Cette note n’a pas la prétention de se présenter comme une réflexion philosophique profonde, mais seulement comme un « papier d’humeur » appelant au sursaut.
Il y a encore peu, de bon matin, je me suis rendu à la gare qui doit m’emmener à la ville où j’étudie. A priori rien ne semble indiquer que cette journée aurait un intérêt dépassant l’ordinaire. Soudain, je vois arriver un essaim continu et dense de pèlerins, en bérets et espadrilles, tous divisés en groupe à la tête desquels se trouve un porte-étendard. Chaque bannière représente un diocèse de France. Ce sont, pour l’essentiel, de jeunes catholiques, hommes et femmes, issus de toute la France. Leurs évêques ont voulu ce pèlerinage, qui ressemble, (au moins dans l’ambiance) à s’y méprendre à une colonie de vacances.
Chance pour moi, j’habite au-dessus du sanctuaire de Lourdes. J’ai une vue imprenable sur tout ce qui entre ou sort de ce lieu consacré à la Vierge Marie. J’ai pu, plus tard dans la journée, voir ces groupes de jeunes y arriver, bruyants et enthousiasmés, chantant des paroles profanes en cœur, et une fois arrivés au sanctuaire, et battre des mains. La sacralité supposée du lieu ne semble que modérément les troubler.
D’évidence, je n’ai pas affaire à la jeunesse très sage et très croyante de la Fraternité sacerdotale St-Pie X. Ces jeunes que je vois font un effort pour paraître modernes, pas forcément au sens mélioratif du terme : Le slogan des autorités du sanctuaire, « Frat is back » fait au contraire vieillot ; ce genre d’anglicisme est en retard d’une génération. Lorsque des conservateurs, même timorés, tentent de se moderniser, c’est toujours, d’une manière ou d’une autre, un ratage, parce que la modernité tels qu’ils l’envisagent est déjà un passé.
Une nonne d’un âge très avancé m’avait indiqué que dans sa jeunesse, les pèlerins restaient une semaine, et pour prier. Ces jeunes ne sont restés que trois jours.
Je sais bien qu’il existe bien des façons de vivre son catholicisme, mais un fait s’impose : la religion des papes incarne de plus en plus mal l’identité historique des peuples de souche européenne. Viendra le moment où les catholiques rigoureux auront si peu à voir avec le catholicisme moderne qu’ils en seront expulsés, ou s’en expulseront eux-mêmes. Le catholicisme traditionnaliste n’est qu’une avant-garde. Quoi qu’il en soit les dynamiques démographiques internes à la population catholique à l’échelle du globe condamnent tout projet identitaire construit à partir du catholicisme. Le premier pays catholique du monde seront bientôt (voir sont déjà) les États-Unis, en raison de l’émigration d’origine mexicaine ou du reste de l’Amérique centrale. Le temps condamne en même temps le catholicisme à un schisme : Asiatiques et Africains, dont la proportion augmente au sein du catholicisme, sont du fait de leur appartenance à des sociétés moins impactées par le globalisme que les nôtres, plus conservateurs, notamment sur le sujet des mœurs. Le catholicisme occidental lui cède à tous les vents, à un modisme qui par nature étouffe et à la fin, tue celui dont il s’empare. On dira, par charité chrétienne, que ces catholiques sont soit victimes de leur époque, soit décadents. Tout autant que certains de leurs prêtres empêtrés dans des affaires de mœurs et dans ses scandales de pédophilie à répétition.
Je me doute bien que ces jeunes, pour la plupart des Blancs, ne sont qu’une survivance : la réalité des églises est celle d’une population en grande partie vieillissante, d’ouailles aux cheveux blancs. C’est un très mauvais signe, d’autant que nombre de prêtres officiants en France sont aujourd’hui issus des pays autrefois considérés comme appartenant au « Tiers-Monde ».
Qui plus est, le nombre de nouveaux prêtres, longtemps stabilisé autour d’une centaine par année en France, a de nouveau chuté. Rien n’indique qu’il se relèvera.
Mais le problème est aussi interne. Bénévole, moi musulman, au Secours Catholique le temps d’un beau mois de juillet, je me souviens avoir aidé à préparer, sur la demande de la direction, l’apéritif en l’honneur du départ d’un prêtre…qui avait décidé de renoncer à la fonction sacerdotale pour se marier. Et je me souviens aussi qu’après son discours où il demandait à ne pas être jugé, il a été chaleureusement applaudi. Il ne le fut pas pour sa défroque, mais il le fut quand même. Personne n’a semblé gêné. Je ne le connais pas, et sa vie ne regarde que lui, mais peut-on fêter cela sans se poser quelques questions ? Moi qui suis croyant, j’ai pu voir l’état dans lequel vos institutions, frères chrétiens : au fond de la fosse, ou près d’y arriver.
Le sens de la sacralité me paraît être un minimum lorsque l’on se prétend croyant. Musulman je devrais me sentir assez peu concerné par la foi des Chrétiens, et pourtant je comprends bien que le recul du christianisme est une menace pour toutes les fois du monde.
Vous allez connaître encore bien des pleurs et des grincements de dents, je le crains. Et les jeunes du Frat, sauf peut-être une poignée, ne seront pas là pour vous aider à relever vos calvaires ou pour célébrer dignement vos messes. Et encore moins pour affronter l’Ennemi commun.
Au contraire, ils sont le vivier naturel de l’idiotie utile, voire de la compromission. Ils demeurent influencés par un clergé qui a vendu son âme aux cruautés du monde moderne. Un clergé qui d’ailleurs organise sa pernicieuse charité : l’occasion pour toute la bonne bourgeoisie catholique de soulager sa conscience à force de dons.
Une fois ce constat accepté, que faire, comme dirait Lénine ?
Il me semble plus raisonnable de rechercher autour de soi les vrais gens de foi, peu importe leur religion. Les Justes se retrouveront dans une conception du monde qui sait à la fois appartenir à sa religion et en sortir. Sans doute qu’il faut aussi rechercher les derniers de vos frères catholiques prêts à lutter, qui ne sont ni dans la prostitution spirituelle ni dans le sectarisme dogmatique. Ils sont peu nombreux, certes, mais ils seront pour vous comme vous pour eux une bouffée d’oxygène.
L’avenir de la résistance est à ceux qui auront en commun non la loyauté envers les plus égarés de leurs étranges coreligionnaires, mais à ceux qui accepteront de former avec d’autres, souvent même ceux venus d’autres horizons, pour reprendre un terme qui n’est pas de moi, un « Front de la Foi ». Contre la décadence, la pseudo-modernité, pour un vrai progrès de la morale et des croyances dignes de ce nom. C’est ainsi que lentement se cimentera celui qui par nature est le pire ennemi du Système, le Front de la Foi.
Vincent Téma, musulman NR, le 22/05/2023.