Son visage portait la lassitude des longues années passées derrière les barreaux, pourtant l’étincelle de détermination dans ses yeux ne s’était pas éteinte. Sa libération n’était pas seulement la fin d’une peine de prison, c’était la clôture d’un chapitre d’une histoire palestinienne unique, dont le héros était issu d’une petite communauté mais croyait que l’appartenance à sa patrie est plus vaste que toute identité étroite.
Fils du mont Garizim
Nader Sadaqa est né en 1977 sur les pentes du mont Garizim à Naplouse, parmi les maisons de la communauté samaritaine, qui s’accroche encore à ses traditions ancestrales.
Il a grandi dans un petit groupe qui parle à la fois l’hébreu ancien et l’arabe, vivant entre deux mondes, mais jamais loin des luttes de la terre et des gens qui les entouraient.
Il disait souvent à ses amis : « Les Samaritains font partie de la Palestine. Ces montagnes connaissent tous nos noms, anciens et nouveaux. »
À l’école de Naplouse, l’enfant tranquille était attiré par la lecture et l’histoire, mais une ville sous occupation laisse peu de place à l’enfance. Pendant la Première Intifada, Nader était l’un de ces garçons qui lançaient des pierres sur des soldats lourdement armés.
Au moment de la Seconde Intifada, son nom était devenu connu au sein du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), où il était apparu comme un commandant de terrain dans les Brigades Abou Ali Moustafa.
Le chemin vers la cellule
En 2004, après deux ans de cavale, Nader fut capturé par les forces israéliennes lors d’une vaste opération militaire dans le camp de réfugiés d’Aïn Beit al-Ma’.
Les accusations étaient nombreuses : appartenance à une organisation interdite, planification d’opérations et participation à des attaques contre l’armée israélienne.
Pour Nader, ces accusations étaient une reconnaissance silencieuse qu’il n’était jamais resté silencieux face à l’injustice.
Il reçut une peine sévère, six peines de prison à perpétuité plus quarante-cinq années supplémentaires, ce qui faisait de lui l’un de ceux qu’Israël pensait ne jamais revoir la liberté.
Mais à l’intérieur de la prison, Nader n’était pas qu’un simple nom sur la liste des détenus. Il devint connu comme « le penseur des prisonniers ».
Il donnait des conférences, écrivait sur l’histoire et participait à chaque grève de la faim collective. Il disait à ses codétenus : « La prison ne tue pas une personne, elle révèle sa vraie nature. »
Le prisonnier samaritain
L’histoire de Nader était unique, même entre les murs de la prison ; il était le seul prisonnier samaritain dans les geôles israéliennes. Son parcours distinct suscitait la curiosité parmi les Israéliens, mais il en fit un pont de défi.
Il refusait que ses origines soient utilisées pour justiquer de l’indulgence ou de la sympathie et répétait toujours : « Je suis samaritain par héritage, palestinien dans l’âme et l’occupation ne distingue pas un sang d’un autre. »
De l’isolement à la lumière
Nader fut placé à plusieurs reprises en isolement cellulaire, accusé d’avoir communiqué avec son codétenu Ahmad Sa’adate, le secrétaire général du FPLP.
Dans sa longue isolation, il écrivit de nombreuses réflexions sur la liberté et la dignité. Interrogé après sa libération sur ces jours, il dit calmement : « La solitude n’effraie pas ceux qui se connaissent. J’écoutais mon propre souffle et le comptais, juste pour me rappeler que j’étais encore en vie. »
Le moment de la liberté
Lors de l’échange de prisonniers qui a suivi l’accord de cessez-le-feu à Gaza, le nom de Nader Sadaqa figurait parmi les libérations inattendues.
Israël avait refusé de le libérer lors d’échanges précédents, mais céda cette fois aux conditions de la résistance.
Lorsqu’il fut libéré, Israël interdit à sa famille de célébrer ; ils n’eurent même pas le droit de l’accueillir à Naplouse. Au lieu de cela, Nader fut transféré dans la bande de Gaza parmi une liste de personnes expulsées.
Là-bas, la foule l’accueillit avec des larmes, des fleurs et des chants, un mélange de joie et de respect.
C’était comme assister à un petit miracle : un homme issu de l’une des plus petites communautés religieuses du monde, libéré des cellules les plus profondes d’Israël grâce à la lutte de son peuple.
Après la liberté
Aujourd’hui, Nader Sadaqa vit à Gaza, parmi d’anciens prisonniers libérés avant lui. Il tente lentement de retrouver les détails d’une vie qui lui a été volée.
Dans sa première déclaration après sa libération, il a déclaré : « Je ne suis pas sorti de prison pour me reposer, je suis sorti pour continuer le chemin avec ceux qui croient que la liberté n’est jamais accordée ; elle est saisie. »
Dans ses traits se lit l’histoire de toute la Palestine : la diversité, la résilience et une capacité extraordinaire à endurer.
Nader Sadaqa n’est pas qu’un prisonnier libéré, il est un témoignage vivant que la véritable identité se forge par la position prise, et non par le sang. Et que lorsque la liberté arrive, elle ne distingue pas entre samaritain, musulman ou chrétien, elle frappe à chaque porte avec le même nom : Palestinien.
Source : The Palestinian Information Center
