Dominique Venner et nous

dominique venner

On commémorera, ce dimanche, le dixième anniversaire du suicide de Dominique Venner. Occasion pour nous de rappeler qu’il n’était pas « un des nôtres », mais qu’il appartenait à un courant politique bien différent.

Texte extrait de Des sans-culottes au Bastion social, histoire du nationalisme-révolutionnaire français

Fils d’un membre du Parti populaire français de Jacques Doriot, Dominique Venner s’était engagé dans l’armée française à 17 ans, « pour fuir l’ennui de la famille et du lycée » et il s’était porté volontaire pour servir dans une unité combattante en Algérie. De retour à la vie civile en 1956, Venner se lança dans l’action politique, pour défendre les français d’Algérie. Cela lui valut plusieurs emprisonnements, dont l’un de dix-huit mois, en 1961-1962.

Dominique Venner participa dès sa démobilisation aux activités du mouvement Jeune Nation, puis de la Fédération des étudiants nationalistes. En juillet 1962, il publia Pour une critique positive[1], critique acerbe des « nationaux » et se voulant le Que faire ? d’un parti national léniniste en gestation. En 1963, il fut à l’origine de la revue Europe Action et de ses comités de soutien[2] qui prirent une part active à la campagne présidentielle de Jean-Louis Tixier-Vignancourt[3], avant de participer à la fondation du Mouvement nationaliste du progrès et du Rassemblement européen de la liberté qui présenta plusieurs dizaines de candidats aux législatives de 1967[4].

En juillet 1967, Dominique Venner renonça soudain, au grand dam de certains de ses partisans, à toute action politique et il vécut désormais de sa plume. Année après année, il publia un grand nombre de livres.

Après avoir dirigé la revue Enquête sur l’histoire (1991-1999), il fonda en 2002, La Nouvelle Revue d’Histoire.

Dans plusieurs de ses écrits, l’historien français Nicolas Lebourg a voulu faire de Dominique Venner une figure essentielle de la mouvance nationaliste-révolutionnaire française, voire celui qui l’aurait portée sur les fonts baptismaux. Rien n’est moins vrai. Si sa brochure Pour une critique positive a pu inspirer la pratique des NR c’est au même titre que le Que faire ? de Lénine, et, pas plus que ce dernier, jamais elle n’a inspiré leur idéologie.

Et, quoi que certains puissent en dire, Dominique Venner ne fut ni NR, ni proche des NR, tant par l’histoire des organisations auxquelles il participa que par la doctrine qu’il développa.

Quand Venner était à Europe Action, au Mouvement nationaliste du progrès ou au Rassemblement européen de la liberté, les NR français militaient quant à eux à Jeune Europe, au Centre d’études politiques et sociales européennes et au Parti communautaire européens et il n’est pas inutile de se souvenir que les relations entre ces deux réseaux n’étaient guère bonnes. Quand Venner abandonna le combat militant les NR français le continuèrent (et ils le continuent encore)

Il y avait nombre de raisons à cela.

La vision ethno-raciale de l’Europe de Venner ne recoupait pas la conception culturalo-géopolitique des nationalistes-révolutionnaires… Son occidentalisme l’amenait à soutenir des pays et des régimes que les NR, solidaires de toutes les luttes de libération nationale, dénonçaient. Son Europe aux cents drapeaux était à l’opposé de la nation européenne conçue sur un modèle jacobin des partisans de Jean Thiriart, etc.

Il est d’ailleurs à remarquer qu’il n’y eut jamais aucune porosité entre les structures auxquelles donnèrent naissance ceux qui se situèrent dans la lignée de Dominique Venner et ceux qui se revendiquèrent du nationaliste-révolutionnaire. Il est, de ce point de vue, une chose qui m’a personnellement frappée : j’ai durant plus d’un quart de siècle occupé un poste de cadre dirigeant au sein du mouvement NR français et durant cette période je n’ai rencontré qu’une seule fois, par pur hasard, Dominique Venner. Je pus constater alors que nous n’avions quasiment rien à nous dire tant nos préoccupations que notre paysage mental étaient différents.

Christian Bouchet.

[1] Ce texte est disponible chez Ars magna.

[2] Lancés le 11 novembre 1964 lors d’une réunion à la salle des Agriculteurs, à Paris.

[3] 5,2 % des suffrages en décembre 1965.

[4] La moyenne de leurs résultats fut de 2,58 % des suffrages exprimés.

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