Le jour suivant l’arrivée d’Hitler au pouvoir le 30 janvier 1933, William Dudley Pelley fonda la Silver Legion of America [Légion d’Argent d’Amérique]. Elle devait devenir le plus formidable mouvement fasciste natif aux USA, s’attirant la haine du président Roosevelt et le soutien de célébrités comme Charles Lindbergh et Walt Disney.
ARRIERE-PLAN
Bien que Pelley ait été autrefois l’un des plus éminents auteurs et scénaristes d’Amérique, son nom a été consigné dans le « trou de mémoire » à cause de son adhésion aux doctrines vraiment révolutionnaires.
Il était né dans le Massachusetts en 1890 au milieu d’une extrême pauvreté. Tout en travaillant comme travailleur mal payé il lisait avec zèle, et à 18 ans il fut embauché comme reporter junior dans un journal local. Il se fit bientôt une réputation comme journaliste et commença à apparaître dans des grands journaux comme « Colliers ». A 19 ans, Pelley lança son propre périodique, « The Philosopher ». Ici ses intérêts métaphysiques émergeaient déjà : il croyait que la vie terrestre n’était qu’une « école maternelle » avant une vie sur un « plan supérieur » après la mort. Il condamnait aussi déjà l’avidité du Big Business et faisait l’éloge du travail. Il pensait que tous les citoyens devaient être les « actionnaires de la richesse nationale ».
En 1918, Pelley fut envoyé en Russie comme « courrier consulaire » par le gouvernement US. Il fut aussi nommé Second Lieutenant par la YMCA [1] dans son programme d’aide à la Sibérie qui était dévastée par la guerre civile après l’arrivée du bolchevisme. Ses expériences en Russie transformèrent Pelley « d’un écrivain inclassable en un croisé brutal », comme il le dit. Pendant deux ans il parcourut près de 13.000 km à travers la Russie, l’Extrême-Orient, l’Asie et jusqu’au Japon. Il fut témoin des atrocités bolcheviques et remarqua la domination juive dans le communisme, rencontrant de nombreux commissaires juifs.
Pendant le voyage de retour aux USA, Pelley écrivit sa première nouvelle, « The Greater Glory ». A son retour, il donna des conférences et écrivit abondamment contre le communisme, tout en soutenant la cause de la justice sociale. Il rencontra et devint ami avec d’importants officiels des services de renseignements du Département d’Etat qui avaient établi une documentation sur l’implication juive dans le communisme.
Sa carrière littéraire continua à progresser. Le producteur Jules Brulatour fit un film à partir d’un manuscrit de Pelley, « The Light in the Dark ». Le thème était les pouvoirs transformateurs d’une coupe magique. Un rôle joué par Lon Chaney fit sa renommée, son rôle suivant étant celui du bossu de Notre-Dame. Chaney et Pelley devinrent de très bons amis, et il connut d’autres célébrités comme Rudolph Valentino. De 1921 à 1928, Pelley écrivit ou supervisa 21 scénarios de films.
EXPERIENCE MYSTIQUE
Epuisé par un excès de travail, Pelley se retira dans les montagnes de la Sierra Madre en Californie pendant l’année 1927. Là il médita sur le besoin de « tenir compte de son âme ». Pendant la nuit du 28 mai, il connut une expérience mystique qui devait changer son destin. En s’endormant alors qu’il était en train de lire, il commença à crier : « Je meurs, je meurs ! ». Il se sentit tourbillonner à travers l’espace et se retrouva devant deux hommes se tenant sur une plate-forme de marbre blanc. Ces êtres astraux lui dirent que le corps était un « vêtement » de l’esprit. Il parla de son expérience mystique dans « My Seven Minutes in Eternity » qui se vendit en 90.000 exemplaires. Il écrivait que des événements synchroniques survenaient dans la vie des gens, les reliant tous à un Plan métaphysique. L’expérience rajeunit Pelley à la fois mentalement et physiquement, mais il fut incapable de revenir dans l’atmosphère juive de Hollywood. Au contraire, en 1930 il lança le magazine « Liberation », et transmit des articles reçus de la « voix mentale » d’un « Maître » astral.
ECOLE PSYCHIQUE
En 1932, Pelley créa le « Galahad College » en Caroline du Nord. En même temps que ses cours sur la vraie nature du système financier et les théories de réforme économique, les étudiants apprenaient l’« Histoire Ethique » qui étudiait les civilisations et les cultures incluant celles de la Lémurie, des Mayas, et de l’Atlantide. Les étudiants apprenaient à recevoir des communications psychiques, la clairvoyance et la « clairaudience ». Les « mathématiques cosmiques » enseignaient les lois de la vibration individuelle et collective. Pelley parlait de ses expériences astrales, où son âme avait quitté son corps et avait « voyagé et avait été vue à près de 5.000 km de là ». La perspective cosmique était une sorte de dualisme gnostique qui reconnaissait une bataille cosmique entre « les facteurs lumineux et obscurs » dans l’histoire. Les races étaient également vues en termes ésotériques, les Aryens ayant « cosmiquement atteint quelque chose que les Asiatiques sémitiques n’avaient pas atteint ».
Pelley parlait de Maîtres cachés ici en des termes rappelant diverses écoles occultes ; des voix invisibles d’« instructeurs vivants ». Ils transmettaient des instructions sur la manière d’ouvrir le centre psychique. Pelley parlait de l’éveil du troisième œil ou glande pinéale qui pouvait projeter sa « propre force » dans l’aura d’un autre. « Ce moment est précieux dans les phénomènes occultes et peut être atteint constamment par les hommes et les femmes se mettant en accord avec les attraits de l’amour sans les effets dévitalisants de la passion ». La doctrine semble être une réminiscence des écoles ésotériques orientales avec lesquelles Pelley aurait pu entrer en contact durant ses voyages en Asie. Les gens désirant se perfectionner pouvaient, « avec la pratique de certains rites, éveiller les sens endormis et voir au-delà du connu jusque dans l’inconnu. L’une des capacités … doit être d’entrer et de sortir du mécanisme physique à volonté, afin d’être l’instrument parfait ».
Ainsi le Galahad College semble avoir fonctionné comme une école pleinement ésotérique.
Les sens éveillés permettraient à l’adepte de commander les autres « par le pouvoir de la pensée ».
La conception de l’« idée-Christos » était, en tant que « Principe Créateur », un « Esprit Avatar ». Le plan pour un nouvel ordre avait été préparé par ceux qui avaient des pouvoirs prophétiques.
CHEMISES D’ARGENT
Le jour suivant l’entrée en fonctions d’Hitler, Pelley fonda la Légion d’Argent pour donner une forme militante à ses doctrines. Les membres portaient une chemise grise avec un grand « L » rouge sur le cœur, représentant l’amour [Love] de la race aryenne, la loyauté [Loyalty] envers la République américaine, et la libération [Liberation] vis-à-vis de la finance juive. [2]
Des milliers de chômeurs et de vétérans rejoignirent Pelley. Ils vendirent « Liberation » dans les rues, se battant avec les bandes juives et communistes. A la fin de l’année, des unités avaient poussé dans toute l’Amérique. Pelley découvrit qu’il était aussi bon orateur qu’il était écrivain. Quand le corps de tambours et de clairons de la Légion annonçait les rassemblements des Chemises d’Argent [Silver Shirts], Pelley évoquait des images d’une nouvelle Chevalerie [3]. En 1934, la Légion avait 25.000 membres et 50.000 supporters. Les Représentants [du Congrès] Thorkelson et McFadden parlèrent courageusement à la tribune de la Légion d’Argent devant de vastes audiences. Bien que la Légion avait un QG en Caroline du Nord et de nombreux bureaux locaux, le « Chef » dirigeait la Légion depuis sa voiture, parcourant continuellement le pays, parcourant plus de 30.000 km chaque année. En 1940, la Légion avait atteint les 100.000 membres.
Pelley était vu par Roosevelt et sa coterie juive comme une menace réelle. Roosevelt avait ordonné au Procureur général Murphy de harceler les Chemises d’Argent. Leur QG fut visité par la police, la propriété et les équipements confisqués et les résidents arrêtés sur des accusations, qui furent toutes rejetées après des procédures prolongées et coûteuses. Néanmoins, la propriété ne fut pas restituée. Pelley fut ensuite accusé de fraude fiscale, et écarter cette accusation coûta aussi beaucoup d’argent. Le harcèlement avait effectivement stoppé la campagne de Pelley pour l’élection présidentielle de 1940, et il se concentra donc sur la dénonciation du bellicisme de Roosevelt contre le Japon et l’Allemagne, et s’associa à de nombreux groupes et personnalités anti-guerre comme le colonel Lindbergh et le général Van Horn Moseley. Le mouvement « America First », comme il fut appelé, fut un succès, et seulement une semaine avant Pearl Harbour les sondages d’opinion montraient que les trois quarts des gens s’opposaient aux guerres à l’étranger. Pelley accusa Roosevelt d’avoir provoqué l’attaque japonaise. Avec la déclaration de guerre, Pelley sentit qu’il n’avait pas d’autre choix que de dissoudre la Légion d’Argent et de cesser les publications. Découragé, il rejoignit sa seconde femme dans une petite ville de l’Indiana. Sa femme et d’autres camarades le persuadèrent de continuer. Il demanda l’assurance au Procureur Général Biddle qu’il serait autorisé à publier ses idées tant qu’elles ne saperaient pas l’effort de guerre. Biddle donna sa parole.
« Roll Call » fut lancé avec des positions ouvertement favorables à l’Axe. Il envoya des exemplaires à Biddle, qui était sûr que Pelley serait impuissant parmi l’hystérie pro-guerre. Mais « Roll Call » était populaire, et touchait de nombreux mobilisés. Avec des informations de première main, Pelley publia la vérité sur les véritables dégâts causés à la flotte américaine à Pearl Harbour, que Roosevelt avait minimisés. Roosevelt était furieux et demanda que Pelley soit inculpé sous l’Espionnage Act de 1917, pour « dissémination de fausses informations ». La majeure partie de l’accusation fut abandonnée quand la défense menaça de révéler les mensonges de Roosevelt. Le membre du Congrès, Thorkelson, et le colonel Lindbergh témoignèrent en faveur de Pelley, mais il fut condamné à 15 ans de prison. Le juge Baltzell qualifia Pelley de « particulièrement dangereux à cause de son esprit ingénieux ».
Pelley ne fut pas libéré sur parole avant 1950, et de mauvaise grâce et à cause de pressions, à la condition qu’il ne participerait à rien de politique. Les restrictions ne furent pas levées avant 1957.
Pelley et sa famille lancèrent « Soulcraft Press and Valor Magazine », qui fut publié avec succès pendant douze ans. Le magazine traitait de sujets métaphysiques et mystiques. Il contribua à fonder le mouvement « I AM » qui croyait au contact avec les extraterrestres, Pelley soutenant lui-même que la race aryenne était d’origine extraterrestre, une croyance qu’on peut retrouver chez de nombreux fascistes et hitlériens de tendance ésotérique.
Pelley mourut pacifiquement pendant son sommeil le 1er juillet 1967, n’ayant jamais regretté la bataille qu’il avait menée, la considérant comme faisant partie d’un But Supérieur.
Article publié dans « The Nexus », N° 5, août 1996.
NDT :
[1] YMCA : Young Men’s Christian Association ; association caritative chrétienne.
[2] Selon une interprétation plus modérée, les trois « L » auraient représenté la loyauté envers la République américaine, la libération vis-à-vis du matérialisme et la Légion elle-même.
[3] Le drapeau de la Légion était blanc avec un grand « L » rouge en son centre.