En 1865, la guerre civile entre les Yankees et les Sudistes se termine par la défaite des seconds. Le conflit a causé 600 000 décès et a ravagé les États du Sud où, alors que la misère est extrême, les vainqueurs imposent une « reconstruction » à la fois économique, politique et idéologique.
Alors que l’ex-président de la Confédération Jefferson Davis et le général Robert Lee conseillent de serrer les dents et d’attendre des jours meilleurs, alors que d’autres s’engagent dans une résistance qui se structure dans le premier Klu klux klan, un nombre important de Sudistes refusant le nouveau monde où on leur impose de vivre choisissent l’exil. Comme l’écrit l’un des leurs quelques années plus tard : « Nous étions les Sudistes les plus radicaux et les seuls confédérés à ne pas accepter la ‟reconstruction”. Nous sommes partis immédiatement après la défaite et nous n’avons jamais juré allégeance au drapeau yankee ».
Si certains de ces exilés choisissent, à la suite du représentant des intérêts économiques de la Confédération en Europe, Colin McRae, et du frère du ministre de la Guerre du Sud, Joseph Benjamin, de s’établir au Belize, alors nommé Honduras Britannique et colonie anglaise, 40 000 autres font un choix plus idéologique et plus extrémiste et s’expatrient au Brésil.
Ce pays est alors une monarchie impériale depuis 1822 et, si l’on fait abstraction de la différence religieuse, ses valeurs civilisationnelles sont traditionnelles et très proches de celles du Sud que l’empereur Pedro II a d’ailleurs soutenu activement durant toute la guerre civile.
Sa sympathie pour les Sudistes ne cesse pas avec leur défaite, il leur offre de nombreux avantages économiques et fiscaux pour faciliter leur implantation, les exempte de service militaire et garantit leur liberté religieuse. Il pousse même la provocation vis-à-vis des États-Unis jusqu’à aller accueillir en personne les premiers exilés à leur débarquement à Rio tandis que, symboliquement, une fanfare militaire joue Dixie.
Les arrivées s’étalent sur plusieurs années et les voyages par mer ne sont pas toujours sans difficultés. Certains navires coulent corps et biens, soit qu’ils aient été sabotés par des Yankees poursuivant toujours les Sudistes de leur haine, soit qu’ils aient été victimes de fortunes de mer. Il est à noter que certains de ces exilés sont volontairement accompagnés de leurs ex-esclaves auxquels les Yankees viennent pourtant d’accorder la « liberté ».
Si les Sudistes, à qui les Brésiliens donnent le nom de Confederados que leurs descendants ont conservé, s’établissent dans les villes de Rio de Janeiro et de Sao Polo lorsqu’ils ont une profession artisanale ou libérale, ceux qui ont un passé agricole s’enfoncent dans les terres et fondent des colonies jusque dans des régions aussi peu hospitalières que l’Amazonie. Toutefois, la majorité des exilés se rassemblent autour de deux agglomérations qu’ils créent : Santa Barbara d’Oeste et Americana où ils bâtissent des églises baptistes, des écoles anglophones et où ils maintiennent leurs traditions.
Les Sudistes apportent avec eux des outils agricoles alors inconnus au Brésil tels les herses, les charrues à disque, les faneuses, etc., ce qui révolutionne les méthodes de culture. Ils introduisent aussi des variétés végétales toutes aussi inconnues comme le melon d’eau et la noix de pecan qui connaissent un grand succès commercial. Et le Brésil ne peut que se féliciter de son accueil.
Dom Pedro II n’est pas le seul empereur latino-américain à souhaiter accueillir sur ses terres les exilés du Sud. Maximilien du Mexique a été favorable à la cause de la Confédération, après la défaite il assure les vaincus de sa sympathie en leur offrant des terres afin qu’ils puissent s’établir dans son royaume. Un projet de colonie de New Virginia, élaboré avec l’aide de plusieurs ex-généraux du Sud, voit le jour dès la fin de l’année 1865 à Carlota, à mi-chemin entre Mexico et Veracruz. Le succès est au rendez-vous et d’autres implantations sont envisagées près de Tampico, de Monterrey, de Guernavaca et de Chihuahua. Mais les Yankees hostiles à l’existence de l’Empire soutiennent contre lui, dès 1865, les troupes républicaines de Juarez. Celles-ci investissent en mars 1867 la colonie de New Virginia dont les occupants se replient vers la côte atlantique et connaissent un nouvel exil après la chute de l’Empire du Mexique en mai 1867 en choisissant, pour la plupart, de rejoindre leurs camarades de misère au Brésil.
Un siècle et demi et cinq générations plus tard, leurs descendants se rassemblent toujours le 4 juillet à Americana. Là les hommes revêtent l’uniforme gris pour venir saluer le drapeau des Confédérés, écouter des orchestres jouer Dixie, The Yellow Rose of Texas, The Virginia Reel et Gumberland Gap. Là, parmi d’autres regalia sudistes on vend des T-shirts, des mugs et des autocollants proclamant : « Nous n’oublierons jamais ! ». Là on parle encore l’américain avec l’accent trainant du Sud. Cela étant, le politiquement correct joue là aussi son rôle, surtout depuis que les événements de Charlottesvilles ont attiré, négativement, l’attention sur les Confederados. Ils adoptent de ce fait de plus en plus un profil bas et médiatiquement acceptable, au point de refuser de répondre à mes sollicitations quand j’ai rédigé cet article.
Article rédigé pour Réfléchir et agir en novembre 2018.