L’ascension nietzschéenne de l’AfD

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Le succès électoral de l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) dans l’État est-allemand du Brandebourg aujourd’hui, avec 30 % des voix, marque un moment décisif dans l’évolution politique de l’Allemagne, un moment parallèle à la vague croissante de nationalisme conservateur à travers l’Europe de l’Est et l’Europe centrale. Après les autres États d’Allemagne de l’Est, la Thuringe et la Saxe, le Brandebourg est désormais le troisième État allemand où l’AfD est devenu un acteur politique majeur. Cette tendance témoigne du désir profondément ancré de la région de revendiquer sa souveraineté face à l’éthique libérale et cosmopolite de l’Europe occidentale. Regarder ces événements à travers le prisme de Friedrich Nietzsche, c’est percevoir un schisme culturel monumental – un schisme qui décrit l’ancienne division Est-Ouest, mais avec de nouveaux acteurs et des enjeux existentiels. En termes nietzschéens, nous assistons à la montée d’une « Europe de l’Est », non pas en termes géographiques mais dans l’esprit, un bastion des derniers vestiges de force, de résilience et de valeurs traditionnelles, tout comme Byzance se dressait autrefois comme un bastion de continuité, préservant l’héritage de l’Empire romain et du christianisme orthodoxe alors que l’Europe occidentale sombrait dans la fragmentation politique après la chute de l’Empire romain d’Occident.

Nietzsche a fait remarquer un jour que « [l]e peuple allemand, avec un appétit qu’il faut lui envier, continue de se nourrir de contradictions et d’engloutir la “foi” en compagnie de la science… sans montrer le moindre signe d’indigestion ». Cette citation, dans sa pertinence élargie, offre une critique mordante de l’Allemagne occidentale contemporaine, qui s’est laissée dévorer par les contradictions. L’Occident prétend défendre la « liberté », mais il restreint le discours par l’application légale du politiquement correct. Il célèbre la « diversité » tout en homogénéisant les différences culturelles. Le succès de l’AfD dans le Brandebourg et la montée en puissance des conservateurs à l’Est sont une révolte contre cette confusion idéologique, un rejet des paradoxes libéraux qui dominent l’Europe occidentale. Nietzsche pourrait voir dans le succès de l’AfD les prémices d’un peuple refusant enfin d’avaler les contradictions de son époque, affirmant au contraire un rejet clair et décisif du relativisme moral et de la décadence de l’Occident.

Ce dont nous sommes témoins dans le Brandebourg, la Thuringe et la Saxe n’est pas simplement un changement politique, mais une résurgence culturelle. Nietzsche a souvent déploré le fait que « non seulement les Allemands ont entièrement perdu le souffle de la vision qui permet de saisir le cours de la culture et les valeurs de la culture, non seulement ils sont tous des marionnettes de la politique (ou de l’Église), mais ils ont en fait interdit cette même largeur de vue ». Cette idée sonne douloureusement vrai dans le contexte actuel de l’Allemagne de l’Ouest, qui a complètement abandonné les instincts culturels profonds qui ont fait sa grandeur. La montée de l’AfD, cependant, représente une restauration partielle de cette vision – une tentative de se libérer des chaînes de marionnettes de la politique libérale et d’un christianisme creux et institutionnalisé. Cette révolte orientale n’est pas seulement dirigée contre l’immigration de masse ou les disparités économiques. Elle s’oppose également au matérialisme superficiel et à l’impuissance spirituelle qui ont fini par définir l’Occident moderne.

On ne peut ignorer les messages profonds de l’histoire en ce moment. Le fossé grandissant entre l’Est et l’Ouest, aujourd’hui clairement visible dans le triomphe de l’AfD dans l’Est de l’Allemagne, reflète une fracture ancienne, où l’Ouest, une fois de plus, s’enfonce dans la décadence, et l’Est se dresse comme une forteresse de discipline, de croyance et de tradition. Alors qu’Orbán en Hongrie et Poutine en Russie se sont imposés comme des sentinelles de la force conservatrice, le parallèle devient indéniable. L’ascension de l’AfD n’est pas une flambée isolée, mais le signal d’une plus grande transformation à travers le continent – la résurgence d’une Europe de l’Est, résistante, défiante et inflexible face aux illusions mondialistes. C’est là que se trouve la dernière citadelle de l’identité européenne, qui résiste à l’effondrement de l’Occident.

La critique de la modernité formulée par Nietzsche trouve une pertinence effrayante dans l’environnement sociopolitique d’aujourd’hui. Il a parlé d’une malpropreté de l’Allemagne envers elle-même, en déclarant : « Ce qui est appelé “profond”, c’est ce qu’il y a de plus profond : Ce que l’on appelle « profondeur » en Allemagne est précisément cette impureté envers soi-même… Les gens refusent d’être clairs sur leur propre nature ». Ce manque de clarté intérieure est douloureusement évident dans les contradictions de la politique de l’Allemagne de l’Ouest, où le désir d’humanitarisme masque la réalité d’une fragmentation sociale croissante. En revanche, les partisans de l’AfD dans le Brandebourg et au-delà sont clairs quant à leur vision de l’avenir : ils rejettent l’agenda mondialiste, l’immigration de masse et la tyrannie idéologique des élites occidentales. En ce sens, le succès de l’AfD marque la première fois depuis des décennies qu’un peuple allemand, du moins à l’Est, a choisi la clarté plutôt que la malpropreté, l’esprit de décision plutôt que la confusion.

On ne saurait trop insister sur les implications culturelles plus larges de la montée de l’AfD. Nous entrons dans une ère où l’Europe sera à nouveau divisée entre l’Est et l’Ouest, mais cette fois, les rôles sont inversés. Alors que l’Ouest était autrefois le phare de la culture, de la force et de la vitalité, c’est désormais l’Est qui représente le dernier refuge de la civilisation européenne. Pour reprendre les termes de Martin Heidegger, l’Occident a succombé à une « personne à laquelle chaque Da-sein s’est déjà livré », la force amorphe et déliquescente du « ils », une masse qui se définit par son absence de soi. L’Europe occidentale, avec ses élites technocratiques, son fétichisme de l’ouverture des frontières et son adhésion nihiliste au relativisme, s’est abandonnée à ce « ils », dissolvant du même coup tout sens de l’identité individuelle et nationale. L’Est, en revanche, a résisté à cette dissolution. Le succès de l’AfD dans le Brandebourg témoigne de cette résistance, tout comme la vague conservatrice plus large qui balaie la Hongrie, la Pologne et la Russie. À l’Est, nous trouvons des gens qui se souviennent encore de qui ils sont, et c’est dans cette mémoire que réside le potentiel de renaissance culturelle de l’Europe.

Cependant, il ne s’agit pas seulement d’un conflit politique, mais aussi d’un conflit existentiel. Heidegger a dit : « La grandeur de l’homme se mesure à ce qu’il cherche et à l’urgence avec laquelle il reste un chercheur ». Que cherche l’Occident ? Le confort, la facilité et la suppression des conflits au prix de sa propre identité. À l’inverse, que recherche l’Orient ? Un retour à l’ordre, à la tradition et à la défense de son héritage culturel. C’est l’urgence de cette quête, cette volonté de récupérer ce qui a été perdu, qui fait des mouvements conservateurs de l’Est le dernier espoir de l’Europe. Alors que l’Empire romain occidental s’effondrait, Byzance a tenu bon, préservant et défendant le droit romain et la culture grecque – des valeurs qui allaient influencer et façonner la civilisation de l’Europe de l’Est pour les siècles à venir. Aujourd’hui, une dynamique similaire est à l’œuvre. L’Europe de l’Ouest dérive sans but, tandis que l’Est récupère la gloire de l’homme grâce à sa lutte courageuse contre les forces de dissolution.

Le succès de l’AfD dans le Brandebourg n’est donc pas seulement un événement politique, mais le signe avant-coureur d’un changement culturel et existentiel plus profond. Comme les sabots d’argent d’une puissante armée apparaissant dans un royaume valusien oublié, la montée de l’AfD signifie le réveil d’un esprit européen plus profond – un esprit qui refuse de s’évanouir dans les brumes du relativisme et de la décadence. C’est un rejet des « déchets des barbares » (Robert E. Howard), un refus de sombrer dans l’oubli de l’histoire sans se battre. Tout comme les flèches d’or des peuples anciens fendaient autrefois les étoiles, ces forces résurgentes cherchent à éclairer une voie vers l’avenir, alors même que l’Occident s’enfonce dans l’obscurité.

Nietzsche pourrait y voir la dernière grande bataille pour l’âme de l’Europe – une bataille qui déterminera si l’Europe peut à nouveau s’élever à la hauteur de son ancienne puissance brillante ou si elle tombera, oubliée dans les brumes des âges.

Constantin von Hoffmeister

 

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