Fidèle à sa nécrophilie habituelle, la République hexagonale célèbre, loue, commémore Robert Badinter récemment décédé alors qu’à l’aune de la longue durée le bilan de ce dernier se révèle déjà catastrophique.
Le 9 octobre 1981, l’Assemblée nationale supprime la peine capitale et bouleverse par conséquent la hiérarchie des sanctions. Sans châtiment suprême, toutes les peines judiciaires se dévaluent. Ce déclin s’amplifie avec la sotte révision constitutionnelle du 23 février 2007. Quelques semaines avant la fin de son second mandat présidentiel, Jacques Chirac fait inscrire dans la Constitution l’impossibilité de restaurer la peine de mort. Il est cependant étrange que les exécutés ne soient jamais réhabilités. Si l’exécution finale est inacceptable, pourquoi n’y aurait-il pas une ou des cérémonies officielles de réparation envers l’ensemble des condamnés parmi lesquels Louis XVI et Marie-Antoinette, Georges Cadoudal et Louis-Antoine-Henri de Bourbon-Condé, duc d’Enghien, Louis Rossel et Auguste Vaillant, Robert Brasillach et Joseph Darnand, Roger Degueldre et Jean Bastien-Thiry ?
À l’occasion de la disparition de l’ancien sénateur des Hauts-de-Seine (1995 – 2011), le Système médiatique d’occupation mentale n’a pas hésité à tremper dans la désinformation. Le garde des Sceaux de 1981 à 1986 aurait dépénalisé l’homosexualité. Certes, il était âgé, mais pas au point d’être à l’origine de cette abolition acquise en… 1791 ! En 1982, il fait voter la dépénalisation des relations homosexuelles avec les mineurs de plus de quinze ans, y compris avec un adulte, et les met au même niveau que les relations hétérosexuelles dont l’âge avait déjà été repoussé de treize à quinze ans. Or, depuis plusieurs mois, des révélations souvent scabreuses secouent la scène médiatico-artistico-musicale (soit le microcosme bobo gauchiste germano-pratin du Lubéron). L’actrice Judith Godrèche dénonce sa liaison avec le réalisateur Benoît Jacquot quand il avait 39 – 40 ans et elle 14 – 15 ans. En janvier 2021, Camille Kouchner révèle dans La familia grande que son beau-père, le très grand donneur de leçon politiquement correct et ancien collaborateur socialiste de Robert Badinter, Olivier Duhamel, abusait de son frère jumeau. En 2018, d’anciennes militantes de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France), satellite du Parti socialiste, dénoncent des agressions sexuelles commises par les caciques syndicaux. D’autres agressions et harcèlements sexuels surgissent ensuite au Mouvement Jeunes communistes de France (MJCF) et à l’Union des étudiants communistes (UEC). Un an auparavant, un scandale similaire éclatait au sein du MJS (Mouvement Jeunes Socialistes).
Le cas Gérard Miller tourmente aujourd’hui les belles consciences festives et inclusives. L’histrion psychanalyste, proche de La France insoumise, se voit accusé par une quarantaine de femmes de viols ou d’attouchements sexuels sous hypnose. Présumé innocent pour l’heure, ce saltimbanque pathétique n’est jamais en reste dans la dénonciation automatique de l’« extrêêêêêêêêêêêême droite ». Ce gauchiste réside dans un hôtel particulier parisien gagné grâce à la redevance télé des contribuables. Cette gauche-là cumule la nullité, l’indécence et l’hypocrisie. Ses vices sont incommensurables. Elle se disqualifie d’elle-même. Ce systémisme coupable devrait interroger.
Rien n’est en réalité fortuit. Les déviances de la gauche caviar ne devraient pas surprendre d’autant qu’il existe un continuum évident entre ces agissements délictueux, le sentiment d’impunité propre à la « gauche divine » et les dégradations judiciaires opérées sous Badinter et ses successeurs. Laxisme pour les racailles d’en haut et d’en bas; raideur impitoyable pour les honnêtes gens et les militants patriotes.
Robert Badinter a aussi joué un rôle néfaste dans les relations internationales. À la fin de la Guerre froide et au moment de la chute du bloc soviétique, il s’investit dans la mise en place d’un ordre international individualiste cosmopolite qui bafoue la pertinence des identités nationales, populaires et enracinées. Il demeure le président du Conseil constitutionnel (1986 – 1995) qui invalide en 1991 la reconnaissance du peuple corse. Président de la tristement célèbre Commission d’arbitrage de la Conférence de la paix sur la Yougoslavie, Robert Badinter entend faire des États européens des sociétés hétérogènes multiculturalistes.
Au-delà du respect légitime des minorités ethno-culturelles (mais pas seulement !), il sanctuarise par exemple le principe absurde de l’intangibilité des frontières au mépris de toute ethnologie politique sérieuse. Les délires droits-de-l’hommistes de cette commission alimentent largement les conflits dans les Balkans, puis dans le Caucase, en sacralisant par la voie diplomatique des délimitations administratives. Imaginons que la région des Pays-de-la-Loire accède à l’indépendance. L’un de ses territoires, le département de la Loire-Atlantique, réclame cependant son rattachement à la Bretagne. Selon la jurisprudence Badinter, ce rattachement serait impossible, car la demande, assortie d’un référendum favorable, violerait le tracé des nouvelles frontières, quitte à provoquer la colère, la révolte et des heurts sanglants. L’enfer est bien pavé de bonnes intentions.
L’hégémonie du Bien selon l’Occident global (expression plus pertinente que celle d’« Occident collectif ») se révèle en pratique malsaine. Tant en Afrique qu’en Europe et en Asie centrale, l’intangibilité des frontières provoque des contentieux qui disparaîtraient avec des rectifications à très grande échelle des tracés territoriaux. Le redécoupage des frontières au Kossovo, chez les Pays baltes, en Ukraine, pour rester sur le Vieux Continent, serait un acte pacificateur considérable. Grande donneuse de leçon à la terre entière, la « Ripoublique » hexagonale ne respecte pas toujours ses propres principes. Entrée en guerre à la suite des Britanniques en 1939 pour garantir les frontières d’une très grande Pologne qui opprimait Lituaniens et Ukrainiens, elle n’hésite pas au traité de Paris du 10 octobre 1946 à annexer une partie du col du Petit-Saint-Bernard, le plateau du Mont-Cenis, le village de Clavières, les communes de Tende et de La Brigue, les crêtes de Vésubie et de Tinée, la vallée étroite du Mont Thabor ainsi que les hameaux de Libre, de Piène-Haute et Basse, au Sud de la vallée de la Roya, soit quand même plus de 700 km², aux dépens de l’Italie.
Les méfaits du badintérisme frappent jusqu’en Roumanie. Au lendemain de la Révolution de Noël 1989 télécommandée depuis Moscou qui renverse le président national-communiste Nicolae Ceaușescu, Robert Badinter contribue à la rédaction d’une nouvelle constitution au bicéphalisme bancal entre le président de la République et le premier ministre. La Constitution de 1991 est largement révisée en 2003 parce que sa version badintérienne ne correspond pas à l’esprit national roumain. Encore une magistrale erreur de l’ancien avocat que les sicaires médiatiques du Régime occulteront volontiers afin de ne pas ternir la nouvelle icône d’un Hexagone en déclin.
Salutations flibustières !
Georges Feltin-Tracol
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 104, mise en ligne le 29 février 2024 sur Radio Méridien Zéro.