Un autre point doit être précisé dans un ordre d’idées analogue. Il s’agit de la position à adopter face au nationalisme et à l’idée générique de patrie. Cela est d’autant plus opportun que beaucoup, aujourd’hui, tentant de sauver ce qui peut encore être sauvé, voudraient reprendre une conception sentimentale et, en même temps, naturaliste de la nation, notion étrangère à la tradition politique européenne la plus haute et s’accordant mal avec la conception de l’État dont on a parlé. Abstraction faite que l’idée de patrie est invoquée chez nous, de manière rhétorique et hypocrite, par les factions les plus opposées, et même par les représentants de la subversion rouge, concrètement parlant cette conception n’est pas à la hauteur de l’époque, car d’un côté l’on assiste à la formation de grands blocs supranationaux, tandis que, de l’autre, il apparaît de plus en plus nécessaire de trouver un point de référence européen, capable d’unir, au-delà de l’inévitable particularisme inhérent à la conception naturaliste de nation et, plus encore, au « nationalisme ». Mais la question de principe est plus essentielle. Le plan politique, en tant que tel, est celui d’unités surélevées par rapport aux unités se définissant en des termes naturalistes ce qui est aussi le cas de celles auxquelles correspondent les notions génériques de nation, patrie et peuple. Sur ce plan supérieur, ce qui unit et ce qui divise, c’est l’idée, une idée incarnée par une élite et tentant à se concrétiser dans l’État. C’est pour cette raison que la doctrine fasciste – fidèle en cela à la meilleure tradition politique européenne – accorda à l’Idée et à l’État la primauté sur la nation et sur le peuple, et estima que nation et peuple ne prennent un sens, une forme et ne participent à un degré d’existence supérieur qu’à l’intérieur de l’État. Il faut s’en tenir à cette doctrine précisément dans les périodes de crise, comme période actuelle. C’est dans l’Idée que doit être reconnue notre vraie patrie. Ce qui compte aujourd’hui, ce n’est pas le fait d’appartenir à une même terre ou de parler une même langue, c’est le fait de partager la même idée. Telle est la base, le point de départ.
A l’unité collectiviste de la nation – des enfants de la patrie – sous la forme où elle a prédominé toujours plus à partir de la révolution jacobine, nous opposons quelque chose qui ressemble à un Ordre, des hommes fidèles à des principes, témoin d’une autorité et d’une légitimité supérieures procédant précisément de l’Idée. Bien qu’il soit aujourd’hui souhaitable, à des fins pratiques, d’arriver à une nouvelle solidarité nationale, on ne doit pas s’abaisser à des compromis pour y parvenir ; la condition sans laquelle tout résultat serait illusoire, c’est que se dégage et prenne forme un front défini par l’Idée – en tant qu’idée politique et vision de l’existence. Aujourd’hui précisément, il n’y a pas d’autre voie : il faut que, parmi les ruines, se renouvelle le processus des origines, celui qui, reposant sur des élites et sur un symbole de souveraineté ou d’autorité, unit les peuples à l’intérieur des grands États traditionnels, comme autant de formes naissant de l’informe. Ne pas comprendre ce réalisme de l’idée signifie rester sur un plan qui est, au fond, infrapolitique : le plan du naturalisme et du sentimentalisme, pour ne pas dire carrément de la rhétorique patriotarde.
Et au cas où nous voudrions appuyer notre idée sur des traditions nationales également, soyons très attentifs : car il existe toute une « histoire nationale » d’inspiration maçonnique et antitraditionnelle, qui s’est spécialisée dans l’attribution du caractère national italien aux aspects les plus problématiques de notre histoire, à commencer par la révolte des Communes soutenue par le guelfisme. Ainsi est mise en relief une « italianité » tendancieuse, dans laquelle nous ne pouvons ni ne voulons nous reconnaître. Cette « italianité », nous la laissons bien volontiers à ces italiens qui, avec la « libération » et le mouvement des partisans, ont célébré le « deuxième Risorgimento ».
Idée, Ordre, élite, État, hommes de l’Ordre – qu’en ces termes soit maintenue la ligne, tant que cela sera possible.