L’américanisation en Europe est largement répandue et évidente. En Italie c’est un phénomène qui se développe rapidement dans ces années d’après-guerre et qui est considéré par la plupart des gens sinon avec enthousiasme, du moins comme quelque chose de naturel. Il y a quelque temps, j’ai écrit que des deux plus grands dangers qui menacent l’Europe — l’Américanisme et le Communisme — le premier est le plus insidieux. Le communisme ne peut être un danger autre qu’une forme brutale et catastrophique d’une prise de pouvoir directe par les communistes. Par contre l’américanisation gagne du terrain par un processus d’infiltration graduelle, effectuant des modifications des mentalités et des coutumes qui semblent inoffensives en elles-mêmes, mais qui s’achèvent par une perversion et une dégradation fondamentales contre lesquelles il est impossible de combattre autrement qu’à l’intérieur de soi-même.
C’est précisément à l’égard d’une telle opposition interne que la plupart des Italiens semblent faibles. Oubliant leur propre héritage culturel, ils se tournent volontiers vers les Etats-Unis comme vers le chef de famille du monde. Celui qui veut être moderne doit se mesurer lui-même selon le standard américain. Il est pitoyable de voir un pays européen s’avilir ainsi. La vénération pour l’Amérique n’a rien à voir avec un intérêt culturel pour la manière de vivre des autres peuples. Au contraire, la servilité envers les Etats-Unis amène à penser qu’il n’y a aucun autre mode de vie digne d’être comparé à celui de l’Amérique.
Notre service de radio est américanisé. Sans aucun critère du supérieur et de l’inférieur, il suit juste les thèmes à la mode du moment et lance sur le marché ce qui est considéré comme «acceptable» — c’est-à-dire acceptable pour la partie la plus américanisée du public, ce qui revient à dire la plus dégénérée. Les autres sont entraînés dans son sillage. Même le style de présentation à la radio est devenu américanisé. «Qui, après avoir écouté un programme radio américain, ne peut réprimer un frisson lorsqu’il réalise que le seul moyen d’échapper au communisme est de s’américaniser ?». Ce ne sont pas les mots d’un étranger mais d’un sociologue américain, James Burnham, professeur à l’Université de Princeton. Un tel jugement émis par un Américain devrait faire rougir de honte les programmateurs radio italiens.
La conséquence de la démocratie du «faites votre truc» est l’intoxication de la plus grande partie de la population qui n’est pas capable de juger par elle-même et qui, quand elle n’est pas guidée par un pouvoir et un idéal, perd trop facilement tout sens de sa propre identité.
Julius Evola.