Le monde vu de la plus extrême droite

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Nicolas Lebourg est un historien de l’Université de Perpignan dont un des champs de recherche est le nationalisme-révolutionnaire français. Estimé pour la qualité de ses travaux dans le microcosme de ceux qu’intéressent l’histoire des groupuscules politiques, il était jusqu’à présent uniquement connu pour son blog Fragments sur les Temps Présents, ses articles dans des revues très spécialisées, son DEA sur François Duprat et sa thèse de doctorat sur les NR. Son premier livre Le Monde vu de la plus extrême droite, du fascisme au nationalisme-révolutionnaire, paru en décembre dernier aux Presses universitaires de Perpignan, permet enfin au grand public d’avoir accès à ses écrits.

Dans son introduction, Nicolas Lebourg nous explique comment « l’humiliation de l’échec de l’Algérie française » entraîna la droite radicale française à chercher une nouvelle voie tant pratique qu’idéologique ce qui fit que « deux courants naquirent de cet effort, la Nouvelle Droite et le nationalisme-révolutionnaire. Ils proviennent d’une matrice commune. » Puis, dans les 250 pages qui suivent, l’auteur nous les montre s’influençant mutuellement, jamais loin l’un de l’autre mais toujours dissociés. Au fil des pages, il ne nous cache rien des oscillations idéologiques, ainsi que des avancées et des reculs des sept structures qui constituèrent le mouvement NR des années 1960 à 2002 (Jeune Europe, l’Organisation lutte du peuple, les Groupes nationalistes révolutionnaires de base, le Mouvement nationaliste révolutionnaire, Troisième voie, Nouvelle résistance et Unité radicale) et de leur « internationale » le Front européen de libération.

Ceux qui ont participé, à un moment ou à un autre de leur vie, à cette aventure groupusculaire seront submergés par les souvenirs. Les autres s’interrogeront sans doute : pourquoi tant de dépense de temps et d’argent, pourquoi tant de sacrifices humains, pour, au final, ne faire que labourer la mer et ne jamais rassembler plus de deux à trois cents militants ?

L’auteur leur répond en ces termes : « Au sein même du système politique concurrentiel, les groupuscules trouvent leur importance en leur travail de ̏veilleur̋ et de fournisseur de concepts et d’éléments discursifs aux structures populistes qui ont, quant à elles, accès à l’espace médiatique. » et d’expliquer que les nationalistes-révolutionnaires ont fourni au Front national nombre de ses idées essentielles dont l’anti-américanisme et l’anti-immigration. C’est sans doute dans les pages qu’il consacre à la transformation du Front national d’un parti anti-communiste en un parti anti-immigrationiste que ce livre est en définitive le plus intéressant. Nicolas Lebourg y relate comment ce fut François Duprat, alors dirigeant des Groupes nationalistes révolutionnaires de base, qui imposa ce thème et qui força « la main à J-M Le Pen et aux autres responsables frontistes qui ne croyaient pas en son idée ».

Nicolas Lebourg estime que le nationalisme-révolutionnaire s’est éteint en 2002 lors de la dissolution d’Unité radicale. Sur ce point on ne peut qu’être en désaccord avec lui car il existe toujours des sites, des revues et des organisations qui s’en revendiquent. Leur capacité de production idéologique reste intacte et leur imagination est toujours grande. Il se pourrait bien que ce soit encore dans les esprits de leurs dirigeants que s’élaborent les « concepts et éléments discursifs » qui feront florès demain dans les rangs du mouvement national et populaire.

Nicolas Lebourg, Le Monde vu de la plus extrême droite, Presse universitaire de Perpignan, 2010.

Article rédigé pour Flash en janvier 2011.

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