Charles Krafft, artiste du pop art et mal-pensant

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Le décès du céramiste américain Charles Krafft, le 12 juin dernier, est passé totalement inaperçu en France tant dans le milieu natio que chez les amateurs d’art contemporain. Pourtant notre homme aurait dû recevoir des hommages de ces deux mouvances car il fut, durant de longues années, une valeur sûre et internationale du pop art ainsi que, d’une manière paradoxale, un partisan déclaré du suprématisme blanc et de l’Alt-Right.

Charles Krafft nait à Seattle, en 1947, dans une famille de la classe moyenne. À vingt et un ans, marqué par l’air du temps (on est en 68), il abandonne ses études et rejoint une communauté rurale de hippies où les philosophies orientales et la pratique artistique font bon ménage. Krafft après avoir voulu être poète s’essaie à la peinture. Bien qu’il n’ait jamais étudié les beaux-arts sa réussite est immédiate et il est coopté dans un courant culturel alors très en vue sur la côte ouest des États-Unis, la Northwest School, dont l’inspiration repose sur un mélange de la qualité particulière de la lumière dans la région du Puget Sound avec la philosophie zen. En 1980, Krafft quitte sa communauté pour revenir à Seattle où il devient une des personnalités de la scène artistique, y participant à la création du bientôt renommé Center on Contemporary Art et étant nommé à son directoire.

Mais, il n’est alors qu’un artiste d’audience régionale. Tout va changer au début des années 1990 avec deux événements consécutifs : sa rencontre et son amitié avec Kenneth Howard, le designer connu sous le pseudonyme de Von Dutch, et son initiation à la céramique. Si Howard le convertit au pop art, c’est grâce à des détournements de la céramique bleue de Delft qu’il va connaître une renommée internationale. Ainsi va-t-il produire, toujours dans une céramique bleue de Delft dans laquelle il a parfois intégrée de la poudre d’os humains, de nombreuses assiettes, illustrées de scènes de désastres et de malheurs (dont l’explosion du Hindenburg et le bombardement de Dresde), des théières, des tasses ou des bouillotes ayant la forme d’une tête d’Adolf Hitler, de Kim Jong-Il ou de Mahmoud Ahmadinejad, des bustes commémoratifs d’assassins célèbres dont le fameux Charles Manson, des armes, des caméras de vidéosurveillance, etc. La réussite est immédiate, Charles Krafft expose dans le monde entier, les collectionneurs et les musées s’arrachent ses œuvres. À la même période, il se lie avec les artistes du groupe Laibach et du Neue Slowenische Kunst.

Dans le même temps, notre homme, qui partage les idées suprématistes de Von Dutch, fréquente discrètement la droite radicale américaine. Déjà, durant son adolescence, il a assisté à au moins un meeting du leader de l’American nazy party George Lincoln Rockwell, plus tard il profite d’un voyage en Inde pour rencontrer l’exécuteur testamentaire de Savitri Devi Mukherji, et d’un autre en Roumanie pour se lier avec un des frères de Codreanu. Il est aussi un des proches de Greg Johnson une des figures de l’Alt-Right américaine.

Arrive alors ce qui devait arriver. En 2013, un journaliste découvre le pot aux roses et Charles Krafft subit une campagne de lynchage médiatique. Il se retrouve soudain maudit. Ses œuvres ne sont plus vendues en galeries et ses participations à des expositions sont annulées sous la pression des milices antifas. Ainsi, il est exclu, in extremis, de l’exposition collective « Hey ! Modern art and pop culture » qui se tient à Paris en 2013, mais le catalogue de l’événement publie cependant un long entretien avec lui où l’on peut lire ceci : « Un héros de la vie réelle ? Charles Péguy. Une héroïne de la vie réelle ? Isabelle Eberhardt. Un personnage historique haïssable ? Bernard-Henri Lévy ».

Sa mise à l’écart affecte peu Charles Krafft, au contraire même elle lui donne plus de liberté. Il continue à produire ses porcelaines, les vend lui-même via un site internet nommé Villa Delirium Delft Works (il existe toujours et est accessible à www.charleskrafft.com) et accentue la manifestation de son engagement politique en axant son combat sur le soutien aux révisionnistes emprisonnés en Allemagne.

Victime d’un cancer découvert en 2018, Charles Krafft résiste deux ans et demi avant de rendre les armes.

Christian Bouchet.

Article rédigé pour Synthèse nationale en septembre 2020.

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