Critique de Il Mito del Sangue de Julius Evola

julius evola

Ce petit volume est une histoire du racisme, depuis les théories du comte de Gobineau et de Vacher de Lapouge, puis de Houston Stewart Chamberlain, jusqu’aux nouveaux développements qu’il a reçu récemment en Allemagne et qui y ont revêtu le caractère d’une doctrine en quelque sorte « officielle ». Le terme de « mythe » n’est pas pris ici dans le sens d’une simple fiction imaginative, mais dans celui d’une « idée qui tire principalement sa force persuasive d’éléments non rationnels, une idée qui vaut par la force suggestive qu’elle condense, et, par suite, par sa capacité de se traduire finalement en action ».

L’auteur, s’efforce d’ailleurs d’être aussi impartial que possible dans son exposé, bien que, naturellement, il ne dissimule pas les contradictions qui existent entre les diverses conceptions dont l’ensemble constitue le racisme, et que parfois il laisse même deviner les critiques générales qu’il aurait à leur adresser, critiques qui portent surtout sur le caractère « naturaliste » et « scientiste » qu’elles présentent dans la plupart de leurs aspects.

A vrai dire, la notion même de race est assez difficile à préciser, d’autant plus qu’on est en tout cas forcé de reconnaître qu’actuellement il n’existe nulle part de race pure ; ce qui est plutôt singulier, d’autre part, c’est que les races ou soi-disant telles qu’envisagent les anthropologistes et les préhistoriens, dont les travaux sont plus ou moins à la base de toutes les théories en question, n’ont plus absolument rien à voir avec les races qui furent reconnues traditionnellement de tout temps ; il semblerait que le mot soit pris là en deux sens totalement différents.

Un point, par contre, ou ces théories se sont totalement rapprochées des données traditionnelles, c’est l’affirmation, si longtemps perdue de vue en Occident, de l’origine nordique ou hyperboréenne de la civilisation primordiale : mais, là encore, bien des confusions et des interprétations fantaisistes ou hypothétiques se mêlent, dans des ouvrages comme ceux d’Herman Wirth par exemple, à la reconnaissance de cette vérité.

Tout cela, au fond, et même dans les éléments valables qui s’y rencontrent, ou, si l’on préfère, dans la façon dont ils sont traités, relève donc certainement bien plutôt de la « recherche » moderne que de la connaissance traditionnelle ; et c’est bien pourquoi le point de vue « naturaliste » qui est essentiellement celui des sciences profanes, ne saurait guère y être dépassé ; quant à savoir ce qui sortira finalement de ce véritable « chaos » d’idées en fermentation, c’est là, assurément, une question à laquelle l’avenir seul pourra apporter une réponse.

René Guénon, Compte rendu de livre, Éditions Traditionnelles, Juillet 1937.

 

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