Il s’appelait Henri de Man : l’homme du planisme

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Henri de Man (1885-1953) fut une des personnalités politiques belges les plus austères, rigoureuses, honnêtes qui se puisse imaginer.

Il fut l’auteur d’un célèbre Au delà du marxisme (1926) mais aussi de La joie au travail (1927), d’Au delà du nationalisme (même titre que le livre de Maulnier) après guerre, et encore de L’ère des masses et le déclin de la civilisation. Elaborateur d’un Plan du travail dans l’entre deux guerres c’est cette théorie « planiste » que l’on retient généralement de lui. C’est bien évidemment un théoricien constructiviste que la post-modernité qui valorise l’aléatoire et son versant économique à savoir la financiarisation aurait sans doute révulsé.

Comprendre Henri de Man nécessite de lire Après coup, ses curieuses Mémoires (c’est le sous titre) d’un homme de 55 ans, paru en 1941 aux éditions de la Toison d’or. De Man évoque tant des aspects personnels de sa vie, sans la moindre complaisance, que ce qu’il appelle lui-même son « ivresse marxiste », sa découverte de l’Amérique (du Nord), son rôle au gouvernement, son Plan du travail. « Je n’ai pas eu besoin de faire vœu de pauvreté pour rester pauvre » écrit-il. « Je n’ai pas eu besoin de faire vœu d’obéissance pour obéir à ceux que j’avais juré de servir » note-t-il encore.

Accusé de collaboration, son itinéraire est en fait plus complexe. Auteur de textes prônant très clairement la fin de l’animosité entre Belgique et Allemagne après le désastre de mai-juin 1940, il est, dès Pâques 1941, interdit de conférences par les Allemands tandis que son journal Le Travail est interdit de parution. En novembre 1941, une période pendant laquelle l’issue de la guerre n’est généralement pas anticipée comme défavorable à l’Allemagne, ce curieux « pro-allemand » s’exile en Haute-Savoie. Il passe la frontière suisse clandestinement en 1944. Il meurt, avec la femme qu’il avait épousé quelques années plus tôt, dans un accident de voiture en 1953. Il avait écrit : « La mort je ne la crains ni ne l’appelle. Tant mieux si elle me trouve debout, fier devant ceux qui voudraient m’humilier, défiant ceux qui me voudraient faire peur. Sinon, tant pis, puisque c’est tout de même ainsi que j’aurai vécu, que j’ai déjà vécu. Cela me suffira pour mourir sans regrets, et sans remords des coups que j’ai porté à mes adversaires – sauf peut-être le regret de ne pas avoir pu frapper plus fort et plus juste. Ces adversaires, ceux qui auront lu ce livre n’auront pas grand’ peine à les reconnaître. Ce sont les Cafards Empantouflés de Rabelais, les Importants d’Alain, les Bourgeois-Qui-Pensent-Bassement- de Flaubert, les Miséricordieux-Sans Honte et les Beaucoup-Trop-Nombreux de Nietzsche.» (Après coup).

Pierre Le Vigan.

 

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