Lawrence Dennis est un écrivain et un théoricien politique américain qui se fit connaître dans les années 1930 comme l’un des principaux défenseurs du fascisme aux États-Unis. Il a beaucoup écrit sur des sujets tels que l’économie, la politique étrangère et les relations raciales, et ses œuvres continuent d’être étudiées aujourd’hui par les universitaires et les théoriciens politiques. Alors que certains le considèrent comme une figure controversée prônant des politiques discriminatoires, d’autres voient en lui un penseur complexe et nuancé dont les idées méritent d’être sérieusement analysées. Dans cet article, nous allons découvrir la vie et les idées de Lawrence Dennis et examiner son impact sur la pensée politique américaine.
Lawrence Dennis est né à Atlanta, en Géorgie, le 25 décembre 1893, d’une mère ancienne esclave et d’un père blanc. Il a été élevé dans une famille baptiste et est resté un fervent chrétien tout au long de sa vie. Dans ses opinions politiques ultérieures, il s’est souvent appuyé sur des principes et des valeurs chrétiennes, comme l’idée de justice sociale et l’importance de la responsabilité individuelle. Il est possible que Lawrence Dennis se soit déclaré comme « Blanc » afin d’obtenir les avantages sociaux et économiques auxquels les « Noirs » n’avaient pas accès à l’époque, compte tenu du racisme et de la discrimination qui existaient dans la société nord-américaine. Cependant, il est également possible qu’il se soit identifié plus fortement à son héritage euro-américain et qu’il ait choisi de minimiser son ascendance afro-américaine pour des raisons personnelles. Sa famille était pauvre et il a dû travailler dès son plus jeune âge pour subvenir à ses besoins. Malgré cela, il était un excellent élève et a pu s’inscrire à Georgia Tech, où il a suivi des cours d’ingénierie pendant deux ans, avant de rejoindre l’université d’Harvard pour y étudier l’économie et les sciences politiques.
Certaines personnes qui ont connues Dennis l’ont décrit comme un homme charismatique, intelligent et cultivé, doué pour les arguments persuasifs. Il était connu pour son esprit vif et sa capacité à remettre en question les idées reçues. Cependant, d’autres ont trouvé qu’il était difficile de travailler avec lui ou de le côtoyer, le décrivant comme égoïste, arrogant et sujet à des accès de colère. Ils assurent aussi qu’il pouvait être conflictuel et qu’il était connu pour être rancunier envers ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui ou qui l’avaient contrarié d’une manière ou d’une autre. Il a aussi été décrit comme s’exprimant d’une manière cultivée et raffinée qui ne correspondait pas à celle qu’on attendait d’un afro-américain et ce qui facilitait grandement son identification en tant que Blanc.
Diplômé de Harvard en 1916, Dennis travailla brièvement comme journaliste avant de servir dans l’armée américaine pendant la Première Guerre mondiale. Cantonné en France, il fut agent de liaison entre les armées américaine et française. Après la guerre, Dennis rentra aux États-Unis et travailla comme rédacteur et consultant en relations publiques pour plusieurs grandes entreprises, dont General Electric et Standard Oil, puis il devint, à Wall Street, un prospère banquier d’affaires et courtier en valeurs mobilières connu pour sa capacité à identifier les actions sous-évaluées et à analyser les tendances du marché. Il épousa une femme blanche, Margaret Case, en 1925 et construisit un couple qui dura jusqu’à ce que la mort sépare les deux époux.
Dans les années 1930, il devint un défenseur du fascisme et il écrivit plusieurs livres sur le sujet, dont The Coming American Fascism et Is Capitalism Doomed ? Les facteurs qui ont influencé son engouement pour le fascisme sont complexes et multiples. L’un d’entre eux est la désillusion de Dennis à l’égard de la démocratie libérale à la suite de la Grande Dépression. Il pensait que la démocratie était un système imparfait, vulnérable à la corruption, à l’incompétence et à la loi du plus fort et que les États-Unis avaient besoin d’un gouvernement fort et centralisé, capable de résoudre efficacement les problèmes du pays et de le protéger contre les menaces internes et externes. Ses réflexions l’avaient conduit à penser que le fascisme était un système de gouvernement plus efficace et plus efficient que la démocratie libérale et qu’il offrait une solution aux problèmes économiques et politiques de l’époque. Cela était dû à sa perception de la réussite de l’Italie sous Mussolini. Dans les années 1920 et 1930, le gouvernement fasciste de Mussolini en Italie était considéré par beaucoup comme un modèle d’efficacité et de force. Alors que de nombreux autres pays étaient économiquement en ruine, l’Italie n’avait pas été touchée par la dépression économique. Tout au contraire, le gouvernement de Mussolini avait réussi à améliorer l’économie, les infrastructures et l’armée du pays. Dennis, qui visita l’Italie dans les années 1920 et plus tard dans les années 1930, fut impressionné par ce qu’il vit. Il pensait que le gouvernement fasciste avait été capable de transformer l’Italie en une nation moderne et puissante, et il pensait que les États-Unis pourraient tirer profit de l’adoption d’une politique similaire.
La solution qu’il proposait face à la dépression économique était, bien sûr, la solution fasciste typique : le corporatisme. Il s’agit d’un système d’organisation économique qui met l’accent sur le rôle des syndicats dans la gestion de l’économie. Dennis pensait que les entreprises (syndicats/guildes) devaient être organisées en groupes fonctionnels représentant les différents secteurs de l’économie, tels que l’agriculture, l’industrie manufacturière et les transports. Ces groupes seraient responsables de la gestion de leurs secteurs respectifs de l’économie et travailleraient ensemble pour coordonner l’activité économique et s’assurer que les besoins de la nation seraient satisfaits. Dans un système corporatiste, le gouvernement jouerait un rôle important dans la régulation de l’activité économique et travaillerait en étroite collaboration avec les groupes d’entreprises pour s’assurer que la politique économique servirait bien les intérêts de la nation dans son ensemble. Dennis pensait que ce système serait plus efficace que le capitalisme, qu’il considérait comme trop axé sur le profit individuel et dépourvu de responsabilité sociale.
Dennis voyait dans le corporatisme un moyen de promouvoir une plus grande harmonie sociale et une plus grande unité, et il pensait qu’il pouvait contribuer à créer une économie plus stable et plus durable. Il estimait que le système corporatiste pouvait être adapté aux besoins des différents pays et qu’il pouvait apporter une solution aux problèmes de la démocratie et du capitalisme : « Le corporatisme est un système d’organisation économique qui met l’accent sur l’importance des grandes unités économiques, et en particulier de l’entreprise, dans la conduite des affaires économiques. Le système corporatiste est adaptable à différents pays et à différents systèmes économiques, et peut contribuer à créer une plus grande harmonie et unité sociales.” (Lawrence Dennis, The Coming American Fascism) “Le corporatisme n’est pas un système de laissez-faire capitaliste, mais plutôt un système qui met l’accent sur la responsabilité sociale des entreprises et sur la nécessité d’une coordination et d’une coopération entre les différents secteurs de l’économie. Le corporatisme peut apporter une solution aux problèmes de la démocratie et du capitalisme en créant un système d’organisation économique plus efficace et plus performant, au service des besoins de la population.” (Lawrence Dennis, The Dynamics of War and Revolution).
Lawrence Dennis fut d’abord été un partisan de Franklin D. Roosevelt et du New Deal. Dans les années 1930, il loua les efforts de Roosevelt pour stimuler l’économie et créer des emplois grâce à des programmes de dépenses publiques tels que la Works Progress Administration et le Civilian Conservation Corps. Dennis était particulièrement favorable aux politiques économiques de Roosevelt, qu’il jugeait nécessaires pour faire face à la profonde crise économique de l’époque. Il voyait dans le New Deal un moyen de restaurer la confiance dans l’économie américaine et de créer une société plus stable et plus prospère. Il considérait le New Deal comme une forme de corporatisme, car il visait principalement à promouvoir les intérêts d’une économie plus centralisée. Cependant, au fil du temps, Dennis devint de plus en plus critique à l’égard de Roosevelt et du New Deal.
Lawrence Dennis rencontra Adolf Hitler en 1933. À l’époque, Dennis travaillait comme journaliste et il se rendit en Allemagne pour faire un reportage sur la montée du nazisme. Au cours de sa visite, il put obtenir une interview d’Hitler qui fut publiée dans plusieurs journaux américains. Dans cet entretien, Dennis exprime son admiration pour Hitler et sa politique, mais des critique y figurent également pour ses aspects trop extrêmes. Suite à la parution de l’interview, Dennis protesta affirmant qu’il avait été déformé par les journaux américains et que son opinion avaient été trahie, des modifications ayant été faites pour faire passer un message plus anti-hitlérien que ce que comportait l’entretien originel. Les citations suivantes tirées du verbatim de l’interview montrent bien que les journaux américains ont menti : « Je ne nie pas que j’ai été très impressionné par ce que j’ai vu de votre pays, de votre peuple et de vos réalisations… Je crois que l’Allemagne a en elle le pouvoir de devenir la plus grande nation du monde. (…) Je pense qu’il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites aux États-Unis en suivant les lignes qui ont été développées ici sans aller jusqu’aux extrêmes qui ont été nécessaires en Allemagne. Je ne pense pas que le régime nazi soit nécessairement le modèle à suivre en Amérique. Je pense qu’il existe de nombreuses différences dans les problèmes auxquels sont confrontés les deux pays. » (Entretien Hitler-Dennis, in Lawrence Dennis, The Dynamics of War and Revolution)
Lawrence Dennis pensait que la solution aux problèmes raciaux en Amérique consistait à créer un « État nègre » séparé et distinct, qui serait établi sur un territoire à l’intérieur des États-Unis. Il pensait que cela donnerait aux Noirs américains la possibilité de développer leur propre culture et leurs propres institutions, à l’abri de l’influence de la société blanche. Dennis y voyait un moyen de remédier aux tensions et aux inégalités raciales qui existaient aux États-Unis, et pensait que cela conduirait à une plus grande harmonie sociale et à une plus grande stabilité. Il pensait également que cela profiterait à la fois aux Noirs et aux Blancs, car cela permettrait à chaque groupe de poursuivre ses propres intérêts et de développer sa propre société.
Le point de vue de Dennis sur les juifs fut au départ une admiration pour leur culture et leur intellectualisme, mais il en vint, par la suite, à les considérer comme une menace pour la société et la culture américaines. En raison de ce qu’il considérait comme l’influence juive dans la politique et la culture américaines, il pensait qu’ils étaient responsables de la promotion du communisme et d’autres formes d’idéologies subversives, et il plaida pour des lois strictes en matière d’immigration et de citoyenneté afin de limiter l’influence juive aux États-Unis. Dans ses écrits et ses discours, Dennis parle souvent du contrôle exercé par les juifs sur les médias, la finance et d’autres aspects de la vie américaine.
Dennis s’associa à Charles Lindbergh à la fin des années 1930, lorsque ce dernier s’impliqua dans l’America First Committee (AFC), un groupe qui s’opposait à l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. L’AFC fut fondé en 1940 et Lindbergh en devint l’un des principaux porte-parole. Dennis était déjà un intellectuel et un auteur connu à l’époque, et il utilisa ses relations avec l’AFC pour se rapprocher de Lindbergh. Dennis voyait en Lindbergh un puissant symbole du nationalisme américain et de l’anti-interventionnisme, et il usa de son influence pour façonner les opinions politiques de Lindbergh. Dennis utilisa ses compétences intellectuelles et rhétoriques pour influer sur le contenu des discours et des déclarations publiques de Lindbergh, et il devint le plus fiable de ses conseillers. Dennis pensait alors que les États-Unis devaient poursuivre une politique d’isolationnisme et éviter de s’impliquer dans les conflits européens. Il soutenait que la guerre n’était pas dans l’intérêt national des États-Unis et que l’engagement serait coûteux et préjudiciable à la société et à la culture américaines.
Dennis était un critique virulent de la politique étrangère du président Franklin D. Roosevelt. Il le considérait comme un belliciste qui entraînait les États-Unis dans un conflit coûteux et inutile. Dans son livre The Dynamics of War and Revolution, Dennis affirma que Roosevelt poussait les États-Unis vers la guerre afin de détourner l’attention de ses échecs intérieurs et de promouvoir son propre programme politique. Il estimait que Roosevelt utilisait la propagande et les fausses informations pour manipuler l’opinion publique et justifier l’engagement des États-Unis dans la guerre. Dennis critiquait également, à cette époque, les politiques économiques de Roosevelt, en particulier le New Deal, qu’il considérait maintenant comme une menace pour l’individualisme américain et la libre entreprise. Il pensait que Roosevelt utilisait la guerre comme prétexte pour étendre le pouvoir du gouvernement fédéral et pour éroder les libertés individuelles, et qu’il était de connivence avec les communistes pour détruire le mode de vie américain.
Après Pearl Harbor, Dennis soutint que le président Franklin D. Roosevelt avait délibérément provoqué l’attaque de Pearl Harbor afin de justifier l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Pour ce faire, il avait mené une politique de sanctions économiques et d’aide militaire à la Grande-Bretagne et à ses alliés dans les années précédant la guerre. Il affirma que Roosevelt avait l’intention d’impliquer les États-Unis dans la guerre, mais qu’il s’était heurté à l’opposition du Congrès et de l’opinion publique américaine. Selon Dennis, Roosevelt avait délibérément laissé les forces navales américaines dans le Pacifique vulnérables aux attaques en envoyant les porte-avions hors du port et en ne laissant que les vieux cuirassés comme cibles à Pearl Harbor. Il écrivit également que Roosevelt avait été averti de l’imminence de l’attaque, mais qu’il l’avait délibérément ignorée afin de créer un prétexte à l’entrée en guerre des États-Unis.
Dennis travailla aussi avec le père Charles Coughlin, un prêtre catholique et une personnalité de la radio qui était un éminent critique de la politique de Roosevelt et du New Deal. Tous deux considéraient le New Deal comme une menace pour la société américaine dans son ensemble. Coughlin était connu pour ses émissions de radio enflammées, dans lesquelles il critiquait les politiques économiques de Roosevelt et appellait à une approche plus nationaliste et populiste. Dennis partageait avec lui de nombreux points de vue sur la politique et la société. Outre Coughlin, Dennis entretenait des liens étroits avec diverses organisations et personnes associées au mouvement fasciste américain, telles que la Silver Legion of America. étant un proche de son leader William Dudley Pelley et écrivant pour son magazine, Liberation. Dennis prit aussi la parole lors de rassemblements et événements du German American Bund. De plus, il était un ami proche du poète Ezra Pound, qui était un fervent partisan du fascisme.
En juillet 1942, il fut, avec trente autres personnalités sympathisantes des pays de l’Axe, inculpé pour violation du Smith Act, dans ce qui fut le plus grand procès pour sédition aux États-Unis. Celui-ci s’inscrivait dans le cadre d’une vaste campagne menée par le gouvernement américain pour réprimer les groupes fascistes et pro-nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Bien que le procès ait abouti à plusieurs condamnations, dont celle de Pelley, la plupart des accusés furent finalement acquittés ou virent les charges retenues contre eux abandonnées. Dennis fut acquitté, mais le procès nuisit à sa réputation et il fut largement marginalisé dans les cercles politiques. Le fait qu’il ait caché son ascendance noire, qui fut révélée au public lors de ce fiasco juridique, contribua à ternir sa réputation. Il continue cependant à écrire et à s’exprimer sur des questions politiques telles que la guerre froide. Ses opinions étaient devenues plus modérées et moins explicitement fascistes. Il critiqua l’ambiance de la guerre froide et l’hystérie anticommuniste qui caractérisait la politique américaine de l’après-guerre. Il collabora dans le même temps au magazine The National Renaissance, organe du National Renaissance Party, un groupe proche de la pensée de Francis Parker Yockey, fondé par James H. Madole en 1949. Dans les années 1950, il écrivit une série de textes prônant une politique étrangère non interventionniste, influençant ce qui allait devenir le paléo-conservatisme américain. Ainsi Patrick Buchanan a cité Dennis comme l’une de ses premières influences intellectuelles et a fait l’éloge de ses écrits sur la politique étrangère et l’économie. Sam Francis fut un fervent défenseur du « corporate statism » de Dennis. Paul Gottfried lui a attribué le mérite d’avoir contribué à façonner sa propre réflexion sur le rôle de l’État dans la société. Son influence s’est également étendue à James Burnham, qui a été profondément influencé par ses opinions en matière d’économie et de politique étrangère.
En ce qui concerne l’Holocauste, il rejeta l’idée que celui-ci s’était produit comme on l’entend généralement, et affirma au contraire qu’il s’agissait d’un mythe de propagande créé par les dirigeants juifs pour promouvoir leurs propres intérêts, écrivant ainsi : « L’Holocauste est un mensonge, un mythe, un coup de propagande pour justifier la création de l’État d’Israël et extorquer des milliards de dollars de réparations à l’Allemagne. » (Lawrence Dennis, The Operational Code of The Politburo).
Pour toutes ces raisons, Dennis resta en marge de la société américaine jusqu’à sa mort, le 20 août 1977 à Palm Beach, en Floride.
Dans l’ensemble, cette citation résume bien sa vie : « Lawrence Dennis a tracé une voie singulière au sein du protofascisme américain de l’époque de la Grande Dépression. Ancien combattant et diplômé de l’Ivy League, Dennis était un intellectuel respectable et digne au milieu d’antisémites enragés tels que William Dudley Pelley et James True. Sa respectabilité a permis à Dennis d’être pris au sérieux dans de larges cercles, et il a acquis une réputation de « théoricien » du fascisme américain. Dennis réussit à survivre à la débâcle du procès pour sédition de masse de 1944 en conservant son statut, émergeant dans la période d’après-guerre comme un porte-parole influent des conservateurs non interventionnistes. Les partisans de Dennis ignoraient cependant que l’homme qui avait rencontré Charles Lindbergh et Adolf Hitler avait commencé sa vie en tant qu’« enfant prédicateur noir ». Avant d’entrer à la Phillips Exeter Academy, Dennis commença à se considérer comme un Blanc – une façade qu’il maintaint jusqu’à sa mort ». (Gerald Horne, The Color of Fascism : Lawrence Dennis, Racial Passing, and The Rise of Right-Wing Extremism In The United States).