L’affaire « Maxime Brunerie », la complaisance vis-à-vis des journaleux et les provocations médiatiques de certains seconds couteaux de la scène radicale française, le torrent de désinformation déversé par les médias, tout cela a notablement brouillé l’image de l’organisation Unité radicale…
Il nous a donc paru nécessaire de mettre en ligne ci-dessous des extraits d’un entretien avec son secrétaire-général, de sa fondation au début de l’année 2002, tel qu’il a été publié dans le livre Les Nouveaux nationalistes (Editions Dualpha). Celui-ci précise que, vingt-deux ans plus tard, ses idées ne sont plus exactement les mêmes et on évoluées sur différents points
Christian Bouchet, vous êtes actuellement secrétaire-général du mouvement Unité radicale (note du webmestre : il démissionnera de ce poste en avril 2002), par quel itinéraire en êtes-vous arrivé là ?
Mon engagement politique est étroitement lié à mon histoire familiale.
Je suis issu de la petite bourgeoisie provinciale, d’un milieu d’artisans et de petits commerçants. La famille de ma mère était très fermement ancrée dans le mouvement national dès les années trente. Un de mes oncles a été successivement Camelot du roi, membre d’une dissidence ultra de l’Action française, milicien sous Vichy, activiste anti-communiste dans les années cinquante et est finalement tombé sous les balles des fellaghas en Algérie.
La guerre d’Algérie est de surcroit passée par là. Certains des plus proches amis de ma famille ont cessé soudain de venir à la maison … Ils avaient tous été arrêtés pour fait d’OAS !
Quand je regarde en arrière, j’ai l’impression d’avoir toujours vécu dans la politique extrême et mon engagement personnel était donc logique et n’était qu’une affaire d’âge.
A la rentrée qui a suivi mai 68, j’ai lancé un petit groupe anti-gauchiste dans mon collège. Groupe qui a édité son propre matériel de propagande dans lequel, je me souviens, nous dénoncions la « judéo-plouto-démocratie » … un terme qui devait être peu compréhensible par nos condisciples. Bientôt nous avons rejoint le seul groupuscule nationaliste qui était implanté à Angers, c’est-à-dire la Restauration nationale, autrement dit l’Action française, le mouvement royaliste.
Royaliste ! C’est assez peu en accord avec votre évolution future … Je me souviens d’un éditorial que vous aviez signé dans le journal Lutte du peuple pour saluer l’anniversaire de la révolution de 1793 …
J’ai changé, bien sûr, mais en définitive pas tant que cela.
Quand je l’ai rejoint, le mouvement monarchiste connaissait une embellie. Il y avait du monde et il y régnait un réel débat intellectuel avec des positions politiques très différentes. On y trouvait, par exemple, côte à côte un des futurs dirigeants de la Contre-réforme catholique de l’abbé Georges de Nantes et Patrice de Plunkett qui allait peu de temps après rejoindre le GRECE. L’un nous présentait un Maurras défenseur de la chrétienté, l’autre un Maurras païen dénonçant dans le Christ un « révolutionnaire juif et barbu » !
Pour ma part, je me suis dès mon engagement intéressé au phénomène du « socialisme monarchiste » ou de la « gauche monarchiste », ce que Karl Marx dénonce dans Le Manifeste du Parti communiste sous le nom de « socialisme féodal ». J’ai commencé à étudier différentes expériences politiques comme les courants plébiscitaires dans le légitimisme, la « Montagne blanche », les débuts de l’AF, Georges Valois et le Cercle Proudhon, et plus près de nous le Mouvement socialiste monarchiste de la fin des années quarante ou le Parti carliste en Espagne.
Je lisais alors avec passion un petit bulletin qui se nommait Le Lys rouge ! … et ce faisant je n’étais pas loin du nationalisme-révolutionnaire.
Tout naturellement, j’ai participé à la création de la Nouvelle Action Française de Bertrand Renouvin. J’y voyais, comme la plupart de ceux qui y étaient, un retour à l’AF des origines, celle justement du Cercle Proudhon.
Le mouvement a évolué assez rapidement dans un sens qui a fait que je ne m’y reconnaissais plus, et je l’ai donc quitté.
Je m’étais entre-temps installé avec ma famille à Nantes. Or dans cette ville, une partie de la section d’Ordre nouveau – composée de militants nationalistes-révolutionnaires inspirés par Jean Thiriart – avait scissionné et constitué un groupe autonome, l’Organisation lutte du peuple, qui était dirigée par un fils de magistrat : Yves Bataille. Je l’ai rencontré, très rapidement je me suis lié d’amitié avec lui et j’ai rejoint les rangs de l’Olp. Quand l’Olp a périclité, j’ai adhéré au Groupes nationalistes révolutionnaires de François Duprat. Après l’assassinat de celui-ci j’ai été de ceux qui ont porté sur les fonds baptismaux le Mouvement nationaliste révolutionnaire.
Donc c’est tout naturellement que vous êtes passé du socialisme monarchique au nationalisme-révolutionnaire …
Oui, il n’y a pas eu dans mon esprit de solution de continuité. Je n’étais pas à l’AF par monarchisme, mais par une sorte de socialisme populiste qui me faisait distribuer des tracts réclamant l’instauration d’une « monarchie populaire ». Dans le nationalisme-révolutionnaire je retrouvais le même socialisme populiste, le passéisme institutionnel en moins.
On raconte, ici et là, que vous avez été au Comité d’action républicaine avec Bruno Mégret. Est-ce vrai ?
Tout à fait, les lendemains de l’élection de François Mitterrand en 1981 ont coïncidé avec le début de ma vie professionnelle. A cette époque j’exerçais des responsabilités assez importantes dans l’encadrement d’une municipalité de droite.
Étant amené à traiter à longueur de journée de faits politiques concrets, j’ai rapidement pris conscience de l’inadéquation des thèses du Mouvement nationaliste révolutionnaire avec la vie réelle. Je l’ai alors quitté pour rejoindre les CAR qui venaient d’être fondés. Cela était d’autant plus logique que j’étais à cette époque très proche de la Nouvelle droite – je fréquentais alors tout aussi assidûment le Club de l’Horloge et le GRECE – et que nombre des dirigeants du Comité d’action républicaine étaient membres ou issus de celle-ci.
J’ai un très bon souvenir de cette période, nous faisions un travail très sérieux, très positif.
Par contre le ralliement au FN, suite aux législatives de 1985 qui ont vu l’élection à la Chambre de Mégret, a été, du moins en province, très mal négocié. Si Bruno Mégret et quelques autres ont pu s’intégrer, la plupart des membres des CAR de province ont été totalement ostracisés par les fédérations départementales du FN dont les responsables étaient particulièrement inquiets de voir arriver de nouveaux cadres susceptibles de les concurrencer.
J’avais toujours une certaine hostilité tant vis-à-vis de la personnalité de Le Pen que vis-à-vis de ses idées. J’aurais peut-être changé d’avis si j’avais été intégré dans l’encadrement frontiste de ma ville. La direction nationale des CAR nous a demandé de prendre contact avec les responsables du Front dans les départements où nous résidions. Je l’ai fait, on m’a accordé un rendez-vous et en définitive quand je me suis présenté on a à peine trouvé le temps de me recevoir et on m’a bien fait comprendre le peu de cas que l’on faisait de moi …
Je n’ai pas renouvelé ma cotisation aux CAR, je n’ai pas pris ma carte au FN, et je suis retourné à mes premières amours, c’est-à-dire que j’ai rejoint Troisième voie qui avait été créé entre-temps par la fusion du Mouvement nationaliste révolutionnaire et de ce qu’il restait du Parti des forces nouvelles après le passage des principaux cadres de celui-ci au Centre national des indépendants.
J’avais pris de l’âge, de l’assurance, acquis un certain know-how … Quelques mois après, Troisième voie ouvrait à Nantes sa première permanence en province et la totalité de la fédération 44 du FNJ rejoignait la Jeune garde, le mouvement de jeunesse de TV. Parmi les militants tercéristes nantais de l’époque, il y eut – l’espace d’un instant – un certain Samuel Maréchal et, beaucoup plus longuement, Philippe Rouger qui depuis a fait son chemin au sein du FN.
En 1988, vous êtes devenu secrétaire-général du mouvement Troisième voie, qu’est-il advenu ensuite ?
J’ai, avec quelques amis, transformé Troisième voie qui était un groupuscule assez informel en une organisation structurée dotée d’un Bureau politique, d’un bulletin intérieur, organisant des congrès où l’on votait sur des motions, etc.
En quelques mois, Troisième voie est devenu un gros groupuscule qui a pu louer la Mutualité pour y tenir un meeting, qui a ouvert des permanences en province – il y en avait à Angers, à Grenoble, à Nantes, à Valenciennes -, qui a organisé des manifestations de rue, qui a mis son organe de presse Révolution européenne en vente dans les kiosques, etc.
Dans le même temps, comme je n’étais pas en total accord avec Jean-Gilles Malliarakis, j’ai regroupé ceux qui pensaient comme moi dans une fraction nommée « Les tercéristes radicaux » qui s’exprimait à travers un bulletin Alternative tercériste et diffusait des textes théoriques grâce aux Editions Ars. Par l’intermédiaire de ces dernières et du bulletin, j’ai fait à l’époque un très gros travail de diffusion idéologique faisant redécouvrir Thiriart, Yockey et Valois et découvrir le national-bolchevisme allemand et russe.
En 1991, Troisième voie éclate. Pourquoi ?
Il s’est rapidement posé à la direction de Troisième voie le problème de l’avenir politique que pouvait avoir un groupuscule. Nous nous sommes rendu compte assez vite que nos meilleurs cadres, qui ne se satisfaisaient pas d’une action de témoignage et de dénonciation, étaient aspirés par le FN, alors en pleine ascension, où ils avaient l’espoir de mettre en pratique ce que nous disions en théorie, où ils pensaient pouvoir faire de la politique au sens plein du terme.
Il nous fallait donc réagir. Nous sommes à peu près tous tombés d’accord sur l’impasse à terme de notre démarche et sur la nécessité pour nous de rejoindre le FN.
Mais c’est là que les problèmes sont apparus.
Deux tendances se sont rapidement dessinées. Je proposais une entrée en groupe reconnu par le FN, que nous exigions des places au Conseil national de ce parti et que nous continuions d’exister en tant que fraction. De son côté Malliarakis voulait que les entrées au FN se fassent de manière individuelle et que chacun se débrouille ensuite. Je pense qu’il ne croyait plus à ce qu’il faisait et qu’il ne voulait alors que mettre un terme à un long engagement groupusculaire. Il avait à l’époque des problèmes financiers et il visait, semble-t-il, à devenir un journaliste salarié de la presse du FN. Ma conception des choses ne pouvait que le gêner dans sa stratégie personnelle.
De l’opposition de ces deux stratégies sont nés des heurts de plus en plus fréquents, et de plus en plus violents, qui ont fini par aboutir par un éclatement de Troisième voie en deux groupes. Un premier, largement majoritaire, que je dirigeais, et un autre qui suivait Malliarakis.
Que s’est-il passé alors ?
Jean-Gilles Malliarakis a rejoint le FN. Il n’y est resté que peu de temps. Ensuite il est devenu permanent d’un syndicat de petits commerçants et a renié toutes ses idées pour devenir un partisan déclaré du libéralisme économique et d’Alain Madelin.
Mais l’éclatement de TV ne s’est pas fait sans heurts, et les partisans de Malliarakis qui avaient rejoint le FN nous ont empêché de faire de même. Nous avons dû trouver une solution alternative.
Celle-ci a consisté à créer une organisation du nom de Nouvelle Résistance et à développer une stratégie de Front uni anti-système, c’est-à-dire d’alliance, de convergence, de tous les opposants au système, qu’il soient nationalistes, régionalistes, écologistes, anticapitalistes, etc. Nous reprenions ce faisant les thèses de la lutte de la périphérie contre le centre.
Nous avons conseillé à nos membres un engagement plural dans les luttes du quotidien qui les conduise à être reconnus comme des « citoyens actifs » et nous avons aussi insisté sur la qualité de l’organisation et sur une presse grand public en créant un bimestriel nommé Lutte du peuple que nous avons fait diffuser dans tous les kiosques par les NMPP.
L’expérience a duré jusqu’en 1996 et bien que nous ayons dépensé beaucoup d’énergie et beaucoup d’argent s’est soldé par un échec patent.
Dans le même temps où vous participiez à la direction de Nouvelle Résistance, vous étiez un des animateurs du Front européen de libération. Pouvez-vous nous en dire plus sur celui-ci ?
A la fin des années quatre-vingts il existait déjà une structure de coordination européenne à laquelle appartenait Troisième voie, il s’agissait du Groupe du 12 mars. Quand Troisième voie a éclaté, le Groupe du 12 mars a disparu. Il a aussitôt été remplacé par le Front européen de libération, créé à l’initiative d’Italiens, de Français et d’Espagnols – auxquels se sont assez vite joints des Portugais, des Anglais, des Suisses, des Allemands – tous influencés par l’œuvre et l’action passée de Jean Thiriart avec qui nous étions en étroit contact. Les mêmes étaient aussi marqués par ce qu’avaient expérimenté en leur temps Francis Parker Yockey et Otto Strasser, et étaient, d’une certaine mesure, fascinés par l’exemple de la IVe Internationale-Secrétariat unifié.
Nous étions dans une période de « gauchissement » du nationalisme-révolutionnaire et d’instabilité politique internationale liée à l’effondrement de l’URSS. Nous pensions que quelque chose pouvait être fait.
Nous avons donc développé une stratégie en trois parties :
1 – La lutte de libération nationale contre l’occupant américain était possible, comme était possible la lutte – inséparable à nos yeux – d’unification du continent européen ;
2 – Pour ce faire, nous avions besoin d’une organisation européenne et, soit d’un Piémont, c’est-à-dire un pays européen où nous aurions pris le pouvoir et qui aurait joué ensuite le rôle du Piémont dans l’unification européenne, soit d’un poumon extérieur c’est-à-dire un pays européen ou non qui nous apporterait son soutien et qui nous servirait de base arrière ;
3 – Il fallait donc agir sur les maillons faibles de l’impérialisme qui étaient pour nous les points chauds de l’ex-bloc soviétique et les régions touchées par des mouvements autonomistes insurrectionnels, et nous faire des alliés chez les pays et mouvements de libération en lutte contre l’empire yankee.
D’une manière concrète cela nous a conduit à nous investir militairement et humanitairement en Croatie et en Bosnie, à une période où les nationalistes soutenaient l’accession de ces pays à l’indépendance. Mais, alors que les militants d’extrême-droite allaient se donner des frissons en rejoignant la HOS – la milice du parti fascisant local -, nous avons voulu pour notre part agir de manière politique. Nous avons donc demandé aux nôtres de s’enrôler dans les unités étrangères des forces gouvernementales et nous avons tenté d’établir des relations politiques avec les administrations croates et bosniaques naissantes. Il y a eu deux ou trois rencontres avec des ministres, mais sans qu’il en ressorte grand chose …
Dans la même optique nous nous sommes investi dans le soutien aux forces patriotiques en Russie. A plusieurs reprises des délégations du FEL, parfois accompagnées de Jean Thiriart, se sont rendues à Moscou où, grâce à notre correspondant local, Alexandre Douguine, nous avons pu rencontrer un certain nombre de personnalités dont le journaliste Alexandre Prokhanov, Guennadi Zuganov l’actuel dirigeant du très important Parti communiste local ou Viktor Anpilov du mouvement Russie ouvrière. Mais l’écrasement de la tentative de putsch conservateur et anti-Eltsine de Moscou a réduit à néant les espoirs que nous pouvions avoir d’une « aide russe ».
Plusieurs délégations du FEL se sont aussi rendues à la même période en Libye, en Iran et en Corée du Nord …
Pour vous montrer l’ambiance dans laquelle nous agissions, je vous citerais deux exemples.
Notre section allemande a été dissoute à trois reprises pour « attitude hostile à la constitution ». La première fois sous le nom de Front nationaliste. Elle s’est reconstituée sous l’appellation de Front socialiste révolutionnaire des travailleurs et à été de nouveau dissoute. Elle a alors adopté le nom d’Action directe et a été redissoute aussitôt !
Notre correspondant argentin était un NR espagnol immigré. Il avait traduit une partie de l’œuvre de Jean Thiriart en espagnol et il diffusait celle-ci en Amérique latine. Il militait au sein de la gauche péroniste et avait fondé l’association Droit au logement argentine. Il est mort les armes à la main lors d’une action de commando de l’Armée de guérilla du peuple !
Le Front européen de libération se situait dans une continuité historique précise ….
Oui, dans la continuité de Yockey, de Strasser et de Thiriart.
Francis Parker Yockey avait fondé le premier Front européen de libération au début des années cinquante. Yockey était un NR américain, établi en Europe après la Seconde guerre mondiale et qui travailla avec Mosley, Strasser, Bardèche et bien d’autres. Ce fut un des tout premiers à avancer l’idée d’une alliance stratégique avec les autorités soviétiques et les pays arabes contre les USA. Il travailla d’ailleurs lui-même pour le gouvernement égyptien au lendemain de la révolution nassérienne et finit assassiné par la CIA.
Otto Strasser, qui était le leader de la « gauche » du NSDAP se sépara de ce parti au début des années trente pour créer la Communauté de combat des nationaux-socialistes révolutionnaires, que l’on connaît mieux sous le nom de Front noir. Après la prise de pouvoir par Hitler, il anima une opposition NR à celui-ci. Exilé, pourchassé par la Gestapo, il fut assigné à résidence au Canada par les Alliés et ne fut autorisé que très tardivement à rentrer en Allemagne. Il y reconstitua alors un mouvement nationaliste qui prit une position neutraliste entre l’Est et l’Ouest. Il doubla celui-ci d’une structure paneuropéenne, le Mouvement populaire européen. Celui-ci n’eut qu’une existence assez brève, mais il est intéressant de signaler qu’un de ses responsable pour la France fut notre ami Henry Roques, bien connu pour ses travaux de recherche historique.
Jean Thiriart, un ancien membre de la gauche collaborationniste belge, créa Jeune Europe durant la Guerre d’Algérie. Ce mouvement eut des sections dans tous les pays d’Europe et multiplia, jusqu’à sa disparition en 1969, les contacts avec les Etats et mouvements anti-impérialistes comme la Roumanie de Ceaucescu, l’Egypte de Nasser, l’OLP, etc.
Deux anecdotes concernant Jeune Europe rendront bien compte de la réalité de l’organisation. Elle fournit aux Palestiniens les premiers occidentaux qui participèrent physiquement à leur combat et le premier non-arabe qui tomba en combattant contre l’occupant sioniste, Roger Coudroy, était un membre de JE. Par ailleurs, Jeune Europe fut le premier engagement politique d’un certain Renato Curcio, un Italien qui fonda par la suite les Brigades rouges !
L’échec de Nouvelle Résistance n’était-il pas un peu prévisible ?
Soyons clair, nous n’avions jamais pensé que nous connaîtrions une réussite foudroyante. Cependant, nous avions parié sur un développement régulier qui aurait fait de nous une petite structure radicale et efficace calquée sur le modèle de la LCR de Krivine.
Or nous avions sous-estimé deux choses : l’absence d’opposants réels au système en France et l’ostracisme qu’allait faire régner à notre égard le mouvement national.
Le Front uni anti-système n’a pas pris forme faute d’autres ennemis réels du système que nous. Pour lui donner corps nous avons été réduits à infiltrer, ou à créer nous-même, des groupes anarchisants, écologistes et régionalistes. Nous avons ainsi pris le contrôle, l’espace d’un instant, d’Ecolo-J qui était l’organisation juvénile des Verts et nous avons dirigé pendant plusieurs années la section française du mouvement écologiste international Earth First !
Par ailleurs, nos thèmes, nos méthodes d’action, nos contacts, étaient mal ressentis dans la mouvance nationale – on nous accusait de « communisme » – et cela a entraîné progressivement un tarissement total de notre recrutement.
Nous nous sommes donc trouvé dans une situation de relative réussite médiatique – notre bimestriel était en vente dans les kiosques et se vendait de manière honnête, nous publiions un petit hebdomadaire que nous servions à quelques centaines d’abonnés – et dans le même temps d’échec militant – notre base se réduisait et nous ne recrutions plus.
Il nous a fallu nous résoudre à entendre la voix de la raison et à déclarer forfait …
Cependant, quand je me remémore cette période, quand je relis ce que nous avons publié, je ne regrette rien. J’ai vécu alors des années assez exaltantes, pleines d’adrénaline, j’ai eu parfois l’impression de quitter le temps trivial pour le temps historique …
L’ensemble a été très différent et humainement très supérieur à ce que j’aurais pu vivre si j’avais rejoint le FN avec Malliarakis et si j’en étais devenu un cadre intermédiaire.
Pour moi, la « qualité de la vie » que j’ai connue alors compense très largement l’échec politique. Je me justifierais, si besoin est, avec trois citations : Jose Antonio Primo de Rivera : « La vie ne vaut d’être vécue que lorsqu’elle est au service d’une grande entreprise. », Abbé Jacques Vauthrin « La seule joie qui reste, la seule joie qui dure, la véritable joie, c’est celle d’avoir servi. », Emile Cioran « Celui qui, entre 20 et 30 ans, ne souscrit pas au fanatisme, à la fureur et à la démence est un imbécile. On est libéral par fatigue, démocrate par raison. »
Qu’avez-vous fait quand vous avez constaté l’échec de la stratégie développée par Nouvelle Résistance ?
Cet échec stratégique, nous l’avons constaté aussi bien en France qu’en Espagne ou en Italie.
Cela nous a donc entraîné à discuter, tant au sein de la direction de Nouvelle Résistance que de celle du Front européen de libération, sur ce qui était le plus opportun de faire.
Nous avons analysé un certain nombre d’exemples historiques, examiné si nous pouvions les appliquer à la situation que nous vivions.
Par des amis anglais je connaissais bien la situation du groupe britannique Militant. Une structure trotskyste qui avait rejoint le Parti travailliste et qui en était devenu une composante importante et incontournable. En France, il y avait l’exemple de la Gauche socialiste au sein du PS. En Italie on pouvait se référer à l’expérience de Rauti comme oppositionnel au sein du MSI.
Dans le même temps nous savions qu’il y avait au sein du FN des radicaux, mais que ceux-ci n’étaient pas organisés et n’avaient ni presse ni personnalité emblématique. Il est important de bien noter ceci, car à cette époque – comme d’ailleurs maintenant – aucun d’entre nous ne reconnaissait en Pierre Vial un chef historique ou un porte-parole, et si certains d’entre nous se référaient à une personnalité de la ND, c’était toujours le nom d’Alain de Benoist qui revenait, jamais celui du fondateur de Terre et peuple.
Nous avons donc décidé, lors du dernier congrès de Nouvelle Résistance, de dissoudre l’organisation, et nous avons conseillé à nos membres de rejoindre le Front national et d’y prendre des responsabilités.
Nous avons créé pour coordonner tout cela, une revue Résistance ! et une structure l’Union des cercles Résistance. En adoptant ces noms, nous ne rompions pas avec notre passé puisque nous reprenions les dénominations même du journal et de l’organisation d’Ernst Niekisch !
Dans le même temps nous avons recherché des alliés. Cela s’est rapidement concrétisé. Un des principaux dirigeants de l’Œuvre française, Thierry Maillard, nous a rejoint, entraînant derrière lui toutes les sections de ce mouvement à l’exception de celle de Lyon. De même la direction parisienne du GUD nous a contacté et après quelques discussions nous avons fusionné, donnant naissance à Unité radicale dont Jeune résistance est la structure pour les lycéens et les jeunes travailleurs et dont le GUD est l’organisation étudiante. Là encore, tout en revendiquant l’autonomie de nos mouvements de jeunesse nous avons clairement dit que nous ne voulions pas créer un nouveau groupuscule, mais coordonner l’action des radicaux au sein du FN.
Comment avez-vous vécu l’implosion du Front national ? Quelle position avez-vous alors prise ?
Je n’étais pas membre du Front national et je ne participais pas alors le moins du monde aux querelles entre mégretistes et lepenistes qui l’agitaient. J’étais donc un observateur extérieur qui ne pouvait que compter les points.
Le problème s’est vite posé du choix qu’Unité radicale devait faire. Alors que certains proches de Samuel Maréchal espéraient depuis quelques temps nous instrumentaliser pour contrer l’influence des mégretistes dans la jeunesse, nous avons décidé de soutenir Bruno Mégret et ses amis.
Pour expliquer notre décision, je crois que rien ne vaut la relecture des textes que nous avons publiés dans Résistance ! à cette époque.
Dans l’éditorial du numéro de janvier 1999, j’écrivais ceci :
« L’implosion du Front National a obligé chacun à se définir par rapport à l’une des parties. Et il s’agit bien d’un combat où il n’y a guère de troisième voie. Ceux qui ont pu dire, ou écrire, « Ni œil de verre, ni talonnettes » ont peut-être raison sur le fond, ils ont toutefois tort dans les faits car il est des moments où il faut prendre parti, choisir son camp, donner son avis.
Nous n’avons jamais été lepenistes, cela chacun le sait et on nous l’a assez reproché. Nous ne serons pas non plus mégretistes car en total accord avec nos camarades du Lansquenet nous affirmons que nous sommes « fidèles à l’idée, et non à un Homme Providentiel de droit divin, nous ne sommes ni mégretistes, ni lepenistes, mais nationalistes ».
Cela écrit, force est de constater qu’il nous est maintenant impossible de nous retrouver du même côté que J-M Le Pen. Il semble en effet que celui-ci revienne à toute vitesse à ses premières amours, à ce qui nous le faisait haïr dans les années soixante-dix. La présence ostensible d’un conseiller régional « marseillais » à ses côtés, les attaques contre le GRECE qu’il a pu lancer, le rôle important joué par un ancien membre du CNI dans la dénonciation idéologique du camp mégretiste, etc. nous font redécouvrir soudain la vieille extrême-droite ringarde, réactionnaire et germanophobe.
Mais doit-on pour autant se jeter dans les bras du FN-MN ? Bien sûr nos amis y sont nombreux – alors que nous ne comptons plus que sur les doigts d’une main, et encore … ceux qui sont de l’autre côté -, bien sûr les thèses défendues éveillent souvent un écho en nous, bien sûr nous sommes naturellement attirés par la jeunesse, par le dynamisme et par le sérieux. Mais la volonté des proches de Bruno Mégret d’accéder au pouvoir, si elle est légitime, n’en pose pas moins problème. En effet elle n’est viable que dans une stratégie d’alliance à droite.
Or c’est cette alliance qui nous fait peur, et l’ombre de Fini rode dans nos cauchemars …. et nous impose notre propre stratégie.
Mégret, oui, mais avec les réserves qui s’imposent. Nous ne pouvons qu’être en faveur d’un renouveau du mouvement national, d’une réorganisation de ses jeunesses, de la fin de sa népotisation et de ses dérives monégasques. Nous ne pouvons que nous féliciter de voir une nouvelle équipe plus jeune, plus pure, plus dure y prendre les commandes. Mais cela ne doit en aucun cas signifier que les NR doivent baisser leur garde, qu’ils doivent accepter n’importe quoi.
C’est justement maintenant au contraire que nous devons renforcer nos structures et notre autonomie. Cela car seule une Unité radicale importante, offensive et organisée, pourra jouer du fait de son poids et de son influence un rôle d’aiguillon et de garde-fou. Aiguillon en obligeant le mouvement national à ne pas négliger certains thèmes de combat ou certaines catégories sociales, garde-fou en empêchant par notre simple présence et par notre contestation potentielle toutes les dérives possibles.
D’une certaine mesure nous tenons nous aussi dans nos mains l’avenir du mouvement national. Si nous sommes mous et désorganisés il pourra se modérer et se laisser aller, si nous sommes une force unie, radicale et influente, il sera obligé de tenir compte de nos critiques et de notre influence sur ses cadres et militants et sera tenu d’être droit, d’être pur, d’être dur. »
Dans le même numéro nous avons publié un article de fond, rédigé par André-Yves Beck qui était alors des notres, intitulé : Crise du FN : ni César, ni Brutus, Rome !. En voici les extraits les plus signifiants :
« Unité radicale et les militants nationalistes-révolutionnaires ne peuvent en aucun cas soutenir directement ou indirectement des gens qui ont voulu et voudraient continuer à nous manipuler. Nous ne serons pas les gros bras de Maréchal en milieu étudiant pour aller triquer les jeunes mégretistes. Nous ne serons pas davantage la caution fascistoïde de monsieur Le Pen aux côtés de monsieur Romain Marie, caution catho-tradi, de madame Choukroun, caution antiraciste ou de madame Fatna, caution punch créole. Sans doute, à titre personnel, quelques camarades continueront à travailler au FN lepeniste ou sur ses marges, mais ils le feront au titre du service commandé et avec l’accord de la direction nationale d’Unité radicale. A bon entendeur ….
Deviendrons-nous mégretistes ? Mauvaise question … Nous ne serons jamais mégretistes, pas plus que nous n’avons jamais été lepenistes. Nous sommes nationalistes-révolutionnaires. Nous sommes nous-mêmes. Nous sommes une force. Une force militante concrète : entre 400 et 500 militants sur le pays. Plus encore, nous sommes une force d’influence importante, via notre presse, via nos groupes musicaux, via nos réseaux et nos contacts. Si demain la jeunesse nationaliste est mégretiste, ce sera en grande partie grâce à nous. Le Pen et Maréchal le savent, eux qui entendaient justement nous utiliser pour conserver l’avantage sur ce terrain. Nous sommes également et plus encore une force potentielle. Notre discours, notre style sont adaptés au monde actuel. Il est « porteur ». Il ne lui manque en général que le financement. Cette force est une force autonome. Elle n’a besoin de personne pour vivre. Elle peut vivre à côté du FN mégretiste, elle peut vivre à sa périphérie, elle peut vivre à cheval sur sa frontière, elle peut vivre en lui. Et cette force est un moteur car elle est d’abord et avant tout idéal et militance. Mais nous ne considérons pas cette force comme un parti. Elle est une communauté et un mouvement, elle est aussi une mouvance.
En conséquence, nous ne dirons pas à nos amis : « Prenez votre carte dans le FN de Mégret ! ». Mais nous poserons la question ainsi, au cas par cas, selon les lieux et les personnes : « Où es-tu le plus utile camarade ? Peux-tu prendre une responsabilité importante chez Mégret ? Ton travail sera-t-il plus utile à l’extérieur ? ». Toutes ces décisions doivent être prises par chacun d’entre nous en son âme et conscience. Cependant, il est évident que ces décisions doivent être prises en accord avec la direction nationale d’Unité radicale. Notre combat est vaste, il y a de la place pour tous les styles. Une seule chose compte : le développement et le renforcement du mouvement nationaliste-révolutionnaire.
Jean-Marie Le Pen, latiniste monomaniaque, a cru bon à Metz, en décembre, de se comparer à César et de faire de Bruno Mégret un Brutus que lui, le divin Jean-Marie, allait tuer. Nous laissons au tribun vieillissant ces derniers batelages d’estrade (il pourrait cependant méditer avec avantage la phrase bien connue « Jupiter rend fou ceux qu’il veut perdre »). Mais, métaphore pour métaphore, nous, militants NR, tenons à prévenir les uns et les autres : nous ne sommes ni pour César, ni pour Brutus. Nous sommes pour Rome !
Il nous semble cependant que Bruno Mégret incarne un avenir pour le mouvement national. Et cela qu’il fasse 4 ou 15 % aux futures européennes. Il nous semble que Bruno Mégret est animé d’une volonté de puissance alors que monsieur Le Pen ne semble guère plus capable que de velléité de nuisance. Il nous semble que Bruno Mégret est un politique, c’est à dire qu’il sait distinguer l’essentiel de l’accessoire, l’ami de l’ennemi, le neutre de l’indifférent. Il nous semble que Bruno Mégret peut faire faire au FN un bond en avant.
Pour toutes ces raisons, nous sommes disposés à lui accorder notre crédit et le soutien qu’il voudra bien nous demander. Bien sûr, nous ne sommes pas des enfants. Pas plus que Bruno Mégret n’est un philantrope. Nous savons que le nouveau président du FN nous prendra en compte à proportion de l’intérêt que nous offrons, qu’il nous intrumentalisera comme l’ineffable Samuel Maréchal souhaitait le faire.
Ainsi est la vie. Ainsi est le politique. Rapport de force. Mais au-delà de ce balancier d’acier, notre combat est aussi idéal : Empire, Jeunesse, Puissance, Europe, Grande France, sont des fanaux qui brillent dans nos yeux. Nous croyons qu’ils brillent également dans ceux de Mégret et de ses proches.
C’est un pari ? Non, c’est une aventure qui commence ! »
Avec le recul, qu’en pensez-vous ? Quelles leçons en tirez-vous ?
En ce qui concerne notre position, vu les circonstances, elle était juste.
En ce qui concerne l’éclatement du Front, là je considère que c’est un désastre qui nous a fait beaucoup reculer. Je crois que les responsabilités sont plus partagées qu’on se l’imagine et que le départ des mégretistes n’était pas inéluctable. Quand on lit par exemple De la gauche dissidente au nouveau Parti socialiste , on se rend compte que les luttes internes au sein du PS sont bien plus dures que ce qui pouvait se passer au sein du FN uni et qu’à chaque renversement de majorité, les permanents membres de la nouvelle minorité sont licenciés ! Malgré cela, ceux qui se retrouvent mis en minorité ne quittent pas le PS, ils continuent à travailler en son sein en espérant revenir à sa direction dans un avenir proche.
Ce qui me désole, et je suis euphémiste, c’est le volume de haine qui est né de la scission, c’est le fait que pour beaucoup il est plus important de lutter contre l’ami d’hier que contre l’ennemi de toujours. Nous sommes un peu dans la situation d’une forteresse assiégée où les défenseurs de celle-ci jugeraient plus utile de combattre leur voisin de créneau que l’ennemi qui monte à l’assaut !
A mon sens, il faut travailler dès maintenant à la réunification. Celle-ci ne pourra se faire à brève échéance, mais on peut dès maintenant en faire un thème de débat, populariser l’idée dans les forces nationales. C’est dans cette ambition que j’ai participé au lancement de La CoordiNation avec Guillaume Luyt.
Quel bilan tirez-vous de trente ans de FN ?
Mon bilan est mitigé.
D’un côté, il y a ce que l’on appelle la « lepenisation des idées », le fait qu’une partie notable de la population française ose se dire, malgré l’école et les flics de la pensée, favorable à la préférence nationale.
D’un autre, il y a tout ce qui aurait du être fait et qui ne l’a pas été : la prise de contrôle de syndicats professionnels, l’implantation dans les milieux populaires, le combat culturel, etc.
Je crois que beaucoup de choses n’ont pas été faites à cause de la totale inadéquation entre la base électorale du FN – très populaire et souvent issue de la gauche – et l’encadrement du parti – petit-bourgeois et de droite réactionnaire -. Les aspirations des électeurs et de l’appareil ne coïncidaient pas. On le voit de manière très nette en décembre 1995 quand le FN ne soutient pas le mouvement populaire et le laisse être récupéré par la gauche et les syndicats …
Comment envisagez-vous les rapports entre la politique et la religion ?
Je me suis toujours inscrit dans une filiation laïque, c’est à dire que je crois que la religion est du domaine du privé et ne doit pas en sortir, que le combat politique doit être dépourvu de toute connotation religieuse.
La division des forces nationales autour de querelles religieuses me semble aussi ridicule que tragique.
En tant que religion, je n’ai pas d’hostilité à l’égard du catholicisme. Je me souviens que beaucoup de nos grands anciens, comme Gustave Hervé ou Georges Valois, étaient des catholiques fervents … Ce qui me gêne par contre c’est les grand-messes traditionalistes aux Bleu-Blanc-Rouge, les bannières avec le Sacré Cœur dans le défilé du 1er mai … Quand on se veut un parti moderne, qui représente le peuple français, quand on se vante d’être « le premier parti ouvrier de France », on évite ces passéismes qui sont extrêmement liés à des appartenances de classe et que rien ne justifie en terme électoral.
On sait en effet, au moins depuis la passionnante étude de Nonna Mayer Ces Français qui votent FN , que la foi religieuse est un antidote aux idées nationales … Cette thèse a été confirmée par un sondage d’opinion du CECOP rendu public dans Le Monde du 15 août 1999. Dans l’analyse qu’il a fait de celui-ci Gérard Grunberg, directeur de recherche au CNRS, fait clairement ressortir que les catholiques pratiquants sont un des groupes les plus opposés aux idées nationales. Alors quand on sait cela pourquoi a-t-on si longtemps toléré les pitreries pitoyables d’un Romain Marie ?
Vous nous avez fait part de votre éloignement du catholicisme, qu’en est-il du néo-paganisme ?
Eloignement, le terme n’est pas exact. Je n’ai rien contre le catholicisme tant que son action reste dans le domaine du spirituel et du privé. Je ressens toujours une certaine émotion en pénétrant dans une église, j’admire beaucoup les hommes et les femmes qui choisissent de se lier par des vœux religieux. Mais tout cela est du ressort du religieux, pas du politique ; et je considère que les croyances religieuses n’ont pas leur mot à dire en politique.
Concernant le mouvement néo-païen, j’y compte des amis, j’ai participé à de nombreux solstices, mais j’avoue que tout cela m’apparaît bien peu religieux et conceptuellement très faible. Tant et si bien que je souscris totalement à ce jugement d’Alain de Benoist : « Cela donne lieu à des initiatives que je peux trouver sympathiques, sinon respectables, mais auxquelles je n’ai guère envie de participer. J’y vois trop de rituels inventés de toutes pièces, trop de déguisements, trop de christianisme retourné. L’un des périls qui me paraissent le plus guetter le « néo-paganisme » d’aujourd’hui est précisément le risque de verser dans la parodie. Esotérisme et « magie » de pacotille, dérives sectaires et gourous, « contre-Eglises » et « maçonnerie blanches », moralisme de patronage ou niaiseries du New Age, cérémonies tenant à la fois de l’office protestant et du bal costumé, je crains que tout cela n’annonce nullement la renaissance du paganisme, mais se rattache plutôt à cette « religiosité seconde » que Spengler voyait, non sans raison, réapparaître à toutes les époques de déclin. »
Quelle Europe voulez-vous ?
La Grande Europe de Jean Thiriart, celle qui ira de Galway à Vladivostok !
Je peux résumer ma pensée en disant que je suis pour l’Europe impériale et contre l’Europe des marchands que constitue l’Europe de Maastricht.
Dans le monde contemporain, et à plus forte raison dans le siècle qui commence, l’indépendance et la puissance sont liées à la taille du territoire, à la disposition de ressources et de population abondantes. Les nations européennes si elles restent isolées sont destinées à subir un asservissement renforcé par les USA et à être racialement envahies. Seule leur union dans un Empire incluant la Russie peut donner aux Européens la possibilité de résister comme force politique et comme bloc géopolitique homogène, cela tant face aux USA et à la Chine qu’à la montée vers le Nord des populations du Sud.
Quelle doit être pour vous la place de la France dans celle-ci ?
Incontestablement celle d’un pivot, d’un élément central. A mon sens il y a en Europe occidentale deux nations qui comptent : la France et l’Allemagne ; trois dans l’Eurasie : la France, l’Allemagne et la Russie.
Il n’est pas inintéressant de constater que la politique extérieure de l’administration Poutine va dans ce sens avec le voyage de celui-ci à Berlin en juin 2000 et sa description de l’Allemagne unie comme « le partenaire de premier plan de la Russie en Europe et dans le monde », ainsi qu’avec ses ouvertures à la France. Tout cela fait écho au désir de beaucoup de membres de l’establishment russe de construire une association franco-germanico-russe pour contrer les USA. Il n’est pas inintéressant non plus de savoir que dans son numéro du 2 décembre 2000, un journal britannique, tout à fait sérieux et officiel puisqu’il s’agit du Financial Times, désignait comme inspirateur de cette politique étrangère un homme que les NR européens connaissent bien : Alexandre Douguine ! Une thèse que l’on pouvait par la suite retrouver dans le quotidien Le Monde du 18 janvier 2001.
Et les régions ? Quelle régionalisme voulez-vous ?
Ma démarche est régionaliste et identitaire. Elle consiste à concilier trois strates indissociables, appelées à s’articuler autour d’une constitution fédérale : notre nationalité régionale, traduction d’une appartenance à une patrie populaire et charnelle ; notre citoyenneté française, comme appartenance à une France conçue comme une construction fédérant des peuples libres ; notre citoyenneté européenne, comme appartenance à une civilisation originelle et fondatrice de ce que nous sommes.
Ceci dit, mon régionalisme s’oppose au séparatisme et à l’indépendantisme et je partage l’opinion de Guillaume Lenoir qui dans le numéro de septembre 2000 de L’Unité normande, écrit – en parlant de la Corse, mais cela vaut aussi pour le Pays basque et pour les autres régions – : « Ce qu’il faut craindre dans toute cette affaire, c’est que les cartes soient déjà distribuées et que les Corses, comme les autres Français, ne le sachent pas. Qui peut dire qu’en très haut lieu, à un échelon supranational discret (Bilderberg ? Davos ? Trilatérale et autres organismes qui « mènent le monde »), il n’y ait pas une volonté – à moins que la décision ne soit déjà prise ? – de dissocier la Corse de la France pour continuer à créer sur le flanc sud de l’Europe une série de micro-états, clients et protégés d’une super-puissance, lui permettant de mieux surveiller une zone de fractures, abcès de fixation d’une Europe décidément trop concurrentielle (Chypre – Malte – Bosnie – Kosovo – Albanie – Macédoine – etc.) ».. Il entre bien dans le jeu des mondialistes, en effet, de favoriser la balkanisation de la France et de l’Europe. Et le piège de l’indépendantisme risquerait de livrer les nouvelles petites nations à des intérêts supra-européens et au mondialisme.
On parle de manière récurrente dans nos milieux de gramscisme de droite, de combat culturel comme préalable nécessaire à la reconquête. Qu’en pensez-vous ? Quelle place attribuez-vous au combat culturel ? Comment envisagez vous celui-ci ?
Je me demande un peu combien de ceux qui parlent de gramscisme ont pris la peine de lire les œuvres d’Antonio Gramsci !
On parle effectivement énormément de combat culturel dans nos milieux et paradoxalement on en fait très peu, sinon pas du tout, car ce qu’habituellement on nomme combat culturel n’a rien à voir avec cela.
A quoi sert l’intervention culturelle pour un courant comme le nôtre ? A faire passer par des médias non directement politiques des idées simples dans les masses populaires afin de nous les rendre favorables. Un point c’est tout !
Comment faire cela ? En investissant des secteurs culturels directement en phases avec les masses : romans policiers, science-fiction, littérature populaire, BD, chansons de variétés, festivals musicaux, fêtes de quartier, etc. Les gauchistes excellent là-dedans et il n’est même pas nécessaire de citer des exemples tellement cela est évident pour tout le monde.
Que voit-on faire à l’opposé chez ceux qui au sein des forces nationales prétendent mener un combat culturel ?
Des colloques où l’on se rassemble entre nous pour s’autocongratuler après avoir écouté des interventions mi-pédantes mi-politiques sur des thèmes intemporels cent fois ressassés … Des randonnées en forêt ou en montagne … De rares expositions d’hypothétiques œuvres d’art et quelques publications de recueils de poèmes.
Est-ce que tout cela constitue un combat culturel ? Non bien sûr, il s’agit juste de manifestations communautaires, au mieux d’activités culturelles internes à un ghetto politique et social.
Quel impact cela a-t-il sur la réalité ? Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour se rendre compte que cela n’en a aucun et que le but de tout cela n’est pas le moins du monde d’en avoir …
Alors quand on me parle de combat culturel, quand on me parle d’associations spécialement conçues dans ce but, j’ai une facheuse tendance à sourire avec commisération …
Si on voulait vraiment faire du combat culturel il suffirait d’investir les sommes dépensées en pure perte dans des colloques autistes dans des entreprises culturelles en phase avec la population de souche européenne de notre pays. Mais il ne faut pas rêver ce ne sont pas nos « combattants culturels » actuels qui le feront, et la raison en est simple où trouveraient-ils en faisant cela à gratifier leur ego ?
Je préciserais à ce propos que je considère que certains milieux catholiques ont compris bien mieux que toutes les dissidences de la Nouvelle droite le sens réel du travail culturel. Les Editions du Triomphe par exemple qui diffusent des BD et de la littérature pour enfants sont une entreprise extrêmement intelligente et positive.
Vous n’avez pas parlé du RIF ?
J’allais y venir.
On remarquera tout d’abord que le RIF n’est pas issu des milieux où l’on fait si grand cas du combat culturel.
Les prémisses du RIF on les trouve dans le courant radical. D’un côté dans la Oï et la RAC qui comme chacun sait ne faisaient politiquement pas dans la dentelle et de l’autre dans l’industriel dont tous les groupes en France ont été de tout temps liés à la mouvance NR.
Il est quand même bon de rappeler que les seules revues qui ont pendant longtemps consacrées, sous le titre générique de Bruits européens, des pages entières à la musique « nationaliste » ont été celles liées à Nouvelle résistance, l’ancêtre d’Unité radicale.
Le RIF regroupe des styles différents, est plus large, plus ouvert, et c’est un bien. Mais on constate toujours que les « cultureux » de droite en font bien peu de cas ! Ce n’est pas un hasard si le principal label de diffusion – Bleu blanc rock – est si proche des radicaux et si les initiatives les plus intéressantes du RIF comme « la K7 à dix francs » ont été initiées et soutenues par des membres de notre camp.
Maintenant, la question est de savoir si le RIF a une influence en dehors de notre ghetto ? S’il en a une, elle me semble marginale, mais il ne faut pas désespérer puisqu’on a l’exemple d’un groupe aussi radical qu’Ultima Thulé se retrouvant un temps en tête des hit-parades dans les pays nordiques !
Je n’ai guère de conseils à donner à mes amis du RIF mais je crois qu’il serait judicieux qu’ils accroissent encore plus l’éventail de leur offre et que certains de leurs groupes s’ouvrent à la variété ou aux chants et musiques régionales.
Si vous deviez définir un panthéon idéologique, quel serait-il ?
Il y a tant de noms que je pourrais citer que j’ai du mal à choisir.
J’ai une dette idéologique très forte vis-à-vis de trois personnages : Alain de Benoist, Jean Thiriart et François Duprat.
Je ne suis pas du tout convaincu qu’Alain de Benoist soit réellement satisfait d’avoir un disciple aussi compromettant que moi ! Mais les faits sont là. J’ai été profondément marqués par tous ses livres et j’ai toujours considéré qu’il était le penseur contemporain qui avait les idées les plus justes et les plus claires.
Je ne conseillerai jamais assez la lecture, et la relecture, de l’ouvrage Les idées à l’endroit et surtout de sa première partie Le Style. Dans les textes Le Style c’est l’homme, Fondement d’une attitude nominaliste devant la vie et Vingt-cinq principes de « morales », il y a de quoi orienter toute une vie d’homme …
Jean Thiriart, que j’ai déjà cité, a lui écrit les textes les plus convaincants sur la nécessité du nationalisme européen. J’ai eu la chance de le connaître, de pouvoir m’entretenir avec lui à de nombreuses reprises et de militer avec lui. C’est un homme qui par ses écrits a influencé toute la mouvance nationaliste-révolutionnaire européenne jusqu’en Russie.
Quand à François Duprat, qui a été assassiné par les sionistes en 1978, j’étais en contact avec lui quand j’étais encore étudiant. Il m’a surtout influencé au niveau stratégique et tactique. Rappelons qu’il avait entrepris avec les Groupes nationalistes-révolutionnaires de construire une tendance radicale au sein du FN.
A part ces trois auteurs, je me place dans toute une filiation idéologique qui remonte au moins à la Révolution française et aux « bras-nus » de 1793. Je me reconnais donc dans le blanquisme, dans le socialisme-national de Barrès et de La Cocarde et dans le Cercle Proudhon. Plus près de nous je suis redevable aux « non-conformistes des années trente » et à Georges Valois, ainsi qu’à d’autres expériences européennes comme l’hédillisme et le ramirisme en Espagne, le futurisme et la gauche fasciste – celle des manifestes de Vérone et du Saint Sépulcre – en Italie. Je suis aussi l’héritier de toute une fraction de la Révolution Conservatrice allemande celle qui a donnée Niekisch, Paetel, Lass, Jünger ou Strasser.
Je dois aussi citer Francis Parker Yockey et son maître ouvrage Imperium. Et tout le courant du national-bolchevisme russe avec des penseurs comme Nicolas Ustrialov dans les années vingt ou Alexandre Douguine pour la période contemporaine.
Enfin il est bien évident que j’ai subi l’influence de Julius Evola.
A votre avis, quelles sont les tares de l’extrême-droite ? Quelles solutions envisagez-vous pour y remédier ?
En d’autres temps Dominique Venner a relevé dans sa brochure Pour une critique positive, rédigée en 1962 durant un séjour en prison lié au combat pour l’Algérie Française, un certain nombre de traits comportementaux de la mouvance nationale. Dans cette analyse, sévère et lucide, il établit une distinction fondamentale et sans équivoque entre les nationaux et les nationalistes. L’attitude des premiers est dénoncée en des termes très durs. Pour lui, incapables d’organisation, méprisant le militantisme, facilement enthousiastes et aussi facilement découragés, les nationaux, en « troupeau massif », se refusant à prendre en main leur politique, se réfugient dans les mythes : mythes du « sursaut national », du « sauveur », de l’armée, mythe des rassemblements électoraux. On croirait qu’il nous parle du FN ! A la conception des nationaux, Venner oppose l’idée d’une organisation, d’un mouvement révolutionnaire « pur et dur », sans « petits chefs » mais animé par une solide équipe de militants nationalistes. Conception calquée sur un modèle de parti de type bolchevique : il faut avoir une idéologie stricte qui guide tous les actes, il faut se méfier des notables et être un parti de militants, il faut assurer une sélection interne rigoureuse et dégager un noyau, une « élite révolutionnaire » prête à tout, et à tous les sacrifices, il faut agir dans tous les secteurs de la vie de la nation et multiplier les courroies de transmission.
Je n’ai pas grand chose d’autre à ajouter à cela. Mais dans le même temps la lucidité m’oblige a reconnaître que le matériau humain dont nous disposons est loin d’avoir les qualité nécessaires à la création d’une telle structure … La décadence ne touche pas seulement le monde qui nous est extérieur, elle touche aussi notre camp et rares sont les nationalistes – pour reprendre la typologie de Venner – qui présentent les qualités humaines, le sens du dévouement, l’abnégation nécessaire, pour créer le type d’organisation que prônait Pour une critique positive.
Je me console en me disant que ce sont les situations qui font se révéler les hommes de valeur, et qu’une crise ferait sans doute apparaître des militants de qualité en nombre. Sans doute … Dans l’immédiat ceux qui sont proches de nos milieux ne sont guère différents des Français moyens et ils en partagent souvent les travers.
Les meilleurs s’encartent, prennent des responsabilités, militent. Ils se comportent peu ou prou comme des « soldats-politiques ». J’ai pour eux à la fois de l’amitié et le plus grand respect. Mais à côté de ceux-ci, combien nombreux sont ceux qui « se la jouent », qui « posent », qui se donnent des frissons et qui demain – une fois bobonne engrossée – rejoindront le monde bourgeois avec un grognement d’aise ?
L’expérience m’a abondamment prouvé que ceux qui restent chez nous, ceux qui militent le mieux, ceux qui sont les plus sûrs, sortent des milieux les plus populaires. La plupart des fils de la bourgeoisie sont, par contre, des planches pourries qui refusent toute discipline et qui disparaissent vite après s’être donnés quelques frissons canailles en fréquentant les « extrémistes ». Quand ils ne disparaissent pas physiquement de nos milieux, ils cessent d’y militer, se découvrent une vocation « culturelle » ou « métapolitique » et méprisent, de cet éternel mépris des bourgeois pour le peuple, ceux qui continuent d’aller au charbon !
Notre idéologie est-elle actuelle ou n’est-elle que nostalgie ?
Quand je fréquentais les cercles d’études maurrassiens on m’a appris que « la tradition est une statue en marche ». J’appliquerais bien volontiers cette définition à la vue du monde, le terme me semble plus juste que celui d’idéologie, des NR.
Celle-ci me semble avoir été juste dans le passé, être encore d’actualité et devoir s’adapter sans peine au futur.
Cela parce qu’il ne s’agit pas réellement d’une idéologie mais d’une conception de l’homme et du monde.
Que pensez-vous de l’immigration ? Quelles solutions proposeriez-vous ?
Les déplacements massifs et mondiaux de population – qui touchent aussi bien le monde développé que celui dit sous-développé – sont un des dangers majeurs de la période actuelle. Etroitement liés à l’économie libérale, ils constituent d’une certaine manière une nouvelle forme d’esclavage. L’immigration est un désastre social – tant pour les immigrés que pour les indigènes des pays accueillants -, un désastre économique à terme, elle contribue aussi à l’insécurité, à la dissémination mondiale des maladies et à la massification mondiale par la disparition des cultures.
On a trop tendance dans les milieux nationaux à condamner plus les immigrés que le phénomène de l’immigration, c’est-à-dire à dénoncer l’effet plutôt que la cause. Or si on se penche sur la cause de l’immigration, dans tous les cas on trouve le capitalisme libéral et la mondialisation et on ne peux qu’être d’accord avec le journaliste communiste non-conformiste Patrick Besson quand il écrit : « l’immigration est une arme des patrons pour augmenter leurs profits, diminuer les salaires et briser l’unité ouvrière.»
Il est un fait que l’immigration profite au patronat en générant un main d’œuvre abondante et en permettant que les salaires restent bas, c’est pour cela que les syndicats patronaux sont plus que favorables à ce que les vannes de l’immigration soient plus largement ouvertes. Je n’invente rien, c’est bien Denis Gautier-Sauvagnac, délégué général de l’Union des industries métallurgiques et minières qui affirmait récemment qu’il « ne serait pas absurde d’inverser les flux migratoires », c’est bien Jean-Louis Giral, une personnalité respectée du Medef qui évoquait il y a peu « la nécessité de renouveler le stock de main-d’œuvre étrangère », c’est bien la Chambre de commerce et d’industrie de Paris qui publiait il y a quelques mois un rapport où elle proposait « l’impatriation (sic !) de salariés » et se plaignait que la France soit « une des nations européennes les plus fermées aux travailleurs immigrés » … Je pourrais continuer ad nauseam … Il est piquant, remarquons-le, de voir que les gauchistes qui font dans la défense des immigrés et dans la lutte contre les frontières sont les alliés objectifs du capitalisme international.
Je n’ai rien contre les immigrés en tant que tels, je sais qu’ils sont comme nous des victimes du système économique mondial libéral. Cependant, j’estime que la seule solution réside dans une révision drastique et rétroactive de l’acquisition de la nationalité française et dans un rapatriement humain en coordination avec les pays d’origine des immigrés les plus récents présents sur notre sol.
En attendant que de telles mesures de salubrité puissent être appliquées, il faut militer pour une lutte sévère contre l’immigration clandestine, l’expulsion de tous les sans-papiers, des impôts spéciaux pour les employeurs d’immigrés et de lourdes sanctions contre ceux qui exploitent les travailleurs clandestins. De plus au stade actuel, il faudrait imposer l’idée que la présence d’un étranger en France devrait être étroitement liée à la possession d’un contrat de travail, ce qui est loin d’être le cas puisqu’une récente étude a montré que seulement 5,4 % des immigrés présents en France le sont pour y travailler.
Remettre en cause le code de la nationalité et demander le rapatriement d’immigrés présents sur notre sol, n’est-ce pas un peu utopique ?
Hic et nunc c’est utopique … Mais c’est un but vers lequel il faut tendre. C’est un but que l’on peut atteindre si le mouvement anti-immigration renaît de ces cendres. C’est le but qu’il faut lui donner !
En soi, ce n’est pas utopique et cela a été mis en pratique par de nombreux autres pays dans le monde.
Je citerai pour illustrer ceci le journaliste iranien Yag Bazhdid : «L’Arabie Séoudite a recouru, à raison, dans des délais particulièrement brefs à des expulsions massives d’illégaux ayant profité du pèlerinage annuel à La Mecque pour tenter leur chance dans le pays. En 1996, ce sont quatre cent mille « pélerins » qui furent renvoyés illico dans leur pays d’origine. (…) Jusqu’à l’Afrique elle-même ! Ainsi comme l’a écrit Jared Taylor : « La Côte-d’Ivoire, qui est bien mieux gérée que la plupart de ses voisins, a démarré une campagne pour expulser tous les résidents étrangers qui ne peuvent prouver que leurs grands-parents sont nés sur place. ».»
On pourrait citer aussi le cas de l’Ouganda, qui il y a quelques années expulsa en quelques semaines de son territoire tous les Asiatiques qui s’y trouvaient indépendemment de la nationalité « de papier » qu’ils possédaient !
On me rétorquera qu’il s’agit de pays arabes ou africains et que l’on ne peut pas faire la même chose en Europe. Mais pourquoi donc ? Ne sommes-nous pas capables de faire aussi bien ? Ou y a-t-il un racisme caché dans cette objection qui signifierait que si ces nations prennent de telles décisions c’est parce qu’elles sont moins civilisées que nous ? Si tel est le cas, je veux bien renoncer à cette civilisation d’invertis!
Faites-vous une place particulière à l’islam dans le problème de l’immigration ?
Non, pas le moins du monde, car l’islam n’est pas l’élément principal de mon opposition à l’immigration. Je persisterais dans cette position d’hostilité à l’immigration même si tous les immigrés étaient de bons catholiques pratiquants ou des disciples de Wotan. En effet, la religion n’est qu’un aspect de l’identité nationale.
Pour moi le problème de l’immigration se réduit à un phénomène simple : l’installation en Europe de populations qui ne sont pas de souche européenne. La religion que ces allogènes pratiquent n’entre guère pour moi en ligne de compte.
Un vietnamien catholique, un tamoul polythéiste ou un nigérian protestant n’ont pour moi pas plus leur place sur le sol européen qu’un marocain musulman.
Mettre l’accent comme certains de nos amis le font sur la lutte contre l’islam me semble à la fois dangereux et totalement improductif.
Dangereux, car du moment que l’on met l’accent sur l’immigration musulmane on crée un biais dans le discours anti-immigration. Si on estime que certains immigrés, les musulmans en l’espèce, sont pires, cela veut dire que d’autres le sont moins et sont donc plus acceptables …
Totalement improductif, car dans les cités la mère de famille qui se fait insulter par des jeunes racailles, car dans les rues de nos villes la vieille dame à qui l’on arrache son sac, car au sortir des lycées les adolescents qui se font rackettés, etc., ne constatent pas que ceux qui leur causent du tort sont musulmans mais qu’il ne sont pas Européens … Dans mes activités militantes, j’ai souvent entendu des bourgeois et des intellectuels sans contacts réels avec l’immigration se plaindre de l’islamisation de la France, par contre les milieux populaires ne m’ont jamais parlé des méfaits des musulmans mais, en des termes que la loi m’interdit de répéter, des blacks, des beurs ou des viets !
J’ajouterais que je crains de voir poindre derrière l’anti-islamisme d’une partie de l’extrême-droite française un retour de son vieux fond pro-sioniste.
Justement, n’y a-t-il pas une contradiction entre lutter contre l’immigration en Europe et soutenir l’intifada en Palestine ?
Il n’y a de contradiction que si l’on n’a pas fait une analyse en profondeur de la nature du système.
J’ai indiqué précédemment que je considérais que l’immigration était un effet du capitalisme libéral. J’aurais du ajouter que c’était un phénomène issu du processus de mondialisation et de globalisation. Ce processus possède un agent d’exécution qui est l’impérialisme nord-américain et dans les décisions de celui-ci le lobby sioniste joue un rôle prépondérant. Ce dit lobby soutient la politique de génocide systématique que pratique l’entité sioniste vis-à-vis du peuple palestinien.
Lutter contre l’immigration c’est lutter contre la mondialisation et la globalisation capitaliste. Lutter pour les droits du peuple palestinien c’est lutter contre le pouvoir exécutif de la mondialisation et la globalisation. Il n’y a pas de contradiction, puisque la lutte est menée contre le même ennemi.
J’ajouterai qu’écrire, comme j’ai pu le lire dans Terre et peuple que « chacun de ces deux peuples a droit à avoir sa terre et c’est donc la partition territoriale qui nous paraît la seule solution réaliste et juste » me semble un raisonnement aussi étrange que dangereux. Si une occupation de quelques dizaines d’années crée un droit à posséder une terre, craignons qu’on ne nous tienne dans quelques temps le même raisonnement en Seine Saint Denis ! En Palestine, les immigrés sont les Juifs, pas les Palestiniens !
Et les Dom-Tom, comment considérez-vous leur ressortissants ?
Nous avons hérité d’une situation historique, de populations de souche non-européennes qui se considèrent dans leur majorité comme françaises, dont les membres votent parfois pour les forces nationales … Comme les Harkis, les ressortissants des Dom-Tom sont des français un peu particuliers.
Cela dit, ces « confettis de l’Empire » ont pour nous un intérêt géopolitique et dans cette optique ils seraient un beau cadeau de mariage de la France à la plus grande Europe.
Les USA sont-ils pour vous des concurrents ou des ennemis ?
Incontestablement des ennemis.
Je me demande si la meilleure réponse que je peux vous faire n’est pas de vous citer Jean Thiriart : « Je suis antiaméricain sur le plan politique en quelque sorte par obligation sacrée : depuis vingt ans les Etats-Unis ont détruit tous les Empires européens, depuis vingt ans les Etats-Unis occupent économiquement et militairement ma patrie, l’Europe. Depuis vingt ans les Etats-Unis gouvernent l’Europe à travers la plus ignoble clique de collabos. Aussi, pour moi, l’amitié avec les Etats-Unis ne sera possible en Europe, que lorsque le dernier soldat américain sera rembarqué pacifiquement ou liquidé physiquement. Je suis, aussi, antiaméricain par esthétique, car j’estime que l’histoire de l’espèce humaine finira dans une impasse si des civilisations telle l’américaine, une civilisation néo-carthaginoise, s’imposent au monde. Ce serait le triomphe de la plus épaisse médiocrité, de la plus fade banalité. » Il écrivait cela en 1965 ! Trente cinq ans après son opinion me semble toujours d’actualité …
Cela dit, il existe aux USA, et il y a toujours existé, des forces politiques – tant dans la communauté blanche que dans les communautés non-européennes – qui prônent des orientations proches des nôtres. Mais la lucidité oblige à reconnaître que de l’American First Party à l’American Front leur importance s’amenuise régulièrement.
Quelles grandes lignes proposeriez-vous pour une politique étrangère nationaliste ?
Quand j’ai avec quelques amis créé Nouvelle résistance, j’ai défini une « politique étrangère » précise pour notre organisation. Celle-ci est pour moi toujours d’actualité et c’est une politique de ce type qu’il me semblerait judicieux que notre nation adopte.
Son axe central est la remise en cause de l’hégémonie américaine et du Nouvel ordre mondial. Cela passe donc par un soutien à tous les pays de « la ligne de front » anti-yankees : Irak, Libye, Corée, Soudan, Serbie, etc., et à une volonté d’alliance avec les forces politiques des Pays de l’Est qui s’opposent à l’occidentalisation, c’est à dire globalement avec les mouvements que l’on nomme rouge-bruns ou nationaux-communistes.
A terme ce serait la constitution de la plus grande Europe de Galway à Vladivostok …
Les notions de droite et de gauche ont-elles pour vous une valeur ? Sont-elles des référents opportuns ?
Pour moi, il s’agit d’une méthode de classification facile mais qui n’a guère de valeur absolue.
J’ai été à la fin de mon adolescence très marqué par le livre de Jean-Pierre Faye, Langage totalitaire . Il y présente les idées politiques réparties sur un aimant en forme de fer à cheval. Entre les deux pôles de l’aimant, dans le champ de force, il place les NR. Pour lui nous sommes les « gauchistes de la droite » ou les « fascistes de la gauche » … Mes amis de la tendance « soldat politique » au sein du National front britannique avaient repris la même idée et disaient qu’ils étaient « le centre dur contre le centre mou » …
Par ailleurs, si on lit La Gauche réactionnaire de Marc Crapez , on se rend compte que les idées que nous défendons, et qui sont classées à l’extrême-droite, étaient des idées d’extrême-gauche à la fin du XIXe siècle !
D’autre part il est bien évident que je suis plus proche d’un Carlos ou d’un Horst Malher, tous les deux d’extrême-gauche, que d’un Romain Marie, pourtant lui d’extrême-droite …
On me classe à l’extrême-droite, je ne me dis pas d’extrême-droite. Si je suis amené à me définir je fais référence au nationalisme-révolutionnaire, au courant rouge-brun, au national-bolchevisme, à la « gauche fasciste », etc. et dans tous les cas j’ai conscience que le véritable clivage ne passe pas entre droite et gauche mais entre défenseurs de l’identité et partisans de l’universalisme.
La politique occupe une part importante de votre vie, quand vous cessez d’être un militant que faites-vous ?
Je tente de consacrer le plus de temps que je le peux à mon fils et à ceux qui me sont chers. Durant les loisirs qui me restent, je fais des recherches en histoire des idées religieuses et j’écris des monographies sur ce sujet pour différents éditeurs et journaux. Je pratique aussi le jardinage. C’est pour moi une des meilleures manières de se vider l’esprit du stress quotidien, cela même si la lutte contre le chiendent et les feuilles mortes me fait étrangement penser à celle contre le gauchisme ou contre le système !