félicite parce que l’honneur d’une telle armée vous appartient. Puisse Dieu être avec vous et vous donner la force de tenir le serment que vous avez volontairement prêté aujourd’hui.
Cette guerre et sa signification
Depuis Tokyo, 24 juin 1943
[En mai 1943, Bose arriva à l’île de Sabang en Indonésie. Il s’envola pour Tokyo pour parler avec le Premier Ministre du Japon, le général Hideki Tojo. Sa présence en Asie ne fut pas révélée pendant trois semaines. C’est seulement après s’être assuré de l’aide du Japon dans le combat pour la liberté de l’Inde qu’il fit une émission radio depuis Tokyo le 24 juin 1943, pour annoncer l’établissement d’un lien avec le Japon.]
Compatriotes et amis ! Je veux parler, en premier lieu, de la signification de cette guerre, et des faits historiques se trouvant derrière elle. Eh bien, cette guerre est un affrontement entre les forces qui veulent maintenir le statu quo dans le monde et les nouvelles forces qui sont déterminées à le détruire afin d’inaugurer un ordre nouveau. Les premières incluent les puissances impérialistes anglo-américaines qui se sont dissimulées sous le manteau de la liberté et de la démocratie. La victoire de ces puissances impérialistes signifierait la perpétuation de notre servitude ainsi que la poursuite de l’asservissement de beaucoup d’autres nations infortunées.
Dans ce conflit titanesque, notre intérêt national est clairement de nous allier à ces nations jeunes et viriles qui sont déterminées à renverser la statu quo, et qui nous donnent ainsi une chance de gagner notre liberté.
Il devrait être pleinement évident que les puissances tripartites, en combattant notre ennemi séculaire et en lui infligeant de terribles défaites, ont indirectement aidé notre lutte nationale à un degré remarquable. Si notre ennemi n’avait pas été mortellement blessé par ces puissances, notre tâche pour obtenir la liberté aurait été cent fois plus difficile qu’elle ne l’est aujourd’hui. Nous sommes reconnaissants pour cela, mais nous sommes encore plus reconnaissants que les puissances tripartites ne se soient pas contentées de nous donner une aide indirecte, mais qu’elles nous aient offert un appui et une assistance actifs dans notre combat pour la liberté.
Je sais que certaines personnes anti-Axe ont fait des efforts pour tromper le peuple indien en suggérant qu’il est incroyable que les puissances de l’Axe puissent devenir généreuses au point de soutenir la demande de l’Inde pour l’indépendance. Mais, pour moi, l’attitude des puissances de l’Axe est à la fois naturelle et facilement compréhensible. Aujourd’hui, les puissances de l’Axe et l’Inde ont un ennemi commun, et par conséquent, un intérêt et un objectif communs.
Les puissances de l’Axe doivent, dans leur propre intérêt et pour assurer leur propre liberté et prospérité dans le futur, vaincre et renverser l’empire britannique. Pour atteindre ce but, elles doivent expulser d’Inde les puissances et l’influence anglo-américaines, et elles doivent faire cela même si les Indiens ont lutté pour leur liberté ; la sympathie des puissances de l’Axe va naturellement vers eux. De plus, si l’Inde pouvait obtenir son émancipation nationale vis-à-vis de l’empire britannique, ce sera à l’avantage du monde entier y compris les puissances de l’Axe. La raison et le bon sens doivent donc facilement comprendre pourquoi les puissances de l’Axe ont adopté une attitude si amicale envers le mouvement indépendantiste indien.
A Delhi, à Delhi !
Discours lors d’une revue militaire de l’Armée Nationale Indienne, 5 juillet 1943.
Soldats de l’Armée Indienne de Libération !
C’est aujourd’hui le jour le plus fier de ma vie. Aujourd’hui il a plu à la Providence de me donner le privilège et l’honneur uniques d’annoncer au monde entier que l’Armée Indienne de Libération est née. Cette armée a maintenant été déployée sur le champ de bataille de Singapour, qui était autrefois le rempart de l’empire britannique.
Ce n’est pas seulement l’Armée qui émancipera l’Inde du joug britannique, c’est aussi l’Armée qui créera à partir de maintenant la future armée nationale de l’Inde Libre. Chaque Indien doit se sentir fier que cette Armée, sa propre Armée, ait été organisée entièrement sous commandement indien et que quand le moment historique arrivera, elle ira à la bataille sous commandement indien.
Il y a des gens qui pensaient à un moment que l’empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais était un empire éternel. Une telle pensée ne m’a jamais troublé. L’histoire m’a enseigné que tout empire a son inévitable déclin et effondrement. De plus, j’ai vu de mes propres yeux des villes et des forteresses qui étaient jadis les remparts des empires passés mais qui en devinrent les cimetières. En se trouvant aujourd’hui devant le cimetière de l’empire britannique, même un enfant est convaincu que le tout-puissant empire britannique est déjà une chose du passé.
Quand la France déclara la guerre à l’Allemagne en 1939 et que la campagne commença, il n’y eut qu’un seul cri sur les lèvres des soldats allemands : « A Paris, à Paris ! ». Quand les braves soldats du Japon se mirent en marche en décembre 1941, il n’y eut qu’un seul cri sur leurs lèvres : « A Singapour, à Singapour ! » Camarades ! Soldats! Que votre cri de guerre soit : « A Delhi, à Delhi ! ». Combien d’entre nous survivront individuellement à cette guerre de la liberté, je ne sais pas. Mais je sais que nous gagnerons finalement et que notre tâche ne prendra pas fin avant que nos héros survivants tiennent la parade de la victoire sur un autre cimetière de l’empire britannique, le Fort Rouge [Lal Kila] de l’ancienne Delhi.
Dans toute ma carrière publique, j’ai toujours senti que bien que l’Inde était mûre pour l’indépendance en tout autre domaine, elle manquait d’une chose, à savoir une armée de libération. George Washington en Amérique put combattre et gagner la liberté parce qu’il avait son armée. Garibaldi put libérer l’Italie parce qu’il avait ses volontaires armés derrière lui. C’est votre privilège et votre honneur d’être les premiers à vous présenter et à former l’armée nationale de l’Inde. En faisant cela, vous avez enlevé le dernier obstacle sur notre route vers la liberté. Soyez heureux et fiers d’être les pionniers, l’avant-garde, dans une si noble cause.
Laissez-moi vous rappeler que vous avez une double tâche à accomplir. Par la force des armes et au prix de votre sang, vous devrez gagner la liberté. Ensuite, quand l’Inde sera libre, vous devrez organiser l’armée permanente de l’Inde Libre, dont la tâche sera de préserver notre liberté pour toujours. Nous devons bâtir notre défense nationale sur une fondation si inébranlable que jamais plus dans notre histoire nous ne perdrons notre liberté.
En tant que soldats, vous devrez toujours chérir les trois idéaux de fidélité, de devoir et de sacrifice et vivre en accord avec eux. Les soldats qui sont toujours restés fidèles à leur nation, qui sont toujours prêts à sacrifier leur vie, sont invincibles. Si vous aussi voulez être invincibles, gravez ces trois idéaux au plus profond de vos cœurs.
Un vrai soldat a besoin d’un entraînement à la fois militaire et spirituel. Vous devez tous vous entraîner, vous et vos camarades, de sorte que chaque soldat aura une confiance illimitée en lui-même, sera conscient d’être immensément supérieur à l’ennemi, sera sans crainte de la mort, et aura suffisamment d’initiative pour agir par lui-même dans toute situation critique qui pourrait survenir. Au cours de la présente guerre, vous avez vu de vos propres yeux les miracles que peut accomplir la formation scientifique, associée au courage, à l’intrépidité et au dynamisme. Apprenez tout ce que vous pouvez à partir de cet exemple, et construisez pour la Mère Inde une armée moderne de toute première classe.
A ceux d’entre vous qui sont des officiers, je voudrais dire que votre responsabilité est lourde. Bien que la responsabilité d’un officier dans n’importe quelle armée de ce monde soit en effet grande, elle est bien plus grande dans votre cas. A cause de notre asservissement politique, nous n’avons pas de tradition comme celle de Moukden, de Port Arthur ou de Sedan pour nous inspirer. Nous devons désapprendre certaines choses que les Britanniques nous ont enseignées et nous devons en apprendre beaucoup qu’ils ne nous ont pas enseignées. Cependant, j’ai confiance que vous vous hisserez à la hauteur de l’occasion et que vous remplirez la tâche que vos compatriotes ont confiée à vos braves soldats. Rappelez-vous toujours que les officiers peuvent faire ou défaire une armée. Rappelez-vous aussi que les Britanniques ont subi des défaites sur tant de fronts en grande partie à cause d’officiers indignes. Et rappelez-vous aussi que de vos rangs sortira le futur Etat-major général de l’Armée de l’Inde Libre.
A vous tous, je voudrais dire qu’au cours de cette guerre vous devrez acquérir l’expérience et obtenir le succès qui seul peut bâtir une tradition nationale pour notre Armée. Une armée qui n’a pas de tradition de courage, d’intrépidité et d’invincibilité ne peut pas soutenir une lutte contre un ennemi puissant.
Camarades ! Vous avez volontairement accepté une mission qui est la plus noble que l’esprit humain puisse concevoir. Pour l’accomplissement d’une telle mission, aucun sacrifice n’est trop grand, pas même le sacrifice de sa propre vie. Vous êtes aujourd’hui les gardiens de l’honneur national de l’Inde et l’incarnation des espoirs et des aspirations de l’Inde. Donc conduisez-vous de sorte que vos compatriotes puissent vous bénir et que la postérité puisse être fière de vous.
J’ai dit qu’aujourd’hui est le jour le plus fier de ma vie. Pour quelqu’un qui est asservi, il ne peut pas y avoir de plus grande fierté, pas de plus grand honneur, que d’être le premier soldat de l’armée de libération. Mais cet honneur comporte avec lui une responsabilité correspondante et j’en suis profondément conscient. Je vous assure que je serai avec vous dans l’obscurité et dans la lumière du soleil, dans le chagrin et dans la joie, dans la souffrance et dans la victoire. Pour l’instant, je ne peux vous offrir que la faim, la soif, les privations, les marches forcées et la mort. Mais si vous me suivez dans la vie et dans la mort, comme je suis sûr que vous le ferez, je vous conduirai à la victoire et à la liberté. Cela n’importe pas de savoir qui parmi nous vivra pour voir l’Inde libre. Il suffit que l’Inde sera libre et que nous donnerons tout pour la rendre libre. Puisse Dieu bénir maintenant notre Armée et nous accorder la victoire dans le combat à venir !
Inqualab Zindabad ! Azad Hind Zindabad !
L’Appel
Lettre de Rangoon, 1er août 1943
[L’importance de cette lettre de Bose réside dans le fait qu’elle fut écrite le 1er août 1943, alors que la Birmanie célébrait son indépendance et émergence en tant que nouvel Etat souverain. Bose fut profondément ému par cet événement. Il était heureux que la Birmanie qui avait été une province indienne jusqu’en 1937 soit finalement un pays indépendant. Mais il se sentait aussi profondément déçu que l’Inde qui avait lutté pour sa liberté depuis 1857 n’ait pas encore regagné son indépendance.]
Amis ! Compatriotes ! Aujourd’hui j’ai le privilège unique de vous envoyer mes plus chaleureuses salutations depuis le sol de la Birmanie indépendante. Que l’exemple de la Birmanie libérée nous inspire tous pour commencer notre attaque finale contre l’impérialisme britannique. L’Armée Nationale Indienne est prête à commencer l’assaut final. Même nos sœurs en Asie de l’Est s’entraînent maintenant avec des fusils et des baïonnettes. Nous vous rejoindrons bientôt. Nous ouvrirons bientôt le « deuxième front » qui vous aidera à renverser le Raj britannique, une fois pour toutes. Le jour de votre libération n’est plus éloigné. Pendant ce temps, terminez toutes vos préparations et attendez « l’heure H », quand nous apparaîtrons sur la frontière indienne. Alors levez-vous comme un seul homme et chassez les Britanniques coupables de notre Terre Sainte. Et que nos compatriotes de l’armée britannique d’occupation nous rejoignent dans le combat sacré pour la liberté de l’Inde, quand le signal sera donné.
Regardez l’aube de la liberté de l’Inde !
Sur la prise de commandement direct de l’INA
Ordre du jour, 26 août 1943
Dans l’intérêt du Mouvement d’Indépendance Indien et de l’Armée Nationale Indienne, j’ai pris le commandement direct de notre Armée à partir de ce jour.
C’est pour moi un motif de joie et de fierté, parce que pour un Indien il ne peut pas y avoir de plus grand honneur que d’être Commandant de l’Armée Nationale Indienne. Mais je suis conscient de l’ampleur de la tâche que j’ai entreprise et je ressens le poids de ma responsabilité. Je prie pour que Dieu puisse me donner la force nécessaire pour accomplir mon devoir envers les Indiens, en toutes circonstances, si difficiles ou pénibles qu’elles puissent être.
Je me considère comme le serviteur de mes 380 millions de compatriotes, qui professent différentes fois religieuses. Je suis déterminé à remplir mes devoirs d’une manière telle que les intérêts de ces 380 millions soient assurés dans mes mains et que chaque Indien ait une raison d’avoir une confiance complète en moi. C’est seulement sur la base du nationalisme indivisible et de la justice et de l’impartialité parfaites que l’Armée de Libération de l’Inde peut être bâtie.
Dans le combat à venir pour l’émancipation de notre mère-patrie, pour l’établissement d’un Gouvernement de l’Inde Libre basé sur la bonne volonté des 380 millions d’Indiens et pour la création d’une armée permanente qui garantira l’indépendance indienne pour toujours, l’Armée Nationale Indienne a un rôle vital à jouer. Pour remplir ce rôle nous devons nous unir dans une armée qui n’aura qu’un seul but, c’est-à-dire la liberté des Indiens, et une seule volonté, c’est-à-dire vaincre ou mourir pour la cause de la liberté de l’Inde. Quand nous tenons [une position], l’Armée Nationale Indienne doit être comme un mur de granit ; quand nous marchons, l’Armée Nationale Indienne doit être comme une vague déferlante.
Notre tâche n’est pas facile ; la guerre sera longue et dure, mais j’ai une foi complète dans la justice et l’invincibilité de notre cause. 380 millions d’êtres humains, qui forment environ un cinquième de la race humaine, ont le droit d’être libres et ils sont maintenant prêts à payer le prix de la liberté. Il n’y a donc aucune puissance sur terre qui puisse nous priver plus longtemps de notre droit à la liberté.
Camarades, officiers et hommes ! Avec votre appui sans réserve et votre loyauté inébranlable, l’Armée Nationale Indienne deviendra l’instrument de la libération de l’Inde. Pour finir, la victoire sera certainement à nous, je vous l’assure.
Avec le slogan « En avant, à Delhi ! » sur vos lèvres, continuons à combattre jusqu’à ce que notre Drapeau National flotte sur la Maison du Vice-roi à New Delhi, et que l’Armée Nationale Indienne tienne sa parade de la victoire dans l’antique Fort Rouge de la métropole indienne.
La restitution des Iles Andaman
Déclaration au Gouvernement Japonais, 8 novembre 1943
[Les tristement célèbres Iles Andaman et Nicobar où des milliers de combattants indiens de la liberté avaient été torturés dans les donjons de la prison furent restituées au Gouvernement Provisoire de l’Inde Libre par le Gouvernement du Japon. Cette mesure avait une signification politique. Le Gouvernement de l’Inde Libre prenait finalement possession d’une partie du territoire indien. On ne pouvait donc plus dire que le Gouvernement Provisoire de l’Inde était seulement un gouvernement en exil.]
Pour les Indiens le retour des Iles Andaman représente le premier territoire à être libéré du joug britannique. Par l’acquisition de ce territoire, le Gouvernement Provisoire est maintenant devenu une entité nationale de fait autant que de nom. La libération des Andaman a une importance symbolique parce que les Andaman furent toujours utilisées par les Britanniques comme une prison pour les prisonniers politiques. La plupart des prisonniers politiques condamnés à la servitude pénale pour conspiration contre la Gouvernement Britannique – et il y en eut des centaines – furent emprisonnés dans ces îles. Comme la Bastille à Paris, qui fut libérée pendant la Révolution Française, libérant des prisonniers politiques, les Andamans, où souffrirent nos compatriotes, sont les premières à être libérées dans le combat de l’Inde pour l’indépendance. Morceau par morceau, le territoire indien sera libéré, mais c’est toujours le premier carré de terre qui a la plus grande signification. Nous avons renommé les Andaman du nom de « Shaheed », en mémoire des martyrs ; et les Nicobar du nom de « Svaraj » [souveraineté].
Un mot pour les riches
Déclaration au Gouvernement Japonais, 8 novembre 1943
[Ceci est un appel du chef du Gouvernement Provisoire de l’Inde Libre aux communautés indiennes d’Asie de l’Est, demandant leur généreuse contribution pour financer la guerre dans laquelle le Gouvernement Provisoire était engagé. Bose pensait que c’était un devoir à la fois moral et politique pour les Indiens d’Asie du Sud-est d’aider le Gouvernement de l’Inde Libre par un appui financier généreux. Cela rendrait le Gouvernement Provisoire moins dépendant de l’aide étrangère. Les Indiens d’Asie du Sud-est devaient se considérer comme des citoyens de l’Inde libre et c’était donc leur devoir d’appuyer financièrement aussi le Gouvernement de l’Inde Libre.]
Regardez ceux qui ont été volontaires pour rejoindre l’armée nationale indienne et qui reçoivent maintenant l’entraînement nécessaire. Ils ne savent pas combien d’entre eux vivront pour voir l’Inde libre. Ils sont prêts avec la seule pensée de verser leur dernière goutte de sang. Ils sont prêts à aller vers une Inde libre ou à mourir sur le chemin. Il n’y a pas de programme de retraite pour eux. Quand l’INA s’entraîne à marcher vers la victoire ou à verser sa dernière goutte de sang sur le chemin, les gens riches me demandent si la mobilisation totale veut dire 10% ou 5% de leurs richesses. Je demanderai à ces gens qui parlent de pourcentages si nous pouvons dire à nos soldats de combattre et de verser seulement 10% de leur sang et de sauver le reste.
Les classes pauvres se sont avancées volontairement et avec un esprit enthousiaste pour offrir tout ce qu’elles possèdent. Les Indiens des classes pauvres, comme les gardiens, les blanchisseurs, les barbiers, les petits boutiquiers et les gwalas se sont avancés avec tout ce qu’ils ont. Et en plus de cela certains d’entre eux se sont aussi portés volontaires.
Certains des gens pauvres sont venus à moi, et non seulement ils ont donné tout l’argent qu’ils avaient dans leurs poches, mais ils sont allés plus loin et m’ont donné leurs livrets de banque qui représentent toutes leurs économies. N’y a-t-il pas des hommes riches parmi les Indiens en Malaisie qui peuvent s’avancer et dire dans le même esprit : « voici mon livret de banque pour la cause de l’indépendance indienne » ?
Les Indiens en tant que nation croient en l’idéal du sacrifice. Chez les hindous nous avons l’idéal des sanyasis [moines/renonçants] et les musulmans ont la voie des faquirs. Peut-il y avoir une plus grande cause, une plus noble cause et une plus sainte cause que la libération de 380 millions d’âmes humaines ?
Ma requête à la Malaisie est de 100 millions de roupies, ce qui ferait approximativement 10% de la valeur des possessions indiennes en Malaisie.
La guerre est déclarée
Devant la Ligue pour l’Indépendance Indienne
Singapour, 24 octobre 1943
[L’arrivée de Bose en Asie de l’Est apporta un élan soudain au mouvement indien de la liberté dans la région. Au début de juillet 1943 il réorganisa l’INA qui était dans un état de démoralisation. Puis le 21 octobre 1943 il annonça la formation du Gouvernement Provisoire de l’Inde Libre à Singapour, faisant savoir clairement qu’il n’y aurait pas de gouvernement permanent tant que l’Inde n’aurait pas été libérée, et que toutes les tendances indiennes, en particulier les dirigeants du Parti du Congrès, avaient été consultées. Entre le 21 octobre et le 24 octobre 1943, le Gouvernement Provisoire de l’Inde Libre prit plusieurs décisions importantes dont l’une fut de déclarer la guerre à la Grande-Bretagne et à l’Amérique. Le discours de Bose en octobre 1943 suivit la décision de faire la guerre aux positions britanniques et américaines dans l’Inde indivisible.]
Le Gouvernement Provisoire de l’Inde a procédé à un examen attentif de la situation de l’Inde et du monde et a décidé à Shonan à minuit que le temps était venu de déclarer la guerre à l’ennemi. Je sais que certains Indiens contesteront la validité de la déclaration, mais vous pouvez être convaincus de sa légalité à la lumière du fait qu’elle a été émise par un gouvernement qui a été légalement établi et qui représente le pays. Cette décision du Gouvernement Provisoire a été radiodiffusée au monde, comme quoi le Gouvernement Provisoire de l’Inde pense que son devoir est de déclarer la guerre à la Grande-Bretagne et à son allié, les Etats-Unis d’Amérique. Amis, préparons-nous immédiatement et marchons sur l’Inde. Nous déploierons notre drapeau national sur le sol indien et nous avancerons vers Delhi. Nous sommes déterminés à être en Inde à la fin de l’année et à assumer le contrôle des pouvoirs terrestres et maritimes du pays. L’Armée Nationale Indienne doit être prête pour le combat à venir.
Appel à la révolte
Sur Radio Inde libre, Saigon, 17 février 1944
[Ce fut une émission radio de Bose à la veille de deux offensives militaires de l’INA commencées en février/mars 1944 contre les îles Arakan dans le Golfe du Bengale et sur la frontière Assam/Birmanie dans l’ouest de la Birmanie. Cet appel était particulièrement adressé aux soldats des forces armées indiennes britanniques.]
Hommes de l’Armée Indienne ! Vous êtes tous mes frères. Vous devez comprendre que la Birmanie est libre et que le drapeau de la Birmanie libre flotte sur l’ancienne résidence du Gouverneur britannique. Les Britanniques vous ont mobilisés aujourd’hui avec l’intention méchante d’asservir à nouveau la Birmanie. C’est impossible. Vous, en tant que membres d’une force combattante, devez maintenant connaître la vraie nature de la situation en Birmanie. Vos camarades des 5ème et 7ème divisions sont complètement encerclés. Les autres divisions britanniques ne sont pas venues à leur aide, mais se sont lâchement enfuies. Leur seul espoir de sauvetage se trouve dans la reddition. S’ils continuent à combattre pour les Britanniques, ils devront être anéantis.
L’Armée Nationale Indienne a lancé le combat final pour la liberté. Elle ne se reposera pas avant d’avoir complètement chassé les Britanniques hors de l’Inde. Elle réussira dans sa mission, car elle seule a le soutien des trois millions d’Indiens en Asie de l’Est, et aussi celui de neuf puissances mondiales aussi. Les Britanniques se tournent vers les Africains, les Australiens, les Canadiens et les Chinois pour que ceux-ci les aident. Cela justifie pleinement que nous nous tournions vers le Japon pour qu’il nous aide dans notre combat contre l’impérialisme britannique. L’Armée Nationale Indienne a commencé sa marche vers Delhi.
Amis, l’Armée Nationale Indienne et les Japonais vous accueilleront à bras ouverts. Je vous appelle à déserter l’Armée Indienne Britannique et à nous rejoindre avec vos armes et votre équipement.
Donnez-moi du sang, et je vous promets la liberté !
Lors d’un meeting des Indiens de Birmanie, 4 juillet 1944
[C’est la déclaration que fit Bose au grand rassemblement où il fut élu sous les acclamations comme le leader du mouvement pour la liberté en Asie de l’Est. Le discours infusa une vie nouvelle à un mouvement qui avait été affaibli par des dissensions internes.]
Amis ! Il y a douze mois, un nouveau programme de « mobilisation totale » ou de « sacrifice maximum » a été présenté aux Indiens d’Asie de l’Est. Aujourd’hui je vais vous faire un exposé de nos réalisations pendant l’année dernière et je vais vous exposer nos demandes pour l’année à venir. Mais avant de le faire, je veux que vous compreniez une fois encore quelle occasion en or nous avons de gagner notre liberté. Les Britanniques sont engagés dans un combat mondial et au cours de ce combat ils ont subi défaite après défaite sur tant de fronts. L’ennemi ayant été ainsi considérablement affaibli, notre combat pour la liberté est devenu beaucoup plus facile qu’il l’était il y a cinq ans. Une occasion aussi rare et donnée par Dieu arrive une seule fois en un siècle. C’est pourquoi nous avons juré d’utiliser pleinement cette opportunité pour libérer notre mère-patrie du joug britannique.
Je suis plein d’espoir et optimiste concernant le résultat de notre combat parce que je ne compte pas seulement sur les efforts de trois millions d’Indiens d’Asie de l’Est. Il y a un gigantesque mouvement en cours à l’intérieur de l’Inde et des millions de nos compatriotes sont prêts au maximum de souffrances et de sacrifices pour obtenir la liberté.
Malheureusement, depuis le grand combat de 1857, nos compatriotes sont désarmés, alors que l’ennemi est armé jusqu’aux dents. Sans armes et sans une armée moderne, il est impossible pour un peuple désarmé de gagner sa liberté dans cette époque moderne. Par la grâce de la Providence et par l’aide du généreux Japon, il est devenu possible pour les Indiens d’Asie de l’Est d’obtenir des armes pour bâtir une armée moderne. De plus, les Indiens d’Asie de l’Est sont unis comme un seul homme dans l’effort pour gagner la liberté, et toutes les différences religieuses ou autres que les Britanniques ont tenté de créer à l’intérieur de l’Inde n’existent simplement pas en Asie de l’Est. Par conséquent, nous avons maintenant une combinaison idéale de circonstances favorisant le succès de notre combat, et tout ce qui est nécessaire est que les Indiens doivent s’avancer pour payer le prix de la liberté. Selon le programme de « mobilisation totale », je vous ai demandé des hommes, de l’argent et du matériel. Concernant les hommes, je suis heureux de vous dire que j’ai déjà obtenu suffisamment de recrues. Les recrues sont venues à nous de tous les coins de l’Asie de l’Est – de Chine, du
Japon, d’Indochine, des Philippines, de Java, de Bornéo, des Célèbes, de Sumatra, de Malaisie, de Thaïlande et de Birmanie.
Vous devez continuer la mobilisation des hommes, de l’argent et du matériel avec encore plus de vigueur et d’énergie, en particulier le problème du ravitaillement et du transport doit être résolu de manière satisfaisante.
Nous avons besoin de plus d’hommes et de femmes de toutes catégories pour l’administration et la reconstruction dans les régions libérées. Nous devons être prêts pour une situation dans laquelle l’ennemi appliquera impitoyablement la politique de la terre brûlée, avant de se retirer d’une région donnée et il forcera aussi la population civile à l’évacuer ainsi qu’il l’a tenté en Birmanie.
Le plus important de tout est le problème de l’envoi des renforts en hommes et en ravitaillement sur les lignes de front. Si nous ne le faisons pas, nous ne pouvons pas espérer maintenir notre succès sur le front. Nous ne pouvons pas non plus espérer pénétrer plus profondément en Inde.
Ceux d’entre vous qui continueront à travailler sur le Front Intérieur ne doivent jamais oublier que l’Asie de l’Est – et particulièrement la Birmanie – constitue notre base pour la guerre de libération. Si cette base n’est pas forte, nos forces combattantes ne pourront jamais être victorieuses. Rappelez-vous qu’il s’agit d’une « guerre totale », et pas simplement d’une guerre entre deux armées. C’est pourquoi pendant une année entière j’ai tellement insisté sur la « mobilisation totale » dans l’Est.
Il y a une autre raison pour laquelle je veux que vous compreniez l’importance du Front Intérieur. Pendant les mois à venir, moi et mes collègues du Comité de Guerre du Cabinet voulons consacrer toute notre attention à la ligne de front, et aussi à la tâche de préparer la révolution à l’intérieur de l’Inde. Par conséquent, nous voulons être pleinement assurés que le travail à la base continuera d’une manière régulière et ininterrompue même en notre absence.
Amis, il y a un an, quand je vous ai fait certaines demandes, je vous ai dit que si vous me donnez la « mobilisation totale », je vous donnerai un « deuxième front ». J’ai tenu cet engagement. La première phase de notre campagne est terminée. Nos troupes victorieuses, combattant aux cotés des troupes japonaises, ont repoussé l’ennemi et combattent maintenant bravement sur le sol sacré de notre chère patrie.
Préparez-vous pour la tâche qui se trouve maintenant devant vous. Je vous ai demandé des hommes, de l’argent et du matériel. Je les ai reçus dans une mesure généreuse. Maintenant je vous demande davantage. Hommes, argent et matériel ne peuvent à eux seuls apporter la victoire ou la liberté. Nous devons avoir le motif qui nous inspirera pour des actions braves et des exploits héroïques.
Ce serait une erreur fatale pour nous de vouloir vivre et voir l’Inde libre simplement parce que la victoire est maintenant à notre portée. Personne ici ne doit avoir le désir de vivre pour jouir de la liberté. Un long combat est encore devant nous.
Nous ne devons avoir qu’un seul désir aujourd’hui, le désir de mourir pour que l’Inde puisse vivre, le désir d’affronter la mort du martyr, afin que le chemin de la liberté puisse être pavé par le sang des martyrs.
Amis ! Mes camarades de la Guerre de Libération. Aujourd’hui je vous demande une chose avant tout. Je vous demande votre sang. C’est le sang seul qui peut venger le sang que l’ennemi a versé. C’est le sang seul qui peut payer le prix de la liberté.
Donnez-moi du sang et je vous promets la liberté !
Pourquoi l’INA se retire
13 août 1944
[Quand l’offensive d’Imphal échoua, en grande partie à cause de l’échec du ravitaillement du front par l’armée japonaise et à cause de la complète domination aérienne des forces britanniques et américaines en Birmanie, Bose dut expliquer que cela n’était pas la fin de la guerre. C’était un revers mais pas la défaite finale.]
Nous avons commencé les opérations trop tard. La mousson nous a été désavantageuse. Nos routes ont été submergées. Le trafic fluvial devait lutter contre le courant. Contre cela, l’ennemi avait des routes de premier ordre. Notre seule chance était de prendre Imphal avant le début des pluies, et nous aurions réussi si nous avions eu plus d’appui aérien et si les forces ennemies à Imphal n’avaient pas reçu l’ordre formel de résister jusqu’au dernier homme. Si nous avions commencé en janvier, nous aurions réussi. Dans tous les secteurs, jusqu’au début des pluies, nous avons contenu l’ennemi ou nous avons avancé. Dans le secteur d’Arakan, l’ennemi fut contenu ; dans le secteur de Kaladan, nous avons battu l’ennemi et nous avons avancé ; à Tiddim, nous avons avancé ; à Palel et Kohima aussi, nous avons avancé ; dans le secteur de Haka, nous les avons contenus – et tout cela en dépit de la supériorité numérique de l’ennemi, et de son meilleur équipement et ravitaillement.
Quand les pluies sont arrivées, nous avons dû retarder l’assaut général sur Imphal. L’ennemi put envoyer des divisions mécanisées et put ainsi reprendre la route Kohima-Imphal. La question se posa alors : où devions-nous établir la ligne de front ? Il y avait deux possibilités : soit tenir sur la ligne Bishenpur-Palel et ne pas permettre à l’ennemi d’avancer ; ou reculer et tenir une position plus avantageuse.
Quelles sont les leçons que nous avons apprises de la campagne ? Nous avons reçu notre baptême du feu. Une unité d’anciens civils, qui avait reçu l’ordre de reculer, chargea l’ennemi à la baïonnette. Ils revinrent victorieux.
Nos troupes ont gagné beaucoup de confiance. Nous avons appris que les troupes indiennes de l’ennemi sont prêtes à passer chez nous. Nous devons maintenant faire des arrangements pour les prendre avec nous. Nous avons appris la tactique de l’ennemi. Nous avons saisi des documents ennemis. L’expérience acquise par nos commandants a été inappréciable. Avant le début de la campagne, les Japonais n’avaient pas confiance en nos troupes et voulaient les diviser en groupes attachés à l’armée japonaise. Je voulais qu’un front soit attribué à nos hommes et finalement c’est ce qui a été fait.
Nous avons aussi appris nos défauts. Le transport et le ravitaillement étaient défectueux à cause du terrain difficile. Nous n’avions pas de propagande sur le front. Bien que nous avions préparé du personnel pour cela, nous n’avons pas pu l’utiliser à cause du manque de transports. A partir de maintenant, chaque unité de l’INA aura une unité de propagande attachée à elle. Nous voulions des haut-parleurs mais les Japonais n’ont pas pu nous les fournir. Nous fabriquerons maintenant les nôtres.
Le prix de la liberté
Aux soldats de l’INA, 22 septembre 1944
[C’était à un moment où Bose était conscient de l’imminence de l’effondrement du Japon. Il lui fallait donc préparer l’INA à cette éventualité. Il ne pensait pas que la défaite du Japon signifierait la fin de la guerre de l’INA contre la domination britannique en Inde. Dans des conversations personnelles tout comme dans des discours, il répéta que les Indiens devaient payer le prix de la liberté par leurs propres efforts et qu’ils ne devaient pas être démoralisés par les revers subis par d’autres puissances.]
Notre mère-patrie cherche sa liberté. Elle ne peut plus vivre sans liberté. Mais la liberté demande des sacrifices sur son autel. La liberté demande le sacrifice sans réserve de votre force, de votre richesse, de tout ce que vous appréciez, de tout ce que vous possédez. Comme les révolutionnaires du passé, vous devez sacrifier votre bien-être, votre confort, vos plaisirs, votre argent, vos biens. Vos avez donné vos fils comme soldats pour les champs de bataille. Mais la Déesse de la Liberté n’est pas encore apaisée. Je vais vous donner le secret pour lui plaire. Aujourd’hui elle ne demande pas simplement des combattants, des soldats, pour l’Armée. Aujourd’hui elle demande des rebelles – des hommes et des femmes – qui seront prêts à rejoindre les Unités Suicides – pour lesquelles la mort est une certitude – des rebelles qui seront prêts à noyer l’ennemi dans les fleuves de sang qui couleront de leurs propres corps.
Tum mujh ko knoon do,
Mai tumko azadi doonga.
Donnez-moi votre sang, je vous donnerai la liberté – voilà la demande de la Liberté.
Ecoutez-moi. Je ne veux pas votre approbation sentimentale. Je veux des rebelles pour s’avancer et signer ce serment des Unités Suicides – ce document qui est un rendez-vous avec la mort, écrit avec de l’encre ordinaire. Vous devrez écrire avec votre propre sang. Avancez, ceux qui osent, je suis là pour assister à votre pacte de sang pour la liberté de notre mère-patrie.
Traîtrise
Message de Birmanie, 13 mars 1945
[Alors que les Britanniques avançaient en Birmanie, Bose découvrit à sa grande déception que quelques éléments de l’INA étaient passés du coté britannique. Ces exemples de traîtrise lui causèrent une angoisse mentale et il décida de prendre des mesures sévères, y compris l’exécution de ceux qui étaient coupables de désertion. Cette émission radio parle des faiblesses qu’il avait découvertes dans l’INA.]
Camarades, comme vous le savez, les réalisations positives des officiers et des hommes de l’Armée de l’Inde Libre l’année dernière sur le champ de bataille et les victoires qu’ils ont remportées sur l’ennemi par leur patriotisme, leur bravoure et leur sens du sacrifice, ont été gâchées dans une certaine mesure par la couardise et la traîtrise de quelques officiers et soldats. Nous espérions qu’avec la venue de la Nouvelle Année toutes les traces de couardise et de traîtrise pourraient faire place à un bloc immaculé d’héroïsme et de sacrifice. Mais cela ne fut pas le cas. La récente traîtrise de cinq officiers du QG de la 2ème division a été pour nous la révélation que tout n’allait pas bien dans nos rangs et que les graines de la couardise et de la traîtrise n’avaient pas encore été éliminées. Si nous réussissons maintenant à exterminer la couardise et la traîtrise une fois pour toutes, cet incident honteux et méprisable pourrait finalement se révéler, par la grâce de Dieu, comme une bénédiction déguisée. Je suis donc déterminé à prendre toutes les mesures possibles qui sont nécessaires à la purification de notre Armée. Je suis confiant qu’en cela j’aurai votre appui entier et sans réserves.
L’Inde sera libre
17 août 1945
Frères et sœurs ! Un grand chapitre de l’histoire du combat pour la liberté de l’Inde touche maintenant à sa fin. Les fils et les filles de l’Inde vivant en Asie de l’Est se sont assurés une place permanente dans ce chapitre.
En donnant des hommes, de l’argent et du ravitaillement pour la lutte pour l’indépendance indienne, vous avez donné un brillant exemple de patriotisme et de sacrifice. Je ne pourrai jamais oublier votre réponse généreuse et enthousiaste à mon appel de Mobilisation Totale. Comme un éternel printemps, vous avez envoyé vos fils et vos filles dans l’Armée de l’Inde Libre et dans le Régiment Jhansi Rani [unité féminine]. Vous avez fait des donations généreuses en argent et précieuses pour le fond de guerre du Gouvernement Provisoire de l’Inde Libre. Bref, vous avez rempli votre devoir comme de vrais fils et filles de l’Inde. Je suis encore plus peiné que vous par le fait que vos souffrances et vos sacrifices n’aient pas encore donné de résultats immédiats.
Néanmoins ils n’ont pas été vains, parce qu’ils ont ouvert la voie à la délivrance de notre mère-patrie et qu’ils seront une perpétuelle source d’inspiration pour les Indiens vivant partout dans le monde. Le futur vous bénira et parlera avec fierté de vos sacrifices sur l’autel de l’indépendance indienne et de vos solides réussites.
A ce moment sans précédent de notre histoire, j’ai un mot à vous dire. Ne soyez pas découragés par notre défaite temporaire ; soyez de bonne humeur et optimistes. Avant tout, ne perdez jamais votre foi en la destinée de l’Inde. Il n’y a aucune puissance sur terre qui puisse garder l’Inde en esclavage. L’Inde sera libre, et cela aussi, bientôt. JAI-HIND !