Yockey contre Freud

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Pour bien comprendre la position de Yockey quant à la psychanalyse, il convient de rappeler le schéma de l’Histoire qui est le sien. Disciple d’Oswald Spengler, Yockey considère que toute culture, sans exception, arrive à une étape de sa vie où ses « possibilités de culture » sont achevées. C’est à ce moment que « les directions de la vie de la religion, de la philosophie, des arts de la forme » sont créées et atteignent un apogée définitif, lequel précède une époque de remise en question ontologique, assimilable à une forme de décadence irréversible. La culture européenne était parvenue, au temps de Napoléon, à une étape particulière de l’existence de sa culture, celle de la « Civilisation ». La « Civilisation », c’est l’époque de la rationalisation de la conception du monde d’une culture, portée par ses élites et transmise, plus tard, à toute la population. Ce moment de l’Histoire survient après la décadence de la période religieuse, et donc irrationnelle, de son existence. C’est son âge mûr, en quelque sorte. Mais cet âge mûr peut déboucher sur des maladies. Et Yockey nomme celles de la culture occidentale : Le darwinisme, le marxisme et le freudisme, sujet qui nous intéresse aujourd’hui.

C’est dans Imperium (publié en 1948), l’ouvrage qui demeure l’opus magnum de sa carrière militante, que Francis Parker Yockey défendit l’idée selon laquelle Freud était ni plus ni moins qu’un ennemi de la culture européenne traditionnelle.

Pour lui le freudisme « n’a aucune signification culturelle, seulement anti-culturelle. »

A l’égal du darwinisme et du marxisme, que le chantre du nationalisme européen qu’était Yockey présentait comme deux autres manifestations de l’esprit du « matérialisme », et « anti-culturelles » qu’il combattait par ailleurs, le freudisme est une des manifestations de la crise de la « Civilisation »de l’époque de la vie d’une culture caractérisée par une rationalisation intempestive de tous les concepts de la vie. Le freudisme ruinerait lui aussi « les vieilles valeurs spirituelles, sociales, éthiques et philosophiques » et les remplacerait par un « grossier matérialisme ».

La psychanalyse a beau se présenter comme une science, l’adhésion dont il fait l’objet est tout sauf rationnelle, précise Yockey. Les anciennes valeurs de la culture occidentale furent offertes à ce « nouveau dieu, le « criticisme » dont le freudisme est l’une des manifestations les plus extrêmes, aux côtés du marxisme et du darwinisme.

Freud se serait en fait attaqué à « l’âme de la Culture » européenne, et « de front ». Yockey ne donne pas crédit d’un caractère scientifique au freudisme, laquelle est désignée dans Imperium comme véhicule négatif des plus hauts élans de l’âme collective européenne, comme individuelle.

Le père de la psychanalyse se considérait comme l’un des « grands insulteurs de l’humanité ». Sa doctrine porterait, si on en croit Yockey, la marque de son « judaïsme ». Freud, « spirituellement isolé », affirme qu’il ne lui restait pas d’autre ressource qu’une opposition à la société où il vivait et où l’avaient rejoint, aisément, de nombre d’autres juifs.

Yockey désigne la psychanalyse comme « pur produit du Rationalisme », et cette idée s’appliquant à l’âme, on y découvre que celle-ci est purement mécanique et que toutes ses manifestations sont des expressions de « l’impulsion sexuelle. »

C’est justement ce genre de simplification que Yockey juge « admirable et grandiose » parce qu’elle fit le succès commercial du concept et la fortune des psychanalystes. Le freudisme donne comme signification à la vie humaine qu’elle est sexualité. Yockey juge cela « nihiliste ».

Ainsi, « l’homme de Culture » est l’ennemi spirituel de l’adepte de Freud. Et l’auteur d’Imperium ironise : l’existence d’une cathédrale gothique serait pour Freud « une preuve de sexualité gelée. »

Cependant il affirme aussi que « réfuter le freudisme est aussi inutile qu’impossible. Si tout est sexe, une réfutation du freudisme devrait aussi avoir une signification sexuelle. »

Le XXIe siècle devra se débarrasser de l’héritage de Freud, parce que celui-ci a érigé la « dernière tentative d’animaliser l’homme » par le biais de « méthodes critico-rationalistes. L’âme est mécanique elle consiste en une simple impulsion : l’impulsion sexuelle. Toute la vie de l’âme est le processus de ce mauvais instinct mal dirigé, déformé, retournée contre lui-même. »

L’âme serait donc par nature percluse de maladies :

« Décrire les fonctions mécaniques de l’âme est décrire des maladies. Les divers processus sont névrose, inversion, complexes, refoulement, sublimation, transfert, perversion. Tous sont anormaux, malsains, mal dirigés, antinaturels. L’une des vérités dogmatiques du système prétend que tout le monde est névrosé, et chaque névrosé un perverti ou un inverti. Ceci s’applique aussi bien à l’homme de Culture, mais aussi à l’homme primitif. »

Freud considérerait que « l’ennemi est toute l’espèce humaine », dans le sens où l’être humain serait par nature mauvais, la psychanalyse démontrant ses désirs et fantasmes le plus vils.

Il faut donc rejeter intégralement cette doctrine :

« Le freudisme, plus qu’une psychologie, doit être qualifié de patho-psychologie, puisque tout son arsenal terminologique décrit seulement les aberrations de l’instinct sexuel. La notion de santé est complétement dissociée de la vie de l’âme. Le freudisme est la messe noire de la science occidentale. »

Il moque le jargon du freudisme :

« Une partie de la structure du système est l’interprétation des rêves. Les travaux purement mécaniques de « l’esprit » (puisque l’âme n’existe pas) sont décrits par les rêves. Mais pas clairement décrits, parce qu’on a besoin d’un rituel élaboré pour parvenir à la signification réelle. « Censure de la conscience »-le nouveau nom qui est donné à la raison morale de « Kant »-« symbolisme », « répétition-compulsion » »…ce sont les formules cabalistiques qui doivent être invoquées. La forme originale de la doctrine spécifiait que tous les rêves étaient des désirs. »

Toute la doctrine est en fait illégitime, appartenant au passé « malthusien-darwiniste-marxiste. Le freudisme ne fut rien de plus qu’une idéologie ; une partie de l’attaque générale rationaliste-matérialiste contre l’homme de Culture. » et innovante seulement en ce qu’elle propose une « projection dans le futur », mais en réalité déjà dépassée.

Les explications du freudisme sont présentées comme simplistes, donc finalement ridicules :

« La psychanalyse expliquait que le rêve de la mort d’une personne aimée était motivé par une haine latente envers le père, symptôme du quasi-universel complexe d’Œdipe. Le dogme était rigide : si le rêve consistait en a mort d’un chien ou d’un chat domestique, cet animal se transformait en foyer du complexe d’Œdipe. Si on rêve qu’on va oublier ce qu’on doit dire en public, cela est dû au fait qu’on souhaite intimement se trouver dans une situation compromettante. Dans le but d’attirer plus de convertis, y compris ceux ayant la foi la plus faible, on modifia légèrement la doctrine, en admettant d’autres interprétations des rêves, comme celle de la « répétition-compulsion », lorsqu’un type de rêve-peur se répète régulièrement. »

Le monde des rêves, naturellement, reflétait la sexualité universelle de l’âme. Voilà ce que le père de la psychanalyse affirmait. Tout objet qui apparaissait dans un rêve pouvait être un symbole sexuel. L’instinct sexuel « réprimé apparaît dans les rêves, symbolisant, transférant, sublimant, investissant et dirigeant toute l’échelle de la terminologie mécanique. » Et le mécanicisme de Freud est à rejeter parce que mécanicisme, bien sûr.

L’aspect grossièrement commercial et généralisante de la doctrine est soulignée par Yockey. Si on l’en croit les psychanalystes avaient dû, pour vendre leurs services, accepter une certaine prudence :

« Chaque personne est névrosée dans sa vie adulte, et cela n’est pas accidentel, puisque la névrose s’est produite dans son enfance. Les expériences infantiles déterminent (de manière mécanique, puisque tout le processus est anti-spirituel) quelles sont les névroses particulières qui accompagneront la personne en question au cours de sa vie. Rien ne peut être fait pour l’éviter, à part se mettre dans les mains d’un adepte du freudisme. L’un d’entre eux affirma que 98% des êtres humains devaient être soumis au traitement des psychiatres. Ce fut la seconde phase du développement du système, parce qu’en principe cela aurait dû être 100%, mais comme cela se produisit avec la secte des Mormons, la pureté originale de la doctrine dut admettre certaines exceptions pour des raisons tactiques. »

L’existence se réduirait donc, de près ou de loin, qu’au sexe, et cette idée même est détestable :

« L’homme ordinaire qui effectue son travail joue une comédie aux yeux d’un observateur curieux ; il semble faire ce qu’il fait effectivement. Mais, cependant, le freudisme nous dit qu’il le fait seulement en apparence, parce qu’il pense tranquillement à des affaires sexuelles, et tout ce que nous pouvons voir de lui est le résultat de sa fantaisie sexuelle manifestée à travers les filtres mécaniques de la censure de conscience, de la sublimation, du transfert, etc. Si quelqu’un a des désirs, a peur, rêve, pense abstraitement, recherche, se sent inspiré, a de l’ambition, du dégoût, du respect, il ne fait rien d’autre qu’exprimer ses instincts sexuels. L’Art est évidemment sexuel, tout comme la religion, l’économie, la pensée abstraite, la technique, la guerre, l’Etat et la politique. »

Yockey a également proposé une analyse théologique et historique de la naissance et du développement du freudisme : Rien de moins qu’une religion matérialiste née à l’époque du rationalisme triomphant, il s’agirait d’un « stratagème mécanique par lequel l’enfance détermine la forme de la maturité, et transforme tout le développement organique en un processus causal, et ce qui est pire, en un processus diabolique, malade. » La psychanalyse est qui plus est arrivée trop tard, à une époque où l’esprit commun du XXe siècle, plus irrationnel, commençait déjà à s’imposer, pour déboucher finalement sur des régimes politiques antimatérialistes comme l‘Italie de Mussolini ou l’Allemagne d’Hitler. Le mécanisme de cette pensée et son matérialisme « reflètent la perspective du XIXe siècle. Ses références à l’inconscient, à l’instinct, à l’impulsion, etc., reflètent le fait que le freudisme est apparu à un point de transition de la Civilisation occidentale, alors que le rationalisme avait déjà épuisé ses possibilités et que l’irrationnel émergeait de nouveau comme tel. »

Comme le marxisme, le freudisme est en réalité une secte : « elle a sa confession orale, ses dogmes et ses symboles, ses versions doctrinales ésotériques et exotériques, ses convertis et ses apostats, ses prêtres et sa scolastique, un rituel complet d’exorcisme et une liturgie. Apparaissent les schismes, qui aboutissent à la formation se nouvelles sectes, dont chacune prétend être porteuse de la vraie doctrine. Elle est occulte et païenne avec son interprétation des rêves, démoniaque avec son adoration du sexe. Son image du monde est celle d’une humanité névrosée, tordue et pervertie dans la camisole de force de la Civilisation occidentale à laquelle le nouveau prêtre de la psychanalyse tend la main libératrice de l’Evangile anti-occidental de Freud. »

Comme toute croyance, elle aboutit finalement à la haine d’un Autre. C’est la haine « de l’intrus contre tout ce qui l’entoure, tout ce qui lui est complètement étranger, et qui, ne pouvant être changé, doit être détruit. »

L’élite spirituelle de l’Europe de demain, doit donc solennellement balayer ses concepts : « Les meilleurs entendront cet appel, laissant à ceux qui n’ont pas d’âme le soin de s’occuper à dessiner des images de l’âme à la manière de Freud. »

De toute manière, il est facile de repérer une personne « n’ayant pas d’âme » : « Un sataniste voit les choses à la manière de Freud, mais ne peut comprendre celui qui les voit d’une autre manière. » Et de toute manière, au XXe siècle déjà, un matérialiste ne serait qu’un « provincial. »

L’essayiste propose pour finir une ultime certitude, ainsi qu’une prophétie. Puisque l’heure de gloire du freudisme est passée :

« Aucun dirigeant des prochaines décennies ne sera darwiniste, marxiste ou freudiste. »

En effet, ni Darwin, ni Marx ni Freud n’avaient compris l’âme humaine… Et qui croit en eux n’est d’ailleurs que « ridicule, posthume, impuissant et superflu ».

Vincent Téma (vincentdetema@gmail.com), le 11/01/24.

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