Iran : des royalistes contre les mollahs

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Le Tribunal révolutionnaire de Téhéran, juge actuellement (NDE = article de 2012) les émeutiers arrêtés lors des manifestations violentes ayant suivi, en juin dernier, l’élection de Mahmoud Ahmadinejad. Le 10 octobre, il a condamné à la peine capitale Mohammad-Reza Ali-Zamani (37 ans), Davood Fardbacheh Mir-Ardabili (36 ans), Hamed Rouhinejad (24 ans) et Arash Rahmanpour (20 ans). Curieusement, alors qu’il est de bon ton de faire feu de tout bois contre la République islamique d’Iran, ces condamnations n’ont pas été l’occasion d’une grande campagne médiatique anti-Ahmadinejad. Les gouvernements occidentaux, les associations de défense des droits de l’homme et, plus surprenant, les associations d’exilés iraniens sont unanimement restés d’une étonnante discrétion sur cette affaire.

Tout s’explique quand on sait que les quatre condamnés à mort n’étaient pas des manifestants démocrates favorables à Mir Hossein Moussavi. Tout au contraire, ils appartenaient à une cellule de l’Anjoman-e Padeshahi-e Iran (Organisation monarchiste d’Iran), un mouvement de droite radicale dont le programme nationaliste et … rabiquement anti-musulman, embarrasse bien le prétendant Reza Pahlavi…

Pour comprendre tout cela, il faut remonter au années 1920 du siècle passé. Un mouvement nationaliste, inspiré par l’exemple d’Atatürk, s’est développé en Iran, la plupart de ses membres n’aspirent qu’à un État laïc et moderne, mais il en est quelques-uns qui, se revendiquant de l’aryanisme, veulent effacer 1300 ans d’histoire en rétablissant l’Empire des Sassanides et en redonnant la première place à la religion zoroastrienne. En 1925, ils seront les plus fermes soutient à la prise du pouvoir par Reza Shah Pahlavi, dont ils apprécieront les réformes. Quand, inquiets de sa possible alliance avec l’Allemagne, les forces britanniques et soviétique envahiront l’Iran et forceront Reza Shah à abdiquer en faveur de son fils, ces nationalistes, favorable à l’Allemagne et regroupés dans la Ligue aryenne, créeront une organisation de résistance armée, Les Vengeurs, qui mènera de nombreuses actions contre les troupes alliées.

Parmi les militants les plus actifs de la Ligue aryenne se trouvait un militaire formé en France, Hossein Manoochehri. Bien qu’il ait été emprisonné par les Alliés pour sa germanophilie, il fit une brillante carrière dans l’armée impériale dont il devint le chef d’état-major en 1965. Malgré sa réussite sociale, Hossein Manoochehri n’abandonna pas ses idées de jeunesse, et pour que cela soit bien clair, il choisit d’adopter un nouveau patronyme, sans connotation musulmane et clairement aryen : Bahram Ariana. De même, il soutint publiquement les revendications de la Ligue aryenne pour que le livre saint des Iraniens ne soit plus le Coran mais le Shahnameh (1) et pour que l’alphabet arabe soit remplacé par l’alphabet latin. Son activisme fut tel, qu’en 1971, le Shah l’obligea à partir en exil en France. Après la révolution islamique de 1979, il fut celui qui créa le premier groupe de résistance armé anti-khomeiniste l’Armée des hommes libres.

Décédé en 1986 à Paris, Bahram Ariana trouva un successeur dans Fathollah Manoochehri, Ce cinéaste, proche des milieux nationalistes et faisant usage du pseudonyme aryen de Frood Fouladvand, dut s’exiler lors de la révolution de 1979. Installé au Caire, il s’y fit remarquer par son hostilité à l’islam ce qui l’obligea à quitter l’Égypte en 1992 après que sa tête ait été mise à pris par les islamistes locaux. Il s’établit alors à Londres où il créa l’Organisation monarchiste d’Iran, dans la droite ligne de la pensée de Bahram Ariana. Partisan de la restauration de l’Empire, son mouvement déclarait combattre non seulement la République islamique d’Iran mais aussi l’islam dans son ensemble et il ne cachait pas son souhait de voir cette religion remplacée par la foi zoroastrienne. Bien que tenue à l’écart par les organisations d’exilés iraniens monarchistes, démocrates ou de gauche, du fait de ses accointances idéologiques, l’Organisation monarchiste d’Iran connut un certain essor et créa rapidement des cellules dans les principales villes iraniennes. En octobre 2007, Frood Fouladvand lui-même trouva la mort en tentant de franchir clandestinement la frontière entre la Turquie et l’Iran. Il espérait, dit-on alors, participer à une insurrection armée contre le régime des mollahs. Ses successeurs, qui ne croient pas plus que lui à une solution démocratique, n’ont pas abandonné le combat. La meilleure preuve en est les quatre condamnés à mort de Téhéran partie émergée d’un iceberg dont on ignore la profondeur…

Quoiqu’il en soit, le silence étourdissant des medias et des bonnes consciences dans cette affaire, montre une fois de plus, si besoin en était, l’hypocrisie des journalistes et des pétitionnaires professionnels qui choisissent sans vergogne les condamnés à mort qu’il est loisible de défendre et ceux qu’il convient de laisser aller à la mort sans manifester la moindre émotion.

1 – Le Livre des Rois ou Shâhnâmeh est une épopée retraçant l’histoire de l’Iran (Grand Iran) depuis la création du monde jusqu’à l’arrivée de l’Islam, en plus de 60 000 distiques écrits aux alentours de l’an mille par Ferdowsi.

Le visuel est le logo du groupe.

Article rédigé pour Rivarol en octobre 2012.

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