Ce manifeste confidentiel du Groupe des Officiers Unis (GOU) fut signé le 3 mai 1943, un mois avant le coup d’Etat qui leur donnera le pouvoir, le 4 juin 1943. Le texte fut signé par le colonel Juan Perón, l’un des hommes forts du GOU, et futur chef charismatique de la nation Argentine.
Le manifeste du Groupe des Officiers Unis
3 mai 1943
[Confidentiel]
Camarades :
La guerre a grandement prouvé que les nations ne peuvent se défendre seules. D’où le jeu dangereux des alliances qui modèrent mais ne corrigent pas le mal profond. L’ère de la Nation va lentement être remplacée par l’ère du Continent. Naguère, les seigneurs se sont unis pour former la Nation. Aujourd’hui, les nations doivent s’unir pour former le Continent. C’est la finalité de cette guerre.
L’Allemagne fait un effort titanesque pour unifier le continent européen. La nation la plus grande et la mieux équipée devra régir les destins du continent dans la nouvelle configuration. En Europe, ce sera l’Allemagne (…). De nos jours, l’Allemagne donne à la vie une dimension historique. Nous devons suivre cet exemple (…). Le combat de Hitler, dans la paix et dans la guerre, sera désormais notre guide.
En Amérique du Nord, la nation-phare sera pour un temps les Etats-Unis. Mais au sud, il n’y a pas de nation assez forte pour qu’on admette sans discussion sa suprématie.
Il n’y a que deux nations qui puissent assumer ce rôle de leader : l’Argentine et le Brésil.
Notre mission est de rendre la domination argentine non seulement possible mais indiscutable.
La tâche est immense et entraînera des sacrifices. Mais on ne crée pas une patrie sans tout lui sacrifier. Les géants qui ont fait notre indépendance ont sacrifié leurs biens et leur vie et, à notre époque, l’Allemagne a donné à la vie un sens héroïque. Ce sont eux qui seront nos exemples.
Pour fa ire le premier pas qui nous mènera vers une Argentine grande et puissante, il faudra nous emparer du Pouvoir. Jamais un civil ne comprendra la grandeur de notre idéal ; il faudra donc les éliminer du gouvernement et leur donner la seule mission qui leur convienne : le travail et l’obéissance.
En prenant le pouvoir, nous avons pour seule mission d’être forts, plus forts que tous les autres Pays unis. Il faudra s’armer, s’armer toujours, vaincre les difficultés, lutter contre les problèmes intérieurs et extérieurs. Le combat de Hitler en temps de paix et en temps de guerre nous servira de guide.
Nous commencerons par les alliances. Nous avons déjà le Paraguay, nous aurons la Bolivie et le Chili.
L’Argentine, le Paraguay, la Bolivie et le Chili unis, il nous sera facile de contraindre l’Uruguay.
Les cinq nations unies attireront facilement le Brésil, grâce à sa forme de gouvernement et les Allemands qui s’y trouvent. Le Brésil tombé, le continent sud-américain sera à nous. Notre tutelle sera un fait, fait grandiose et sans précédent, réalisé par le génie politique et l’héroïsme de l’Armée argentine.
Mirages, utopies, me dira-t-on. Cependant, dirigeons à nouveau nos regards vers l’Allemagne. Vaincue, on lui a fait signer le traité de Versailles en 1919, qui la maintenait sous le joug allié dans une position de puissance de second ordre pour cinquante ans au moins. En moins de vingt, elle a parcouru un fantastique chemin. Avant 1939, elle était déjà armée comme aucune autre nation et, en pleine période de paix, elle avait annexé l’Autriche et la Tchécoslovaquie. Ensuite, pendant la guerre, elle a dicté ses volontés à l’Europe entière.
Mais ce ne fut pas sans de durs sacrifices. Il a fallu qu’une dictature de fer impose au peuple les renoncements nécessaires pour réaliser ce formidable programme.
Il en sera de même en Argentine. Notre gouvernement sera une dictature inflexible, même si au début il fera les concessions indispensables pour pouvoir s’affirmer.
Le peuple sera séduit, mais il devra fatalement travailler, se priver et obéir, travailler encore et se priver plus que tout autre peuple. Seulement ainsi nous pourrons mener à bien le programme d’armement indispensable à la conquête du Continent.
Prenant exemple sur l’Allemagne, nous inculquerons au peuple, par la radio, la presse contrôlée, le cinéma, les livres, l’Eglise et l’éducation, la disposition d’esprit nécessaire pour prendre le chemin héroïque qu’il lui faudra parcourir. Ce n’est qu’ainsi qu’il réussira à renoncer à la vie facile qu’il mène en ce moment.
Notre génération sera une génération sacrifiée au nom d’un bien plus important, LA PATRIE ARGENTINE, qui plus tard brillera d’une lumière inégalable pour le bien du Continent et de l’humanité tout entière.
VIVE LA PATRIE !
HAUTS LES CŒURS !
3 mai 1943.