Article publié le 17 mai 1933 (en russe) dans Vozrozhdenié (Renaissance, revue des émigrés russes blancs), à Paris.
L’Europe ne comprend pas le mouvement national-socialiste. Elle ne le comprend pas, et elle en a peur. Et à cause de cette peur, elle le comprend de moins en moins. Et moins elle le comprend, plus elle croit toutes les rumeurs négatives, toutes les histoires de « témoins visuels », toutes les prédictions alarmistes. Les publicistes de gauche radicale de presque toutes les nations européennes s’effrayent les uns les autres avec le national-socialisme dans tous les coins du monde et créent un écho constant de haine et de mal. Malheureusement, la presse russe à l’étranger commence aussi à être graduellement attirée dans ce courant ; les passions européennes commencent à être transmises aux émigrés et à les aveugler. Il devient moralement impossible pour nous, qui sommes en plein milieu des développements actuels, qui voyons tout avec nos propres yeux, qui sommes soumis à tous les nouveaux ordres et lois, mais qui conservons notre sobriété spirituelle, de rester silencieux. Il est nécessaire de parler, et de dire la vérité. Mais pour cela, il faut d’abord nettoyer le chemin vers cette vérité…
Avant tout, je refuse catégoriquement d’évaluer les événements des trois derniers mois en Allemagne du point de vue des juifs allemands, qui ont vu leurs droits civiques limités, qui ont souffert financièrement en conséquence, ou qui ont même quitté le pays. Je comprends leur état d’esprit ; mais je ne peux pas le prendre comme un critère de bien et de mal, spécialement pour évaluer et étudier un phénomène d’importance mondiale comme le national-socialisme allemand. Et il serait étrange que les juifs allemands s’attendent à ce que nous fassions cela. Après tout, les communistes nous ont privés non de quelques droits, mais de tous les droits en Russie ; le pays a été conquis, asservi et pillé ; un million et demi de la population russe native a été obligée d’émigrer ; et combien de millions de Russes ont été exécutés, emprisonnés, affamés à mort… Et pendant les quinze ans de cet enfer, il n’y avait pas de journaux en Allemagne qui étaient plus pro-bolcheviks que les journaux des juifs allemands – le Berliner Tageblatt, le Vossische Zeitung et le Frankfurter Zeitung. Certains journaux d’autres mouvements contenaient parfois un mot de vérité concernant les bolcheviks. Dans ces journaux [juifs] il n’y en avait jamais. Pourquoi faisaient-ils cela ? Nous ne le demandons pas. C’est leur affaire. Les rédacteurs de ces journaux ne pouvaient pas ne pas comprendre la signification de leur conduite et les conséquences qu’elle entraînait pour la Russie nationale et pour l’Allemagne nationale… Mais notre tragédie russe leur était étrangère ; et les désagréments qui leur sont arrivés ne nous choquent pas et ne nous aveuglent pas. Le national-socialisme allemand n’est en aucune manière limité à la restriction des droits des juifs allemands. Et nous discuterons de ce mouvement dans son essence, à partir des deux points de vue : le point de vue national russe, et le point de vue universel (à la fois spirituel et politique).
Ensuite, je ne considère pas du tout possible d’évaluer les derniers événements en Allemagne du point de vue ignorant et infantile ou, comme les circonstances le montrent, de provocateur de rue, « quand » et « où » exactement les ennemis russes et allemands du communisme « commenceront à marcher ensemble ». Il est inutile de discuter de cette ineptie. Laissons les bébés politiques babiller là-dessus ; laissons les hommes aux noirs desseins se cacher derrière ces phrases. Il est difficile de les en empêcher ; on peut simplement conseiller de ne pas écouter leurs bavardages séducteurs. Leur point de vue ne peut nous servir d’instrument de mesure.
Enfin, troisième et dernier point. Je refuse de juger le mouvement du national-socialisme allemand sur la base de ces excès d’action, d’affrontements isolés ou d’excès temporaires qui sont présentés et soulignés par ses ennemis. Ce qui se passe en Allemagne est un énorme bouleversement politique et social ; ses dirigeants eux-mêmes le caractérisent constamment par le mot « révolution ». C’est un mouvement de passion nationale et de ferment politique, concentré sur douze années, et pendant des années, oui pendant des années, il a versé le sang de ses partisans dans des escarmouches avec les communistes. C’est une réaction aux années de déclin et de découragement de l’après-guerre, une réaction de douleur et de colère. Quand et où un tel combat a-t-il été sans aucun excès ? Mais pour nous, qui avons vu la révolution soviétique russe, ces excès mêmes donnent l’impression de rien de plus que des gestes de colère ou d’incorrection occasionnelle isolée. Nous conseillons de ne pas croire à la propagande claironnant les « atrocités », ou, comme ils l’appellent, la « propagande sur les atrocités ». Il existe une loi de la nature humaine : un fugitif effrayé croit toujours aux chimères de son imagination et ne peut s’empêcher de raconter les « terribles horreurs » qui lui sont presque arrivées. Remarquez : Severing, le chef idéologique et honnête social-démocrate, ne vit-il pas en liberté dans son Bielefeld ? Les nationaux-socialistes ont-ils même touché à un seul émigré juif russe important ? Donc, soyons honnêtes dans nos jugements.
Ceux qui vivaient en-dehors d’Allemagne, ou qui sont venus ici pour des affaires et des conversations ordinaires, ne comprennent pas les motifs de la montée du national-socialisme. Le monde entier ne voyait pas et ne savait pas à quel point le poison bolchevik pénétrait l’Allemagne constamment et profondément. Les masses allemandes elles-mêmes ne le voyaient pas non plus. Seuls trois groupes le voyaient et en étaient conscients ; le Komintern, qui organisait toute cette contagion ; nous, lex expatriés russes qui nous étions établis en Allemagne ; et les chefs du national-socialisme allemand. Le pays, piégé entre le traité de Versailles, la crise économique mondiale, et la surpopulation, dégraissant son industrie et recherchant la compétitivité, était écrasé par le chômage et glissait lentement vers le bolchevisme. Le processus massif se poursuivait tout seul ; l’intelligentsia se bolchevisait toute seule. A chaque conférence, le Komintern ordonnait de redoubler de travail et annonçait trimphalement les résultats. Aucun parti allemand n’avait le courage de combattre ce processus ; et quand, à l’été de 1932, le nouveau gouvernement déclara qu’il « prenait le combat contre le communisme entre ses mains » mais ne mena en fait aucun combat, et que par sa déclaration ne fit qu’affaiblir ou tuer les initiatives anti-communistes privées, le processus de désintégration du pays s’accéléra directement.
Une réaction au bolchevisme devait venir. Et elle vint. Si elle n’était pas venue et que l’Allemagne avait glissé dans un gouffre, le processus de la bolchevisation paneuropéenne aurait continué rapidement. Une guerre civile en Allemagne (et les Allemands ne se seraient pas rendus aux communistes sans un combat acharné, brutal et infiniment sanglant !) aurait trouvé un écho immédiat en Tchéquie, en Autriche, en Roumanie, en Espagne et en France. Et si toute la capacité organisationnelle de l’Allemand, toute sa discipline, son endurance, sa dévotion au devoir, et sa capacité à se sacrifier étaient tombés entre les mains des communistes – ensuite quoi ? Je suis bien conscient que certains ennemis des Allemands ont dit avec une formidable légèreté : « Eh bien, tant mieux… ». C’est exactement comme pendant une peste : la maison voisine est infectée et mourante ; et alors ? Qu’est-ce que ça peut nous faire ? L’aveuglement et la folie règnent encore en Europe. Ils pensent au jour présent, ils attendent des nouvelles, ils complotent, ils s’amusent ; ils ne voient que la poussière de la tempête et prennent l’abîme pour une simple fosse.
Qu’a fait Hitler ? Il a stoppé le processus de bolchevisation en Allemagne et a ainsi rendu le plus grand service à toute l’Europe. Ce processus est loin d’être terminé en Europe ; le ver continuera à ronger l’Europe de l’intérieur. Mais pas comme avant. Non seulement parce que les nombreux repaires du communisme en Allemagne ont été détruits ; non seulement parce qu’une marée puissante est déjà en train de balayer toute l’Europe ; mais surtout parce que l’hypnose libérale-démocratique de la non-résistance a été rejetée. Tant que Mussolini dirige l’Italie et qu’Hitler dirige l’Allemagne, la culture européenne a gagné un répit. L’Europe a-t-elle compris cela ? Je ne le pense pas… Le comprendra-t-elle dans le futur très proche ? Je crains que non…
Hitler a profité de ce sursis principalement pour l’Allemagne. Lui et ses amis feront tout pour l’utiliser pour le renouveau national, spirituel et social du pays. Mais en gagnant ce sursis, il l’a également accordé à l’Europe. Et les peuples européens doivent comprendre que le bolchevisme est un danger réel et redoutable ; que la démocratie est une impasse créative ; que le socialisme marxiste est une chimère vouée à l’échec ; qu’une nouvelle guerre est au-dessus des forces de l’Europe, aussi bien spirituellement que matériellement, et que seul un soulèvement national peut sauver la situation dans chaque pays, qui assumera de manière dictatoriale et créative la résolution « sociale » de la question sociale. Jusqu’à présent, l’opinion publique européenne n’a fait que répéter que des racistes et des antisémites extrémistes sont arrivés au pouvoir en Allemagne ; qu’ils ne respectent pas les droits ; qu’ils ne reconnaissent pas la liberté ; qu’ils veulent introduire une sorte de nouveau socialisme ; que tout cela est « dangereux » et que, comme l’a récemment déclaré Georg Bernhard (ancien rédacteur en chef du Vossische Zeitung), ce chapitre de l’histoire allemande « sera, espérons-le, court »… Nous aurons du mal à expliquer à l’opinion publique européenne que tous ces jugements sont soit superficiels, soit à courte vue et partiaux. Mais essayons au moins de comprendre la vérité nous-mêmes.
Ainsi, un coup d’État juridique a eu lieu en Allemagne. Les Allemands ont réussi à sortir de l’impasse démocratique sans violer la constitution. Il s’agissait (comme déjà indiqué dans « Renaissance ») de l’auto-abolition légale du système démocratique-parlementaire. Et en même temps, c’était la fin de la guerre civile qui faisait rage année après année à chaque carrefour. Les démocrates n’osent pas qualifier Hitler d’« usurpateur » ; Ce serait un mensonge évident. Les responsables de l’application de la loi devraient d’abord noter la baisse rapide du nombre de meurtres politiques à travers le pays. Les partisans de la stabilité économique bourgeoise doivent penser à des taux fixes et à des transactions boursières dynamiques. Et pourtant, ce qui se passe en Allemagne est un tremblement de terre ou un bouleversement social. Mais il ne s’agit pas d’une révolution de désintégration, mais de concentration ; pas de destruction, mais de reconstruction ; pas follement désordonnée, mais impérieusement disciplinée et organisée ; pas démesurée, mais mesurée. Et ce qui est le plus remarquable, c’est qu’elle suscite une obéissance loyale dans toutes les couches de la population. Le « caractère révolutionnaire » ici ne réside pas seulement dans la nouveauté perturbatrice, mais aussi dans le fait que les nouveaux ordres sont souvent appliqués à la hâte sous forme de décrets et de décisions administratives, avant la publication de la loi correspondante ; d’où cette inquiétude et cette incertitude des gens, caractéristiques de toute révolution, concernant les limites de leur « statut » juridique en général, et même simplement concernant le présent. Cependant, ces décrets administratifs sont rapidement couverts par des lois, qui prévoient généralement des formules moins sévères, plus réalistes et plus justes. C’est la première chose.
Deuxièmement, ces nouveaux décrets et lois qui s’abattent sur le pays ne concernent que le droit public, et non le droit privé ou le droit de propriété. Il n’y a pas de tendance expropriatrice dans ces projets, si ce n’est l’annulation des droits acquis par les spéculateurs pendant l’inflation et le rachat éventuel de terres appartenant à des ressortissants étrangers. On ne parle pas de socialisme au sens habituel du terme. Ce qui se passe est un grand transfert social ; mais pas lié à la propriété, mais lié à l’État, à la politique et à la culture (et seulement dans cette mesure – par le service rendu). La couche principale est renouvelée de manière cohérente et radicale. Pas entièrement, mais à grande échelle. Sur la base d’un nouvel état d’esprit ; et par conséquent, souvent dans le sens d’un rajeunissement du personnel. Tout ce qui touche au marxisme, à la social-démocratie et au communisme est supprimé ; tous les internationalistes et les bolcheviks sont éliminés ; De nombreux juifs sont renvoyés, parfois (comme par exemple dans le corps professoral) la grande majorité d’entre eux, mais pas tous. Ceux qui trouvent clairement le « nouvel esprit » inacceptable sont écartés. Ce « nouvel esprit » a des définitions à la fois négatives et positives. Il est inconciliable avec le marxisme, l’internationalisme et le déshonneur défaitiste, la persécution de classe et les privilèges de classe réactionnaires, la vénalité publique, la corruption et le détournement de fonds. Il n’y a pas une telle intransigeance en ce qui concerne le judaïsme : non seulement parce que l’entreprise privée et le commerce restent ouverts aux juifs ; mais aussi parce que les personnes de sang juif (en tenant compte de deux grands-pères et de deux grand-mères, dont aucun ne doit être juif), qui étaient légalement dans la fonction publique au 1er août 1914 ; ou qui ont participé à des opérations militaires depuis lors ; ceux qui ont perdu un père ou un fils au combat ou à la suite d’une blessure ; ou ceux qui sont au service d’organisations religieuses et ecclésiastiques – ne sont pas soumis à des restrictions dans leurs droits à la fonction publique (décret du 8 mai de cette année). Il est psychologiquement compréhensible que de telles restrictions soient perçues par les juifs comme très douloureuses : ils sont offensés par l’introduction même d’une présomption qui ne joue pas en leur faveur – « vous êtes inacceptable jusqu’à ce que vous prouviez le contraire » ; et aussi « ce n’est pas votre foi qui est importante, mais votre sang ». Cependant, la simple existence de cette présomption nous oblige à admettre qu’un juif allemand qui a prouvé dans la pratique sa loyauté et son dévouement à la patrie allemande n’est pas soumis à des restrictions légales (ni dans l’éducation ni dans le travail).
Le « nouvel esprit » du national-socialisme a bien sûr aussi des définitions positives : le patriotisme, la foi dans la singularité du peuple allemand et dans la force du génie allemand, le sens de l’honneur, la disposition au service sacrificiel (le « sacrifice » fasciste), la discipline, la justice sociale et l’unité sans distinction de classe, fraternelle et nationale. Cet esprit constitue en quelque sorte la substance de tout le mouvement ; tout national-socialiste sincère a cette flamme dans son cœur, elle fait travailler ses muscles, elle résonne dans ses paroles et elle brille dans ses yeux. Il suffit de voir ces visages de croyants, vraiment de croyants ; il suffit de voir cette discipline pour comprendre la signification de ce qui se passe et se demander : « Existe-t-il un peuple au monde qui ne rêverait de créer un mouvement d’une telle élévation et d’un tel esprit ?… ». En un mot, c’est cet esprit qui unit le national-socialisme allemand au fascisme italien. Mais ce n’est pas seulement avec lui que cela se produit, mais aussi avec l’esprit du mouvement blanc russe. Chacun de ces trois mouvements possède sans aucun doute ses propres particularités, ses traits distinctifs. Ils s’expliquent par l’histoire antérieure de chacun des trois pays, le caractère des peuples et l’ampleur de la décomposition bolchevique (1917 en Russie, 1922 en Italie, 1933 en Allemagne), ainsi que par la composition raciale et nationale de ces trois pays. Il suffit de rappeler que le mouvement blanc est né directement d’une guerre infructueuse et d’un coup d’État communiste, dans la plus grande dévastation et la plus grande confusion, sur un territoire gigantesque, dans l’ordre de l’improvisation héroïque. Alors que le fascisme et le national-socialisme ont eu cinq et quinze ans pour rassembler leurs forces et élaborer un programme ; ils ont eu l’occasion de se préparer et d’empêcher le coup d’État communiste ; ils avaient devant eux l’expérience de la lutte contre le communisme dans d’autres pays ; leurs pays sont d’une taille incomparablement plus petite et ont une population beaucoup plus assimilée. Et la question juive se posait dans chaque pays à sa manière. Cependant, une chose fondamentale et essentielle unit les trois mouvements ; un ennemi commun et unique, le patriotisme, le sens de l’honneur, le service volontaire et sacrificiel, le désir d’une discipline dictatoriale, d’un renouveau spirituel et d’une renaissance de son pays, la recherche d’une nouvelle justice sociale et une indétermination dans la question de la forme politique. Qu’est-ce qui provoque la colère sacrée dans l’âme ? À quoi le cœur est-il dévoué ? À quoi aspire la volonté ? Que réalisent les gens et comment ? – c’est ce qui est important.
Bien sûr, un Allemand, un Italien et un Russe se soucient chacun de leur pays et chacun à leur manière ; mais l’esprit est le même et, dans une perspective historique, c’est une seule et même chose. Il est possible que les nationaux-socialistes, comme les fascistes, ne voient pas cette affinité spirituelle et n’y attachent aucune importance ; beaucoup de choses peuvent les en empêcher, et beaucoup d’autres choses les en empêcheront. Mais pour nous il s’agit avant tout de comprendre, de penser et de ressentir correctement l’esprit du mouvement national-socialiste. Le dénigrement et la calomnie injustes à son égard entravent la compréhension correcte, pèchent contre la vérité et nuisent à toute l’humanité. La persécution contre lui est naturelle lorsqu’elle vient du Komintern ; et contre-nature quand cela vient de pays non-bolcheviques.
L’esprit du national-socialisme ne se réduit pas au « racisme ». Il ne se réduit pas à la négation. Il propose des tâches positives et créatives. Et ces tâches créatives sont celles de tous les peuples. Nous devrions tous chercher des moyens pour résoudre ces problèmes. Huer à l’avance les tentatives des autres et se réjouir de leur échec anticipé est imprudent et ignoble. Et n’ont-ils pas calomnié le mouvement blanc ? N’a-t-il pas été accusé de « pogroms » ? Mussolini n’a-t-il pas été calomnié ? Et alors, Wrangel et Mussolini sont-ils devenus plus petits à cause de cela ? Ou peut-être l’opinion publique européenne se sent-elle appelée à entraver toute véritable lutte contre le communisme, à la fois purificatrice et créatrice, et ne cherche-t-elle pour cela qu’un prétexte commode ? Mais alors nous devons garder cela à l’esprit…
Ivan Ilyne.