À la mi-septembre, Saint-Pétersbourg a accueilli une rencontre internationale d’une vingtaine d’organisations issues des rangs de la droite conservatrice et radicale venues de trois continents. Loin d’être anecdotique, cette réunion appelle plusieurs commentaires.
Convergence antiglobaliste
Dans le cadre très officiel du palais Mariinsky, siège de l’Assemblée législative de Saint-Pétersbourg, des représentants de courants conservateurs et identitaires venus de plus de vingt pays se sont réunis les 12 et 13 septembre, à l’invitation de l’homme d’affaires russe Konstantin Malofeïev, fondateur de la chaîne orthodoxe Tsargrad TV, à la suite de la procession annuelle pour Saint Alexandre Nevski.
Parmi les intervenants figuraient le philosophe russe Alexandre Douguine, présent sur place. Alain de Benoist, mais aussi Alain Soral et Alexander von Bismarck (descendant du chancelier allemand Otto von Bismarck), se sont exprimés en visioconférence. Des trajectoires et des sensibilités parfois divergentes, mais réunies par un dénominateur commun : la lutte contre le globalisme et l’uniformisation du monde.
Autour d’eux, des délégations issues d’Espagne, d’Italie, de Hongrie, de Grèce, de Serbie, d’Allemagne, de Belgique, du Royaume-Uni, de France, mais aussi d’Amérique latine et d’Afrique du Sud.
Une plateforme d’échanges
Objectif affiché : créer une plateforme internationale de dialogue entre mouvements conservateurs, nationalistes et identitaires venus d’Europe et d’autres continents, un « front commun » contre le globalisme et l’idéologie progressiste.
Au-delà de la rhétorique, l’ambition formulée par les organisateurs est de donner une continuité à ce type d’échanges, en posant les bases d’un réseau transnational capable de relayer des thèmes communs : défense de la souveraineté des États, affirmation des traditions nationales et rejet de l’uniformisation culturelle.
Dans un contexte marqué par le conflit en Ukraine et l’isolement diplomatique de la Russie vis-à-vis des grandes capitales occidentales, le message envoyé par cette rencontre est clair : il existe, même à une échelle modeste, des acteurs prêts à maintenir un dialogue ouvert avec la Russie.
Une évolution du climat idéologique ?
Fort symbolique, cet événement traduit plusieurs choses :
- Jamais, il y a trois ans encore, un tel rassemblement n’aurait trouvé les conditions pour exister. Dans un contexte où la solidarité avec l’Ukraine paraissait acquise dans l’ensemble du spectre politique européen, et en particulier au sein de la droite radicale, la perspective d’une réunion internationale organisée en Russie aurait semblé inconcevable.
- Que des organisations et des partis — parfois classés aux marges du spectre politique — aient choisi de se rendre officiellement en Russie traduit une évolution du climat idéologique, un déplacement discret mais réel des sensibilités politiques. Si cet événement ne constitue pas encore un axe structuré ni une alliance durable, il illustre l’existence d’un espace de débat neuf, où souveraineté nationale, continuité historique et rejet de l’uniformisation culturelle servent de points de convergence.
Une coopération entre mouvements européens et organisations russes demeure toutefois une entreprise délicate, pour ne pas dire risquée, à contre-courant de la ligne diplomatique dominante en Europe. L’initiative a d’ailleurs immédiatement suscité une réaction vive dans certains médias « libéraux » en Europe de l’Est, qui ont multiplié les commentaires alarmistes.
La réunion de Saint-Pétersbourg illustre un déplacement progressif du débat au sein des droites européennes. Ce qui était hier inimaginable devient aujourd’hui envisageable, même à petite échelle. Ce n’est pas encore un tournant, mais c’est un signal à surveiller : celui d’une recomposition idéologique qui, demain, pourrait compter davantage dans les équilibres politiques du continent, en particulier institutionnels.
Yves Lejeune
Source : Polémia.