Dans la commune de Mauvezin-sur-Gupie, ce coin du Lot-et-Garonne ignorée des technocrates, un jeune homme de 18 ans, Lucas Wafflart, s’est levé. Il s’est levé pour racheter la ferme familiale qu’il aimait tant, mise aux enchères.
Son grand-père, agriculteur, avait vu son exploitation sombrer sous le poids des dettes. Mais Lucas, lui, ne baisse pas les bras. Il monte un dossier, sollicite les soutiens agricoles, active la solidarité. Grâce à une cagnotte populaire, à l’appui de la Chambre d’agriculture, de la Coordination Rurale 47 ainsi que de simples citoyens touchés par son combat, il réunit les fonds nécessaires.
C’est ce 21 juin 2025, à l’issue d’une procédure d’enchères publiques organisée par le tribunal de commerce d’Agen que Lucas remporte la mise : 10 045 € pour racheter la ferme familiale. C’est peu, mais suffisant, selon le juge. Une victoire légitime, une leçon d’honneur et de courage.
Mais… la loi permet encore aux charognards de mordre dans la chair des jeunes.
Car le droit prévoit un délai de 10 jours après la conclusion des enchères, au cours duquel n’importe qui peut faire une surenchère de 10 % minimum. Dix jours. Dix jours pendant lesquels la jeunesse française est en sursis, guettée par les vautours.
Et ça n’a pas manqué : un retraité, ancien commerçant local, qui n’a jamais travaillé sur les terres de la famille de Lucas, ni même probablement rêvé d’y vivre a déposé le 30 juin, au neuvième jour, une surenchère à 11 050 €. Un vieux plein d’argent, un retraité qui s’ennuie peut-être, ou qui cherche un placement. Et d’un geste froid, il balaye des mois d’efforts, de dossiers, de nuits blanches et d’espoirs.
Pas besoin d’argumenter. Il a de l’argent. Il peut surenchérir. Et il le fait.
Lucas, lui, est renvoyé à l’angoisse. La vente est suspendue. Une nouvelle audience aura lieu dans 2 à 4 mois, avec un prix de départ majoré. Soit il trouve plus, soit il perd tout. La justice ne lui garantit rien. Ni reconnaissance du travail accompli, ni priorité morale. Seulement la mécanique aveugle d’un droit qui ne protège que les plus liquides. Voilà la réalité. En France, un jeune qui veut racheter une ferme n’a aucun droit face à un retraité qui veut investir pour « le plaisir ».
On a l’habitude d’entendre, notamment de la part de cette génération d’éternels gorets toujours plus avares, que les jeunes seraient des fainéants qui se la coulent douce. Non, ce que veulent les jeunes, c’est de pouvoir travailler dignement sans crainte de se faire voler leur avenir par ceux qui ont déjà tout eu.
A titre de simple rappel, on peut y compter le logement, les aides, les retraites, l’assurance-vie. Et maintenant ? Les terres des braves gens. Tous les pans de la vie économique, tout le confort du train-train quotidien est spolié par les boomers, ces retraités qui imposent leur pouvoir démesuré au reste de la société.
Nous avons observé depuis plusieurs années une guerre de générations, dont nous sommes l’objet. Mais la réalité est plus cruelle encore ; c’est une prise d’otage patrimoniale. Nous vivons dans un pays où est sacrifiée la jeunesse pour que des retraités puissent jouer aux enchères comme d’autres jouent au Monopoly.
Lucas est devenu malgré lui le symbole d’un combat plus vaste : celui de la jeunesse laborieuse contre la vieillesse capitalisée. Qu’il gagne ou qu’il perde à l’audience, une chose est sûre : L’avenir de ce pays ne se reconstruira pas grâce à ses « ogres boomeriens », mais plutôt par cette jeunesse française ambitieuse, à l’image de ce Lucas. Nous connaissons le combat légitime de Nicolas, 30 ans, mais n’oublions pas Lucas, 18 ans.
Étienne Gervais
Source : Institut Georges Valois.