La Phalange contre Franco (2)

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Le décès à 93 ans, le 12 décembre 2016, de Ceferino Maestú est passé inaperçu. Rare sont les périodiques qui l’ont signalé, encore plus rare sont ceux qui ont relevé que ce phalangiste historique avait été emprisonné à plusieurs reprises sous l’État franquiste. Contradiction ? Non pas, Ceferino Maestú était simplement un de ces phalangiste qui, dès 1937, avaient choisi, au nom de l’idéal originel de la Phalange des JONS, de s’opposer, au péril de leurs vies, à la dictature du général Franco.

Au début de l’année 1936, la Phalange des JONS est un mouvement de petite taille : elle compte moins de 10 000 membres et seulement 40 000 électeurs lui accordent leurs voix aux élections de février. Cependant, son activisme inquiète les autorités républicaines et, le 14 mars, le Directeur général de la sécurité ordonne l’arrestation de son bureau politique ainsi que la fermeture de toutes ses permanences.

Ainsi, quand la Guerre d’Espagne débute, le 18 juillet, tous les principaux cadres de la Phalange sont emprisonnés. Si elle fait alors soudain le plein de membres et si elle lève d’efficaces milices, sa structure est réduite à néant. Pour la reconstituer, se tient, le 2 septembre, à Valladolid, un conseil national qui nomme Manuel Hedilla à la tête du mouvement.

D’origine populaire et ancien syndicaliste, Hedilla restructure la Phalange. Le maximum d’effort possible est fait pour que la fin de la guerre amène avec elle le triomphe du national-syndicalisme et que la victoire finale ne soit pas confisquée par les forces de la réaction. De plus Hedilla entend être fidèle aux consignes données, de sa prison, par Primo de Rivera le 20 juin : « Les alliances avec d’autres organisations se feront uniquement sous la direction de la Phalange et non sous celle d’un comité, d’une junte mixte ou d’un système de partage d’influence par zones. »

Or telle n’est pas l’idée du général Franco qui veut créer un parti unique rassemblant tant les diverses forces de droite, que les carlistes et les phalangistes. Le 22 décembre 1936, son Quartier Général publie un décret unifiant les milices sous le commandement des officiers de l’Armée. La liberté d’action de la Phalange commence de ce fait à être sérieusement restreinte. Dans le même temps des affrontements se produisent en son sein, avec mort d’hommes, entre éléments réactionnaires favorables à Franco et partisans d’Hedilla. Finalement, le 19 avril 1937 est publié le décret par lequel, la Phalange, les carlistes, l’Action Espagnole et la Rénovation Espagnole, sont dissous et obligés de fusionner dans un nouveau parti la Falange Española Tradicionalista y de las Juntas de Ofensiva Nacional-Sindicalista.

Au front les milices sont déjà unifiées et cela est accepté comme un fait naturel. Parmi les politiques, l’affaire se passe moins bien. Les carlistes y sont hostiles et leur leader, Fal Conde, est emprisonné. Avec les phalangistes c’est pire : les 24 et 25 avril les principaux dirigeants de la Phalange qui ont manifesté leur hostilité à l’unification sont arrêtés et traduits devant un Conseil de guerre. Les peines sont lourdes : Hedilla et trois dirigeants phalangistes de premier plan sont condamnés à la peine de mort (plus tard commuée en prison à perpétuité), onze autres à de lourdes peines de prison. Cependant, dès la fin de 1937, des tracts attaquant le décret d’unification et signés Phalange espagnole authentique, commencent à apparaître. Ils sont le fait d’un groupe dirigé par Gonzalez de Canales, Narciso Perales et Emilio Rodriguez Tarduchy.

La Guerre Civile terminée, en novembre 1939, il est créé une Junte politique qui dirige d’une manière collégiale l’action clandestine des phalangistes authentique. Sont élus président Emilio Rodriguez Tarduchy, secrétaire général Patricio Gonzalès de Canales et responsable du financement José Antonio Pérez de Cabo.

Par ailleurs, le colonel Juan Yagüe Blanco, a lui aussi organisé un groupe d’opposants. En 1940, la Junte politique décide d’entrer en contact avec lui, en vue d’unir les deux organisations. C’est un échec car les deux groupes ont des idées très différentes sur la stratégie à suivre : la Junte politique est avant tout antifranquiste et envisage un coup d’État, Yagüe n’est pas hostile à Franco mais au contrôle de l’Espagne par les partis de droites et il ne veut constituer qu’un groupe de pression. Finalement, Yagüe est promu et se rallie au régime.

Il ne reste donc que la Phalange authentique dont les effectifs ne dépassent pas les 4 000 membres. Rodriguez Tarduchy et Gonzalez de Canales cherchent alors un soutien auprès d’États étrangers. L’Angleterre, la France et l’Italie ne donnent pas de suite. Seule l’Allemagne se déclare intéressée et maintient des relations discrètes avec les authentiques jusqu’à la fin de février 1941.

Dans le même temps Rodriguez Tarduchy et Gonzalez de Canales comprennent que la Junte est vouée aux actions violentes, si elle veut en terminer avec la falsification de la Phalange. À la fin de 1940, ils envisagent d’assassiner Serrano Suñer, avant de choisir comme cible Francisco Franco. Diverses tentatives de magnicides font long feu et, en 1942, la répression emporte la Phalange authentique. Perez de Cabo est fusillés, Gonzalez de Canales est emprisonné et Narciso Perales relégué…

Il faut alors attendre vingt années, pour que renaissent, souvent avec les mêmes hommes à leurs têtes, des groupuscules phalangistes antifranquistes : le Frente Nacional del Trabajo en 1963 avec Ceferino Maestú et Narciso Perales, le Frente Sindicalista Revolucionario en 1966 avec Manuel Hedilla et Narciso Perales, la Falange Española de las JONS (Auténtica) en 1976 avec Miguel Hedilla (le fils de Manuel) et Narciso Perales.

Après une période de grande activité et d’important militantisme, ce courant politique a cependant maintenant quasiment disparu même s’il existe toujours une Falange Española Auténtica qui compte quelques élus communaux.

Article rédigé pour Réfléchir et agir en septembre 2016.

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