Vous revenez du Donbass où vous avez passé une dizaine de jours au plus près des combats. En quelle qualité ce séjour et pourquoi ?
Tout d’abord, je souhaite préciser le contexte. Sur un séjour de 15 jours en Russie, j’ai passé environ une semaine au Donbass. Cette région est considérée par la Russie comme une zone de guerre dont l’accès est soumis à autorisation. Mon accréditation m’a permis de séjourner en autres lieux à Donetsk soumis aux bombardements de l’armée ukrainienne, par contre je n’ai pu aller en première ligne afin d’accompagner les combattants.
Les raisons de ce voyage sont d’abord militantes, je voulais retourner à Donetsk ou j’avais mené en 2016 une action humanitaire au nom de l’association Novopole. A cette époque les accords de Minsk freinaient les actions terroristes du régime de Kiev. Le centre-ville n’était plus visé mais par contre la banlieue était régulièrement ciblée et les plus humbles parmi les habitants voyaient leurs habitations détruites.
Grace à l’argent récolté en France lors de conférence animées par mon camarade Sergueï Munier, j’ai pu acheter des matériaux de construction et venir en aide à des familles dont les toits des maisons avaient été soufflés par les obus.
Malheureusement, ces dernières années la situation s’est considérablement dégradée. Les tirs visant sciemment les civils se sont intensifiés et je voulais retourner sur place pour témoigner.
Je ne suis pas dupe, je sais très bien que les médias aux ordres de l’oligarchie mondialiste ne me donneront jamais la parole mais il me semble primordial de tenter d’ouvrir une petite brèche dans le mur de la désinformation.
Je remercie les médias amis qui m’ouvrent leurs colonnes, Vox NR bien sûr mais aussi Eléments ou devrait paraitre un article dans le numéro du mois d’août.
Ma deuxième motivation était de dire aux Russes que beaucoup parmi les peuples européens n’approuvent pas le soutien au régime de Kiev et que nous sommes des milliers à descendre régulièrement dans la rue pour crier notre refus de la guerre et de la soumission aux diktats de l’OTAN.
Nous avons eu l’honneur d’être interviewés par les télévisions de Rostov et de Lougansk et d’être reçus par des autorités du Donbass, partout nous avons répété le même message.
Lors d’un dîner j’ai demandé à un député de la république populaire de Lougansk s’il considérait la France comme un pays belligérant. Sa réponse a été à la fois belle et très triste, il m’a répondu que non, il ne considérait pas la France comme une ennemie mais que le pays que les Russes aimaient et respectaient étaient en train de mourir.
Qu’ajouter à cela ?
Pour en revenir à Donetsk, je voudrais en quelques mots décrire ce qui s’y passe réellement. Au premier matin de notre arrivée, j’étais avec mes 2 amis de la délégation, Pierre Plas et Damien D dans le hall de notre hôtel quand nous avons entendu assez haut dans le ciel une double explosion. Devant nos mines surprises le directeur de l’établissement a eu un petit sourire et nous a expliqué qu’il s’agissait d’une roquette de Himars interceptée par un missile russe. Nous pensions avoir assister à l’incident de la journée mais très vite les explosions se sont succédées.
Dans la journée nous étions au centre-ville afin de réaliser les interviews de volontaires français. Nous étions attablés dans une brasserie du boulevard Pouchkine avec Erwan Castel quand le rythme des arrivées d’obus s’est accéléré. J’essayais de ne montrer aucun signe de nervosité devant le calme d’Erwan mais cette expérience a accru mon admiration pour cette population du Donbass qui vit avec la menace de la mort depuis 2014.
S’il vous chercher une raison à l’intervention russe de février 2022, elle est ici et nulle part ailleurs.
Pour s’en convaincre, je voudrais conter une dernière anecdote. Le lendemain de cette journée, nous étions en train de prendre notre petit déjeuner quand nous avons remarqué que le personnel de notre hôtel semblait particulièrement affligé. Nous avons alors appris qu’une employée avait été tuée la veille au centre-ville. Elle laisse 2 petits enfants et son mari venait d’être rappelé du front pour s’occuper d’eux.
Le directeur venait de prendre la décision de verser pendant un an son salaire à la famille. Alors que nous voulions participer, il a refusé en nous demandant simplement de revenir en France et de dire la vérité. Il a ajouté une phrase qui m’a marquée : « Je prie pour que les ancêtres Cosaques descendent du ciel et décapitent les tueurs Ukrops »
Au risque de choquer les bonnes âmes, je souhaite que ce vœu s’accomplisse.
Sur place, vous avez rencontré des volontaires français ou franco russes qui combattent, et en particulier Sergueï Munier qui a défrayé la chronique en France pour ses prétendus « crimes de guerre » au sein de Wagner. A combien d’hommes évaluez vous cette présence française ? Et quelles sont leurs motivations profondes, voire existentielles ?
Mon rapport avec les volontaires français est une longue histoire. En 2014 grâce à Alain Benajam qui était une figure du réseau Voltaire, j’ai pu faire la connaissance du premier noyau de jeunes militants d’Unité continentale s’apprêtant à s’engager dans les rangs des milices populaires de la Novorossia. Je citerai bien sûr, Guillaume, Mischa et Victor.
Cette rencontre a été pour moi décisive. Militant quelque peu désabusé, il me semblait que rien ne s’opposerait plus à la marche du mondialisme et que notre famille politique était condamnée à de vaines postures ou à des nostalgies stériles. Tout à coup j’avais face à moi des jeunes gens déterminés, parfaitement conscients et prêts à s’engager les armes à la main dans une guerre qu’ils considéraient à raison comme un conflit de civilisation. Au Donbass les habitants eux-mêmes savaient pertinemment ce qu’ils refusaient, je me souviens d’un dessin de propagande mettant en opposition le monde russe avec ses prêtres, ses guerriers, ses familles traditionnelles et l’Union européenne symbolisée par une tourbe de militants LGBT, de nazis de carnaval et d’oligarques cosmopolites.
Enfin, un front s’ouvrait face au nouvel ordre mondial. J’avais retrouvé une cause qui valait la peine que l’on s’engage. J’ai donc milité au sein de l’association Novopole dirigée par Svetlana Kissileva, aujourd’hui journaliste à Donetsk, André Chanclu, un vétéran des combats nationalistes et Alain Benajam bras droit de Thierry Meyssan.
Fin 2015 afin de financer une mission humanitaire nous avons organiser des réunions en Bretagne et en Alsace. Pour nous assurer le succès, il nous fallait le témoignage d’un combattant français. Sollicité, Mischa Ronin qui revenait d’une année au front préféra m’orienter vers un garçon qu’il jugeait plus apte à être orateur, il s’agissait de Sergueï Munier.
Sergueï a un parcours atypique, né à Lugansk ou il a passé son enfance, il est venu en France lorsque sa mère a épousé un Français qui l’a adopté.
Réserviste au 1er régiment de Spahis, il se destinait à passer le concours de Saint Cyr lorsque le destin en a destiné autrement. Dès que les premiers troubles ont éclaté au Donbass, il s’est rendu sur place pour défendre son sol et son sang en sacrifiant délibérément sa carrière militaire dans l’armée française. De l’instruction des premiers miliciens au rôle de chef de section Serguei a connu les batailles les plus marquantes du conflit, Peski, Debaltsevo, Marinka.
Les accords de Minsk ayant figé le front, Serguei est rentré en France. Nous avons alors lié des liens d’amitiés, il y a une photo que j’affectionne particulièrement ou Mischa, Serguei et moi prenons la pose devant l’arc de triomphe lors d’une manifestation des gilets jaunes en 2018.
Dès le début de l’opération militaire spéciale Munier est retourné se battre, il n’a pas quitté jusqu’à aujourd’hui le théâtre des opérations.
Au risque de décevoir les lecteurs, il me faut tordre le cou à une légende, Serguei n’a jamais appartenu à la SMP Wagner. Les affirmations de Blast et de LCI sont totalement fantaisistes. Munier sur différentes photos publiées dans les réseaux sociaux apparait à Marioupol ou à Zaparodje, zones de combat ou n’a jamais été engagé Wagner.
Cependant, Serguei n’a aucune rancœur envers le plumitif Nicolas Quenel, il le considère même comme son meilleur impresario. Grace à ces attaques infondées, Munier a fait l’objet de plusieurs reportages de la télévision russe. Il a acquis une réelle notoriété et est même inondé de propositions plus ou moins indécentes émanant de jeunes beautés attirées par le bad boy français héros de guerre.
Pour répondre à la question sur le nombre de Français ayant servi au Donbass, je dirai que ceux-ci n’ont jamais été très nombreux. Dans les années 2014 -2015, ils étaient entre 20 à 30 mais pas plus.
Aujourd’hui ils sont une poignée mais il n’est pas dit que de nouvelles vocations n’éclosent pas un jour.
Leurs motivations sont multiples, on pourrait évidemment parler de soif d’aventures ou de goût du risque mais néanmoins l’engagement idéologique constitue le facteur déterminant. Tous les volontaires ont ressenti au plus profond d’eux-mêmes la décadence qui frappe la France et l’Europe Ils ont conscience que nous assistons à un affrontement civilisationnel entre un bloc unipolaire occidental qu’Alexandre Douguine n’hésite pas à qualifier de satanique et les tenants des valeurs traditionnelles sans distinction d’ethnies ou de religions.
Un autre phénomène m’a frappé, au fil du temps les volontaires n’envisagent plus leur avenir qu’en Russie et s’éloignent de l’Occident qu’ils considèrent comme irrémédiablement perdu. C’est un peu le syndrome « Adieu vieille Europe » que ressentaient les légionnaires au siècle dernier.
Parmi ces Français, il en un, Erwan Castel, qui est à la fois combattant et blogueur. Il a d’ailleurs perdu un bras en sautant sur une mine il y a trois ans. Il est à lui seul un personnage de roman, un dissident de l’Occident qui a choisi la Russie et le monde multipolaire plutôt que la Pax Americana. Que diriez-vous de lui ?
Vous me posez là une question délicate, j’ai fait la connaissance d’Erwan en 2015 mais je ne suis pas de ses intimes. Parlez de lui revient à porter un jugement et pour reprendre une phrase célèbre, seuls les guerriers peuvent juger les guerriers et je ne prétends pas en être un.
Je dirai simplement qu’Erwan et moi partageons des valeurs très communes, Païens tous les deux, nous revendiquons comme sources d’inspiration Alain de Benoist et son école de pensée. Nous sommes également tout deux attachées à l’Europe aux cents drapeaux que prônait Yann Fouéré.
Ce qui nous différencie ce serait plutôt le tempérament, vindicatif Erwan bouffe du curé alors que j’avoue une certaine attirance pour l’orthodoxie et la façon particulière qu’ont les russes de mêler christianisme et respect des traditions païennes. Je me sens dans la peau d’un Varègue découvrant l’or des icônes et le parfum de l’encens.
Je ne ferai pas injure à Erwan en écrivant qu’en vrai Celte, il a volontiers mauvais caractère et pardonne difficilement à ceux qu’il estime être ses adversaires. En tant que Corse, je suis facilement ombrageux mais j’arrive à faire la part des choses et à ne pas rendre public ce qui peut m’opposer aux membres de mon camp.
Pour conclure je dirai que je partage votre opinion, Erwan est un personnage de roman qu’il faut accepter en bloc avec ses immenses qualités et ses petits défauts. Ses 8 années de présence au Donbass et les sacrifices qu’il y a consenti font qu’il demeura un symbole pour la dissidence
Est-ce que cette hémorragie de sang voulue par l’État profond américain et son Cheval de Troie « européen » va perdurer ? Qu’en pense l’homme de la rue sur place, ou les officiels rencontrés ?
Vous mettez là le doigt sur un point crucial. Ce serait une erreur d’interpréter le conflit actuel comme un affrontement entre le nationalisme ukrainien et l’impérialisme russe. La guerre a une origine géopolitique évidente, elle trouve ses sources dans l’opposition entre les puissances thalassocraties anglo saxonnes et les puissances telluriques eurasiatiques. Le but des premières a toujours été d’isoler la Russie de l’Europe, voir de la morceler afin d’empêcher que ne se constitue ce bloc eurasiatique seul capable de leur contester la domination mondiale. L’un des moyens pour y parvenir a été l’instrumentalisation du nationalisme ukrainien initiée dès 1945 mais qu’y s’est amplifiée démesurément après 2014.
Il ne faut jamais oublier que le Maidan a été voulu et organisé par l’OTAN, que le Donbass ne se serait jamais soulevé sans les mesures russophobes prises par le nouveau régime de Kiev et surtout que les civils de Donetsk et de Lougansk subissent les bombardements terroristes de l’armée ukrainienne depuis 9 ans.
Alors oui ce bain de sang est l’œuvre des mondialistes. C’est une chose de le lire dans les ouvrages d’Alexandre Douguine, de Lucien Cerise ou de Jacques Baud, c’en est une autre de le constater de visu. Avec notre délégation nous sommes allés à Severodonetsk, ville ou ont eu lieu de très durs combats. La ville est entièrement dévastée, au milieu des ruines nous avons rencontré des civils survivants dans des habitations éventrées sans eau ni électricité.
Sous le porche d’une barre d’immeuble gisait la carcasse d’un char ukrainien, son équipage n’avait pas hésité à prendre les habitants en otage pour espérer se protéger.
Je peux vous assurer que devant un tel spectacle sous savez au plus profond de vous-même que vous avez choisi le bon camp. Vous le ressentez d’autant plus lorsque les combattants vous assurent que cette guerre de l’OTAN ne prendra pas fin avant plusieurs années.
Les vampires cosmopolites ont encore soif du sang des européens et se battrons jusqu’au dernier ukrainien. Munier me disait qu’il était certain de la victoire car les soldats russes ont le sens du devoir et du sacrifice mais que cette victoire serait longue et couteuse car les Ukrainiens sont bien organisés et surtout bien équipés en technologies de pointe par l’Occident. Le seul moyen d’écourter le conflit serait une remise à niveau notamment dans le domaine des drones afin de pouvoir reprendre une guerre de mouvement.
Je n’ai pas de doute que la Russie saura relever le défi.
Vous songez repartir à terme pour le Donbass alors même que la censure accable les médias qui pourraient donner un large écho à votre témoignage. Est-ce que les risques encourus pour vous-même valent vraiment le coup ?
J’ai fait une promesse aux civils rencontrés, revenir en France et décrire la réalité. C’est déjà à mes yeux un grand succès d’avoir une tribune sur Vox NR et Eléments mais il faut remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier
Si pour amplifier cette audience, je dois repartir là-bas, je le ferai sans hésiter.
De plus revenir à Donetsk n’est pas pour moi partir à l’étranger. J’y ai des amis et même des personnes que j’aime comme de jeunes frères. Je vais vous faire un aveu, La Corse est ma patrie charnelle mais j’ai dorénavant une patrie de cœur, le Donbass.
Alors oui, tout cela vaut le coût.
A votre retour en France, avez-vous déploré une forme de flicage à votre encontre ? Ou bien, les Services français sont-ils plus subtils et vous surveillent de loin.
Mon flicage n’est pas récent et date de 2016. Alors que je racontais mes déboires à une connaissance très au fait des problèmes liés au renseignement intérieur, celle-ci m’a assuré que tous les Français se rendant au Donbass étaient systématiquement fichés S. Cela m’a valu quelques petits désagréments professionnels sur lesquels je ne m’étendrai pas, des contrôles parfois appuyés dans les aéroports et une ou deux filatures lourdingues de la part des gendarmes en Corse.
En fait, rien de dramatique et aucunement comparable aux risques courus par des personnes infiniment plus courageuses que moi.
Le mot de la fin ?
Je voudrai terminer par une note d’espoir et un appel à l’engagement. Lors de notre périple nous nous sommes rendus à Marioupol. La ville a été considérablement touchée lors les combats de l’année dernière contre le régiment Azov.
Et bien aujourd’hui elle renait de ses cendres. Le travail accompli par la Russie en quelques mois est considérable. De nouveaux immeubles, des écoles sont sortis de terre et dans les squares retentissent de nouveau les cris des enfants.
Les besoins restent néanmoins immenses et l’aide humanitaire sera d’un grand secours.
Il y a quelques jours le convoi de SOS Donbass a apporté vivres, matériels et vêtements dans les villes sinistrées. La présidente de l’association, Anna Novikova ainsi que ses bénévoles font un travail formidable. Anna prépare pour cet automne un nouveau convoi, elle a besoin d’un second trente tonnes, de matériels, de chauffeurs, de volontaires.
Alors pour ceux qui pensent que le militantisme ne doit pas s’arrêter aux réseaux sociaux, aidez-la, rejoignez-la.
https://www.sosdonbass.org/accueil
Je souhaite remercier le département des relations extérieures de la ville de Rostov pour avoir faciliter notre séjour au Donbass.
Slava Donbass !