Carlos dans Résistance, non ce n’est ni une blague, ni une provocation, c’est la concrétisation de ce que les nationalistes-révolutionnaires ne cessent d’affirmer à l’image d’Ernst Jünger : « Toutes les forces révolutionnaires sont alliées invisiblement, malgré leur opposition mutuelle » (cette note figure dans le numéro 16, 2002, de Résistance).
Pouvez-vous nous rappeler pour quelles raisons vous êtes en prison et pour quelle durée vous y avez été condamné ?
Le 15 août 1994, vers trois heures du matin, une douzaine de gardes de la Sureté général qui étaient sensé protéger ma maison, m’ont sauté dessus. Ils m’ont menotté, entravé, cagoulé et un médecin militaire m’a fait une piqûre. Sequestré sur ordre du docteur Hassan al-Tourabi et du président Omar el-Bédrir, j’ai été livré à la DST à l’aéroport de Kahartoum.
J’ai ensuite été condamné à la prison à perpétuité pour la fusillade de la rue Toullier, le 27 juin 1975, qui avait vue le chef des opérations du FPLP et de Septembre noir en Europe être exécuté, deux officiers de la DST mourir et le chef des départements Moyen-Orient et terroriste de la DST être grièvement blessé.
Ce fut un procès singulier, sans aucun témoins, sans preuves ni éléments matériels, sans reconstitution, effectué en l’absence du dossier d’instruction original et avec des abus avérés du Président de la Cour d’assise (falsification des minutes des débats, présence illégale de l’organisation sioniste révisionniste SOS-attentats, etc.)
En fait, ce fut un lynchage public.
J’ai été mis de plus en examen en France dans quatre autres dossiers de manière toute aussi scandaleuse.
Quelles sont vos conditions de détention ?
Je suis à l’isolement total depuis le premier jour, interdit de visite, mon courrier fréquemment détourné, recevant la presse avec retard, privé de leçon de français. Les conditions de vie deviennent de plus en plus pénibles.
Espérez-vous être libéré un jour ?
Si je ne meurs pas empoisonné avant, je serais libéré par une opération militaire internationale.
Connaissez-vous le courant politique que l’on nomme « rouge-brun » ou « national-bolchevick ». Si oui, qu’en pensez-vous ?
La décomposition du système bureaucratique soviétique a libéré en Russie des forces qui se revendiquent de ce courant, elles sont du même côté de la ligne de front que les communistes.
Horst Mahler qui avait été emprisonné dans le cadre de son soutien à la Fraction armée rouge à récemment rejoint le Parti national-démocrate allemand (NPD) que l’on range habituellement à l’extrême-droite de l’échiquier politique. Qu’en pensez-vous ?
Horst Mahler est une personnalité sui generis.
Avec Ulrike Meinhof, il libère ses clients de la Fraction armée rouge les armes à la main au palais de justice de Berlin-Ouest, et intègre la lutte armée.
Capturé, il est défendu par le chef des jeunes socialistes de l’époque, un certain Gerhardt Schröder !
En raison de différents politiques avec la guérilla urbaine allemande, il refuse d’être libéré, en 1975, par le Mouvement du 2 juin – avec cinq autres camarades – en échange d’otages. J’en sais quelque chose…
Au lieu de faire une carrière politique douillette, comme beaucoup d’anciens gauchistes, il a réjoint le NPD diabolisé par les pseudo-démocrates quand celui-ci fut en danger de dissolution.
C’est la continuation d’une démarche rebelle et anti-bien pensante.
Cela explique pour quoi je l’ai désigné comme un des avocats me défendant.
Quelle est votre opinion sur la théorie des « nouvelles convergences » définit par les milieux nationalistes-révolutionnaires européens et visant à constituer un front uni des « extrémistes » pour lutter contre les ennemis communs : l’impérialisme yankee et le sionisme ?
J’utilise souvent le terme convergence, au sujet de militants d’idéologie différentes avec qui nous nous retrouvons d’accord sur l’essentiel.
Toutefois, je me méfie des « extrémistes » pour le côté infantile de leurs positions « extrêmes » qui généralement ne tiennent pas la route, comme la plupart des gauchistes européens.
Cela dit, tous ceux qui combattent les ennemis de l’humanité, à savoir l’impérialisme états-uniens, les sionistes, leurs alliés et leurs agents, sont mes camarades.
On vous dit converti à l’islam. Est-ce vrai ? Par ailleurs êtes vous toujours marxiste ? Si oui comment concilier vous les deux ?
Je me suis converti à l’Islam en octobre 1975, et je continue à être communiste. Il n’y a pas de contradiction entre la soumission à Dieu et l’idéal de la société communiste.
Vous avez beaucoup lutté pour la cause palestinienne. Comment jugez-vous la situation actuelle en Palestine ? Comment voyez-vous l’avenir ? Quels voeux faites-vous pour le futur ?
Je suis un fédayi. La situation en Palestine est le reflet de celle du monde arabo-musulman : désastreuse !
Mais je vois l’avenir radieux !
Mes vœux les plus chers sont pour la libération de la Palestine et de tous les pays occupés par des forces étrangères.
Que pensez-vous de l’islamisme radical ? Quelle est votre opinion sur les liens qu’on lui a prêtés avec l’Arabie saoudite et les USA ?
L’islamisme radical est bigarré, hétéroclite et protéiforme. On y trouve le meilleur et le pire : des mouvements djihadistes jusqu’à des réactionnaires liberticides et mysogines.
L’Arabie Saoudite et les USA, en suivant l’exemple britannique, ont encouragé les organisations islamistes contre les nationalistes, les communistes et les anti-impérialistes laïques. Après la désagrégation du camp socialiste athée, les vrais djihadistes s’attaquent au monstre yankee et réclament la libération des trois lieux saints de La Mecque, de Médine et de Jérusalem.
Vous êtes vénézuélien d’origine. Comment jugez-vous la venue au pouvoir du colonel Chavez et son action. De manière plus générale que pensez-vous de la situation en Amérique latine ?
Alors qu’il était considéré comme un candidat marginal sans aucune chance d’être élu, j’ai appelé à l’été 1998 dans un long entretien avec El Nacional – le principal quotidien vénézuélien – à voter pour le commandant Chavez, comme seule chance pour mon pays de s’émanciper. Ma position reste la même, je maintien mon soutien au Président Chavez.
La situation en Ibéroamérique est désastreuse, les formules macro-économique des « chicago boys » appliquées comme de l’huile de ricin sous la surveillance des cerbères du FMI et de la Banque mondiale, acculent nos pays à la banqueroute matérielle et morale, et à la dépendance croissante vis à vis de Washington.
La seule solution reste la Révolution !
Comme révolutionnaire sud-américain quelle est votre opinion sur le général Peron ?
Juan Domingo Peron fut le plus grand national-révolutionnaire du continent américain. Malheureusement, il oublia, conditionné par son appartenance à la caste militaire argentine, d’armer son peuple de « sans-chemises », donnantl’opportunité à la bourgeoisie alliée à la caste militaire de reprendre le pouvoir.
Le second gouvernement Peron ne fut que le pathétique simulacre du premier.
Quelles réflexions vous a inspiré la fin de l’URSS ? Comment voyez-vous l’avenir de la Russie ? Comment jugez-vous l’action de Vladimir Poutine ?
La fin de l’URSS m’a fait me souvenir des critiques que nous faisions des soviétiques dans ma jeunesse. Elles étaient – hélas ! – prémonitoires.
La Russie a vocation à être un Empire continental multinational, elle se relèvera rugissante en s’appuyant sur trois piliers : le nationalisme pan-slave, le communisme et la Sainte Eglise orthodoxe. Moscou sera de nouveau la Troisième Rome !
Quant à Vladimir Poutine, je juge sévèrement son action. Il n’a pas exproprié les oligarques voleurs et autres ploutocrates, et il se rallie, d’une manière écoeurante de myopie opportuniste, à l’aggression yankee contre l’Afghanistan, en découvrant son ventre méridional. Il joue à l’apprenti-sorcier !
Comment jugez-vous la situation du mouvement révolutionnaire international actuellement ? Gardez vous espoir dans l’avenir ?
Il n’existe plus de « mouvement révolutionnaire international ». Ayant atteint le niveau le plus bas de l’histoire, nous entrons dans une période de flux révolutionnaire très violent.
L’avenir nous appartient !
(Prison de La Santé, 1 novembre 2001)