Les fiches de présentation que nous proposons ont pour intérêt de succinctement présenter les maîtres à penser, leaders ou simples militants passés à la postérité de cette vaste famille d’esprit que l’on peut qualifier de « socialiste et nationale ».
Alfred-Georges Gressent, dit Georges Valois, est une des personnalités les plus méconnues de ceux qui appartiennent à ce qu’il est convenu de nommer en France le « camp national ».
De prime abord, la pensée de Georges Valois est incohérente. Anarchiste au début des années 1900, il devient monarchiste plus ou moins maurassien, puis fasciste, et enfin socialiste dans les années 1930.
Il est vrai que la cohérence doctrinale du parcours de l’homme est difficile à cerner, si l’on s’en tient aux positions de surface.
Néanmoins, la conception du monde de Georges Valois tout au long de sa vie est peut-être celle qu’il a pu donner lui-même : « J’ai une haine personnelle contre l’Argent ». Valois fut un anticapitaliste convaincu, et c’est cette flamme qui le fit adhérer à des mouvements si différents. Un peu avant 1900 il est secrétaire d’Augustin Hamon, philosophe et éditeur anarchiste. Devenu ami d’Henri Lagrange et adepte Georges Sorel, Il adhère à l’Action française avec la foi selon laquelle Maurras cherchait à brimer le capitalisme au moyen de la monarchie. Nous sommes en 1906. Devenu dans les années suivantes l’un des animateurs du cercle Proudhon, il en est la principale figure avec Edouard Berth.
Il participe aux combats de la Première Guerre Mondiale. Il est blessé lors de la bataille de Verdun, en octobre 1916. C’est à cette époque qu’il s’intéresse à la stratégie militaire où, précurseur de la Blitzkrieg, il préconise l’emploi d’avions et de chars pour mettre fin à la guerre statique livrée dans des tranchées.
Toujours militant à l’Action française après la guerre, engagement finalement déçu, à peine toléré au sein du mouvement, il se décide finalement à quitter le mouvement pour fonder le Faisceau. C’était en 1925, calquée sur le modèle mussolinien, à ceci près que Valois ne désignait pas son mouvement comme « anticommuniste ». Déçu par le tournant réactionnaire de Mussolini après la marche sur Rome, et alors même que son propre mouvement semblait imiter le parti national fasciste italien dans sa dérive favorable au pouvoir économique du grand patronat et des grands propriétaires terriens italiens, il abandonne l’étiquette de fasciste et décide de virer à gauche. En 1928, il décide de dissoudre le Faisceau, et de fonder le parti républicain syndicaliste.
Devenu intellectuellement proche des rebelles néosocialistes comme Adrien Marquet et Marcel Déat, il leur reprochera une dérive « ploutocrate » et après avoir soutenu la naissance du Front populaire, il accusera Léon Blum de vouloir pactiser avec le grand patronat français. Il avait demandé en 1935 l’adhésion à la SFIO, avec le soutien de Marceau Pivert. Mais son lourd passé lui étant reproché, et elle ne sera pas validée.
Propriétaire de sa propre librairie, il dirige de 1928 à 1932 la revue les Cahiers Bleus, à laquelle collaboreront Edouard Berth, Bertrand Jouvenel ou Pierre Mendès France.
Valois, désigné par Lénine comme « l’économiste le plus intéressant de notre époque » avait aussi une lecture de l’histoire très « fasciste de gauche », selon Nicolas Lebourg : Il juge la Révolution française bourgeoise, donc détestable, mais lui reconnaît le mérite d’avoir anéanti un régime parasitaire et vermoulu, l’Ancien Régime.
En ce sens, Valois sera toute sa vie un défenseur des corps intermédiaires entre l’Etat et les individus, et donc, en ce sens, un militant antitotalitaire. Il sera tour à tour le défenseur des communes, des syndicats, des corporations, des coopératives.
C’est aussi un précurseur de la pensée européenne nationaliste : En 1940, il suggéra la création d’une fédération eurafricaine entre Italie, France et Royaume-Uni.
Pour Christian Bouchet, Georges Valois voulait notamment que les peuples d’Europe combattent ce qui était alors une « Europe des marchands ».
Valois, alors âgé et devenu résistant à l’heure de l’occupation allemande en France, sera finalement capturé le 18 mai 1944, et déporté à Bergen-Belsen. Il y mourra, malade du typhus, à la veille de la « Libération ». C’était en février 1945.
Commentant son action passée, en 1929, Georges Valois avait lui-même estimé que son propre parcours avait été celui d’un militant dont les grandes idées, à la fois sociales et nationales, n’avaient jamais changé.
Vincent Téma, le 06/03/2023.