Alessandro Pavolini (1903-1945) est né dans une famille de la bonne bourgeoisie florentine. Il est diplômé en Droit et en Sciences politiques, il écrivit des nouvelles. Homme de bonne éducation et de grande culture, fondateur d’une revue de critique artistique, sociale et politique (Il Bargello, publié à Florence), et même créateur d’un festival de musique dans sa ville natale de Florence (Maggio Musicale Fiorentino).
A 20 ans, « agréable prosateur » pour Mauricio Serra, son amitié avec le gendre du Duce, Ciano, ministre des Affaires étrangères et gendre de Mussolini, l’aurait aidé à arriver aux plus hauts honneurs. Pour autant il ne devient un personnage véritablement important au sein du régime que dans les dernières années de celui-ci. Longtemps en effet, Mussolini se méfiait de lui, et le jugeait instable de caractère. En 1939, cependant, il est nommé ministre de la Culture populaire. Pour l’historien bourgeois et académicien Mauricio Serra dans son livre Le Mystère Mussolini, c’est un « intellectuel en quête de virilité. »
Mauricio Serra le considère aussi comme un « fanatique de la nouvelle génération ». Il faut donc comprendre que c’était un brave homme, qui aurait été le « Saint-Just d’une cause perdue ».
Selon Pierre Milza, dans sa biographie de Mussolini, c’est lui qui a, avec Ciano, « l’honneur » de jeter symboliquement la première bombe contre l’Ethiopie, au cours de la guerre qui éclate entre les deux pays.
Rédacteur en chef du Massagero, c’est sous sa signature qu’un papier indique aux Italiens, en 1940, quelle type de guerre allait devoir mener l’Italie qui vient d’apporter son concours à l’Allemagne : le conflit devra être « dynamique, rapide, qualitatif ». Hélas pour l’Italie, il n’en sera rien…
Pavolini, en raison du poids toujours croissant de l’alliance avec l’Allemagne, est, malgré sa loyauté, limogé début 1943, car il fait parti de ces gens dont les sentiments sont défaitistes et antiallemands. Et Mussolini ne peut pas, manifestement, se permettre de garder auprès de lui des individus ne pouvant plaire à Hitler, dont l’Italie avait absolument désormais besoin pour tenir face aux Alliés.
Mais le cours de la guerre en décidera autrement, et c’est précisément à partir de septembre 1943 que Pavolini, devenu membre du cercle rapproché de Mussolini et toujours inconditionnel de sa personne, va devenir l’homme clé du régime.
Après la destitution de Mussolini par le Grand Conseil du fascisme, le débarquement des Alliés en Sicile et la fuite du roi Victor Emmanuel, Pavolini radicalise ses positions, et sera, avec Bombacci, l’homme fort du nouvel Etat que les Allemands veulent créer pour Mussolini, et dont il est certainement, après le Duce, le plus puissant personnage.
Après avoir été libéré de la prison où on l’avait enfermé, Mussolini est conduit en Allemagne, où il accepte, malgré lui, de devenir le chef de ce nouvel Etat, débarrassé du roi d’Italie.
Pavolini devient l’homme fort du gouvernement, car les décrets gouvernementaux devaient avoir reçu son approbation préalable pour être appliqués. Au sein de la nouvelle « République socialiste italienne », il est, officiellement secrétaire du Parti fasciste républicain, successeur du Parti national fasciste, disparu après le coup d’Etat de juillet 1943.
Pavolini se met en chasse pour trouver les membres du nouveau cabinet. L’historien Pierre Milza raconte qu’il joua, pour mobiliser les volontés et les énergies, sur tous les registres : « flatterie, intérêt, menaces ». Il fit même conduire par les SS les hiérarques récalcitrants, souvent peu désireux de participer à une aventure dont ils prévoyaient déjà l’issue.
Co-rédacteur de la charte de Vérone, d’opinion plus corporatiste que socialiste, Pavolini met l’accent sur la lutte contre « l’exploitation du capital au nom des droits essentiels des travailleurs ». Il réclame la tête de Ciano, devenu entretemps un traître pour avoir soutenu activement la chute du Duce. Il fait en sorte que Mussolini ne puisse pas être accusé d’avoir refusé sa grâce, et trouve un officier qui accepte de signer le document à la place du Duce refusant le recours en grâce du comte Ciano.
Les Brigades noires, unités de combat parrainées par Pavolini, luttèrent contre les communistes, durent traquer les juifs du fait de l’alliance (à la fois imposée et nécessaire, avec l’Allemagne) et ont exercé une répression contre les civils qui aidaient activement les ennemis du régime. Pavolini participera parfois l’arme à la main à la lutte contre la résistance, et sera d’ailleurs grièvement blessé dans un combat.
Mais en avril 1945, les Américains parviennent à franchir la plaine du Pô : les Allemands, qui jusqu’à ce moment tenaient le choc, ont fini par céder. Le régime s’effondre alors, comme le décrit Pierre Milza « comme un château de cartes ». Mussolini et son gouvernement décident de partir, et de fonder un foyer de résistance.
Lors des plans pour faire transférer le gouvernement de la république, il fut favorable à l’idée d’un déplacement des pouvoirs dans la Valteline, au nord de Côme. C’est le plan choisi pour créer dans son esprit une « Vendée italienne ».
Pavolini devait en ce but rejoindre le Duce à la tête d’un fort contingent armé. Il tente de rameuter les derniers partisans fasciste lors de la débâcle militaire allemande. Mais une fois rassemblés à Côme, la plupart des chemises noires refusèrent d’aller plus loin, et se rendirent ou se dispersèrent. Il ne put emmener avec lui que douze hommes.
Finalement séparé du Duce, il est capturé après avoir tenté de distancer les résistants, puis exécuté sans procès véritable. Son cadavre sera pendu à Milan, aux côtés de celui de Mussolini.
Il fut l’un des hommes les plus haïs d’Italie à cette époque. La répression qu’il dut mettre en œuvre, son soutien sans faille au Duce dans l’adversité, mais aussi son souhait de lutter contre cette grande bourgeoisie qui avait trahi en se ralliant en masse aux Américains, y sont pour beaucoup.
Il fut de ces militants qui, ayant tout donné pour leur cause, alors qu’ils auraient pu briller en d’autres domaines, payèrent finalement le prix fort. Les exemples d’abnégation dans l’histoire se trouvent, on le sait, sans doute davantage chez les vaincus que chez les vainqueurs.
Vincent Téma.
Première parution : Jeune nation