Entre conservatisme et lunatic fringe, panorama de l’opposition nationale aux USA

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L’européen d’idées nationales qui est amené à s’intéresser aux droites radicales des États-Unis ne peut que ressentir un malaise dont la raison est double. La découverte, tout d’abord, d’un milieu politique totalement dévasté où les initiatives sérieuses et les intellectuels sont rarissimes, alors que les tenants des idées les plus étranges et des comportements les plus parodiques y occupent le devant de la scène, est gênante voire choquante. Mais pire que cela, il y a l’idée, que l’on ne peut s’empêcher d’avoir, que la situation actuelle de l’opposition nationale aux USA est peut être bien celle qu’elle connaîtra demain en Europe si l’on n’y prend pas garde.

L’agonie de la droite nationale

La droite nationale, sociale et populaire, a connu, aux État-Unis, durant une bonne partie du XXème siècle un développement conséquent dont elle n’a pas lieu de rougir.

Dans l’entre-deux guerres, il faut se souvenir que le célébrissime Ku klux klan compta, selon certaines sources, jusqu’à huit millions de membres lors de son apogée, et qu’il n’était alors nullement la caricature grotesque qu’il est devenu (1).

Et le KKK n’était pas la seule structure d’envergure à rassembler les nationaux américains. Partageant avec lui un isolationnisme neutraliste, une hostilité vive aux puissances d’argent et à une immigration incontrôlée, un certain nombre d’autres mouvements jouèrent un rôle politique indéniable dans les USA des années 1930 comme les Silver shirts de William Dudley Pelley, l’America first party de Charles Lindbergh ou la National union for social justice du père Charles Coughlin.

Tous ces groupes furent soumis, à partir de 1934, aux enquêtes du Special Committee on Un-American Activities (une commission de la chambre des représentants qui s’inquiétait de l’influence que pouvaient avoir l’Allemagne, l’Italie et le Japon, dans la population des USA). Cela eut pour eux des conséquences dramatiques : l’opposition de leurs leaders à la guerre fut l’occasion de procès, pour trahison, qui les réduisirent au silence et virent leur disparition(2).

La « guerre froide » permit le réveil de la droite nationale yankee. Animée par des cadres ayant participé à la Deuxième Guerre mondiale ou à la guerre de Corée, son patriotisme était indiscutable et la mettait à l’abri des investigations de la SCUAA qui se consacra alors à la lutte contre le communisme. L’organisation sans doute la plus emblématique de cette période fut la John Birch Society et des hommes politiques de premier plan comme Barry Golwater (candidat républicain aux présidentielles de 1964) ou George Wallace (candidat démocrate dissident aux présidentielles de 1968) peuvent être considérés comme les figures de proue de la droite de conviction de cette époque.

Celle-ci, déclina rapidement à partir des années 1970, subissant la concurrence tant de la « droite chrétienne » que des néo-conservateurs qui occupèrent progressivement, avec des idées totalement différentes (3), la totalité de l’espace politique patriotique, où n’est plus actifs que le vieux Patrick Buchanan, butte-témoins de ce que fut la véritable droite et le véritable conservatisme américain.

La lunatic fringe : nazis d’Hollywood, anglo-israéliens et klansmen d’opérette

La marginalisation de la droite nationale américaine a eu comme conséquence de laisser le champ libre à des groupuscules activistes qui relèvent plus de la lunatic fringe (4) que de la politique réelle.

Sont ainsi apparus sur le devant de la scène divers mouvements néo-nazis dont les membres manifestent fièrement leur appartenance en arborant des uniformes copies conformes de ceux du troisième Reich. Certains d’entre eux, par une étrange fascination du mal, doublent même leur nazisme d’un satanisme tout aussi parodique. Citons parmi eux James Mason cadre successivement de l’American Nazi Party, du National Socialist White People’s Party et du National Socialist Liberation Front, qui a, in fine, fondé l’Universal Order afin de rendre un culte à Adolf Hitler et au célèbre Charles Manson…

À côté de ces nazis d’Hollywood on trouve les tenants de l’« identité chrétienne ». Issus d’un courant particulièrement aberrant du protestantisme, celui de l’anglo-israélisme, ceux-ci estiment que les anglo-saxons descendent des dix tribus perdues d’Israël et sont donc … le véritable peuple élu de la Bible ! Faisant une lecture littérale de celle-ci, ils attendent aussi comme inéluctable l’Armageddon et la seconde venue du Christ que doit précéder une « grande guerre des races », la Rahowa (racial holy war) à laquelle certains d’entre eux se préparent en établissant loin des villes des communautés, autonomes et racialement pures, censées être les prémisses du monde qui renaîtra après l’apocalypse.

Quant au Ku klux klan, divisé en plusieurs groupuscules concurrents et fort de moins de 8 000 membres répartis en une centaine de sections, il survit tant bien que mal. Suscitant plus la commisération que l’admiration, il n’attire l’attention des médias que par son implication épisodiques dans des affaires de racisme sordide.

Malgré le 1° amendement, une répression sévère

On se souvient que le 1° amendement à la Constitution des États-Unis d’Amérique prévoit que : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse », ce qui devrait permettre aux états-uniens une totale liberté de pensée et de parole. Or, celui qui s’imagine que, de ce fait, la liberté politique règne aux USA est cependant bien naïf et il existe de multiples manières et de nombreuses lois pour faire taire les dissidents.

Les quelques exemples ci-après illustreront la réalité de la « démocratie » à l’Américaine.

Le célèbre David Duke a été condamné, en décembre 2002, à quinze mois d’emprisonnement pour fraude fiscale. Or, il ne s’agissait que d’une erreur de son comptable, qui s’en étant rendu compte avec du retard l’avait lui-même signalée aux services fiscaux qui pour le remercier de sa franchise… poursuivirent son client et le firent condamner à de la prison ferme ! Une manière comme une autre de le discréditer et de l’éloigner quelque temps du combat politique.

Plus grave, le 6 avril 2005, Matt Hale, le leader de l’Église du créateur, un mouvement suprématiste blanc, fut condamné à quarante ans de prison et incarcéré dans le pénitencier fédéral de Florence (où sont gardé les prisonniers les plus dangereux des USA). Qu’avait-il fait ? Rien, ou presque… Poursuivi par la juge Joan Lefkow dans une affaire civile portant sur le nom de son mouvement (déposé comme marque par un groupe religieux concurrent), il s’écria en public « Qui me débarrassera de ce rat ? ». Un indicateur du FBI, infiltré dans son entourage, ayant enregistré cette déclaration, Matt Hale fut poursuivi pour avoir « sollicité des complices pour assassiner un juge fédéral » et condamné, cela en l’absence de toute autre preuve qu’il ait réellement voulu la mort du juge.

Et ce n’est pas tout, quand l’affaire ne relève pas du pénal, il existe des moyens civils de réduire à néant une organisation politique, grâce à l’action zélée des ligues de vertu locales.

La plus active des USA est le Southern Poverty Law Center qui s’est fait une spécialité des procès contre les organisations de résistance nationale afin de les faire condamner à des versements de dommages intérêts qui les font disparaître par banqueroute. L’astuce juridique consiste à trouver un lien (adhésion, abonnement à un journal voire simple fréquentation d’un site internet) entre un individu coupable d’un acte raciste plus ou moins violent et une organisation politique blanche, qui permet de prétendre que si le crime ou le délit ont été commis c’est que leur auteur y a été poussé par ses contacts avec ladite organisation qui est donc conjointement coupable et qui doit donc indemniser les victimes ou leurs familles… C’est ainsi qu’ont disparu l’United Klans of America (7 millions de dollars de dommages intérêts à verser à la famille d’un noir victime d’un lynchage), la White Aryan Resistance (12.5 million de dollars pour un fait similaire), les Christian Knights of the KKK (37.8 million de dollars pour l’incendie d’une église noire), l’Aryan Nations (6.3 millions de dollars pour des coups et blessures infligés à deux individus tentant de pénétrer dans ses locaux), le Ranch Rescue (1 millions de dollars pour avoir capturé des immigrants illégaux et les avoir frappés avant de les remettre à la police !), l’Imperial Klans of America (2.5 millions de dollars pour des coups portés à un adolescents d’origine panaméenne qui insultait des militants lors d’une distribution de tracts), etc.

Il est bien évident que de telles mesures de répression, qui peuvent toucher tous ceux qui s’engagent dans le combat politique nationaliste sont, pour le moins, de nature à faire réfléchir et à dissuader d’agir la plupart de ceux qui le voudraient.

D’où un effet pervers, l’apparition de la leaderless resistance et des « loups solitaires », ces militants qui estimant que tout est perdu, et que l’action politique traditionnelle est devenue aussi impossible que vaine, se lancent dans l’action terroriste. Le plus connu d’entre eux est Timothy McVeigh qui fit 168 victimes en faisant sauter un immeuble fédéral à Oklahoma. Quant au plus récent, il porte le nom de James Wenneker von Brunn et il est, le 10 juin dernier, monté à l’assaut de l’United States Holocaust Memorial Museum de Washington.

Des hommes au milieu des ruines

Notre anti-américanisme rabique nous aurait-il aveuglés ? Ne retiendrons rien de bon dans la droite nationale yankee ? Nous ne sommes pas loin de conclure ainsi et d’estimer que tout y est destiné à finir dans les poubelles de l’histoire.

Tout ou presque. Car quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir de leurs idées on ne peut que saluer les combats fort différents de Patrick Buchanan et de David Duke, voire de dirigeants de groupes plus marginaux (6). On ne peut pas non plus ignorer la persistance du courant paléo-conservateur, ni certaines tentatives culturelles, pas très éloignées par certains aspects d’une Nouvelle droite à la française, comme la revue Tyr ou les initiatives intellectuelles d’un Boyd Rice.

Tout cela en se disant que l’Amérique ayant toujours précédé l’Europe sur la voie de la décadence, il se pourrait bien que la situation de son mouvement national soit demain le nôtre. Ce qui est de nature à susciter bien des cauchemars.

Article rédigé pour Réfléchir et agir en juillet 2009.

 

1 – On lira sur le KKK de cette époque, John Zerzan, Le KKK, un fascisme de gauche à l’américaine, Ars magna, 2008.

2 – Par exemple, William Dudley Pelley, fut condamné à 15 ans de prison et à l’interdiction « à vie » d’avoir une activité politique uniquement pour ses articles critiques sur le déroulement de l’attaque de Pearl Habor.

3 – Alors que traditionnellement la droite américaine était isolationniste, protectionniste, hostile à l’immigration et anti-étatiste, la New right est impérialiste, favorable à une immigration contrôlée et à un étatisme modéré.

4 – Lunatic fringe est une expression péjorative créée pour désigner les mouvements politiques ou sociaux qui développent des idées excentriques et peu rationnelles. En France, par exemple, on peut considérer que des personnalités marginales comme Christian Cotten ou Jacques Cheminade sont représentatives de ce qu’est la lunatic fringe.

6 – Dans Ainsi parle l’extrême-droite américaine (Ars magna, 2005) est rassemblée une série d’entretiens avec les dirigeants les plus lucides et les plus intelligents de celle-ci.

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