Dans le souci de mieux faire connaître la cause nationaliste-révolutionnaire à tous et d’abord aux militants eux-mêmes, tout comme de rappeler un héritage dont nous tirons la plus grande fierté, nous vous proposons le résumé succinct d’un complot au temps de la Révolution française. Ses participants eurent une influence fondamentale sur les premiers NR de France, ou sur de grandes figures de l’histoire nationale et sociale comme Auguste Blanqui, dont nous NR nous considérons comme les héritiers.
La « Conjuration des Egaux » est en effet un complot destiné à instaurer une société communiste en France au temps de la Révolution française. Je vais tenter ici d’en présenter les grandes lignes…
Tout commence en 1795 avec un grand homme, alors même que la Révolution semble s’être essoufflée. Ce grand homme, inspirateur et chef de la future conjuration des Egaux est Jean-Noël Babeuf, dit Gracchus Babeuf, et est originaire de Saint-Quentin, en Picardie. C’est un journaliste et un révolutionnaire fervent, assez proche des Jacobins radicaux.
Il est aussi connu en son temps pour sa ferme opposition aux massacres de Vendée ainsi que pour ses idées sociales très avancées, même parmi les révolutionnaires jacobins de son époque.
Grand lecteur de Rousseau, de Morelly et de Diderot, Babeuf est partisan de la mise en commun des outils de production, mais aussi de la suppression de la propriété privée elle-même. Sa doctrine a pu être décrite comme un « communisme agraire », dans une France encore essentiellement rurale. Il s’agit en effet de collectiviser l’ensemble des terres arables de France.
Babeuf et ses partisans (les « babouvistes ») estiment en outre que la Révolution française a été trahie par une bourgeoisie parvenue, laquelle s’est appropriée, notamment via la vente des anciens biens du clergé, un patrimoine qui pour Babeuf n’appartient de droit qu’au petit peuple de France. Babeuf veut voir la Révolution accomplir sa promesse, à savoir le passage de « l’égalité proclamée » à « l’égalité réelle ». Favorable aux Jacobins radicaux mais hostile à la Terreur, il change de prénom et choisit de s’appeler désormais « Gracchus », en référence aux Gracques, initiateurs malheureux d’une réforme agraire visant à favoriser les plus pauvres au temps de la Rome républicaine.
C’est après le 9 Thermidor, date de la chute de Robespierre, que Babeuf va agréger autour de lui un mouvement politique comptant notamment d’anciens jacobins, et qui s’auto-désignera sous le nom de « Mouvement des Egaux ».
Nous sommes comme nous l’avons dit en 1795, et à cette époque les « Thermidoriens », adversaires de Robespierre, avaient pu s’emparer du pouvoir après avoir envoyé « l’Incorruptible » à l’échafaud. Ils en profitent pour jeter aux oubliettes la Constitution très progressiste, démocratique et sociale dite de l’an I, qui n’avait jamais été appliquée du fait des guerres révolutionnaires (livrées contre une partie de l’Europe) et de la situation intérieure explosive (insurrections vendéennes et fédéralistes).
L’alliance de députés modérés qui avait chassé du pouvoir les Jacobins radicaux a cédé la place à un nouveau régime, le Directoire, en novembre de cette année.
Cependant, accusé par Tallien, l’ancien chef des Thermidoriens, d’outrage à la Convention nationale, Babeuf passe quelques mois en prison. Dès sa sortie cependant, il reprend la plume, et fait reparaître son journal Le Tribun du Peuple, dans lequel il dénonce la dérive bourgeoise de la Révolution. Fréquentant des clubs politiques républicains hostiles au Directoire, il demande que les femmes y soient admises.
Cependant le nouveau régime, constitué d’un Conseil des Cinq Cents et d’un Conseil des Anciens, enterre définitivement la Terreur et permet aux royalistes de se présenter de nouveau aux élections. Le pouvoir exécutif est réparti entre cinq directeurs, afin d’empêcher toute appropriation personnelle du pouvoir. Renouvelé partiellement et fréquemment, ce Directoire voit s’imposer la figure de Paul Barras, l’un des principaux artisans de la chute de « l’Incorruptible ».
La répression s’accentue contre les oppositions jugées dérangeantes : un des plus fameux clubs, celui du Panthéon, est fermé de force en janvier 1796. Babeuf entre alors dans la clandestinité.
Parmi les camarades de route de Babeuf, avides comme lui de Révolution sociale, se distinguent particulièrement Philippe Buonarroti et Sylvain Maréchal. C’est eux qui perpétueront son héritage idéologique après sa mort. Avec lui et quelques autres, il coordonne les activités des babouvistes à Paris et en province.
Alors que les babouvistes construisent leurs réseaux jusque dans l’armée pour préparer leur coup de force, le Directoire s’affole. Inquiet des progrès de la propagande égalitaire et anti-bourgeoise des babouvistes, le Directoire dissout, le 2 mai 1796, la légion de la police. Il redoutait en effet son indiscipline, qui aurait pu mener à une sédition. Sera aussi décidé que toute apologie de la Constitution de l’an I serait punie de mort.
Jésus fut trahi par Judas, dit-on. Babeuf lui aussi eut son Judas. Il s’agit de Georges Griesel. Membre de la conjuration mais en réalité indicateur de police, il trahit les babouvistes et révèle au gouvernement l’identité des membres de l’ensemble des réseaux.
Lazare Carnot, à cette époque membre du Directoire, lance 245 mandats d’arrêt contre les comploteurs démasqués. Le 10 mai, Babeuf est arrêté. De peur qu’une émeute populaire ne tente de les libérer, les autorités font transférer les babouvistes arrêtés à Vendôme. Survient alors l’incident dit du « Camp de Grenelle », une tentative de soulèvement raté qui n’a pour résultat que l’exécution de fidèles de Babeuf.
Babeuf lui sera condamné à mort, puis guillotiné le 27 mai de l’année suivante. Il avait tenté de se suicider la veille, et c’est agonisant qu’il est amené à l’échafaud. Certains de ses camarades, comme Augustin Darthé, le suivent dans la tombe.
Buonarroti sera condamné à la déportation. Maréchal parviendra à échapper aux forces de l’ordre. C’est notamment grâce à leurs témoignages et grâce à leur consignation par écrit des faits et gestes de Babeuf, que son œuvre fut conservée. Et jusque dans les années 1840, des groupes classés très à gauche sur l’échiquier politique se réclameront de Babeuf et du programme de réforme économique, social et politique diffusé par les Egaux, le « Manifeste des Egaux ».
L’apogée de cette influence s’observe sans doute dans les années 1830, au sein de la « Société des droits de l’Homme », un cercle républicain et jacobin, diffusant les idées de Babeuf et de ses camarades de lutte.
Buonarroti, au soir de sa vie, va y assurer la formation politique de la future génération de ceux que l’on nomme désormais les « socialistes », comme les jeunes militants Louis Blanc ou François-Vincent Raspail. Il formera aussi Auguste Blanqui, celui dont l’influence et la postérité seront les plus grandes au sein du mouvement socialiste en France et dont la doctrine, le « blanquisme » a pu été décrite par des historiens comme Marc Crapez comme un « néo-babouvisme », en particulier dans les modalités pratiques et organisationnelles du coup de force révolutionnaire. Le blanquisme lui-même ne disparaît définitivement qu’au début du XXe siècle.
Bien que selon l’universitaire Claude Mazauric, le babouvisme ne soit pas l’ancêtre direct du marxisme, cela n’empêchera pas les deux plus célèbres théoriciens du socialisme scientifique, Karl Marx et Friedrich Engels, de reconnaître en Babeuf un précurseur du combat communiste, et les Egaux comme le « premier parti communiste agissant de l’Histoire ».
Vincent Téma, le 28/06/2023.