Le projet de démocratie nationale

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Il y aura bientôt cinq ans, Vincent Vauclin, à la tête de La Dissidence Française, présentait la Liste de la Reconquête aux élections européennes. Sa candidature fit l’objet d’une émission spéciale de « Pavillon noir » mise en ligne sur votre radio préférée vers le 24 mai 2019. Cette initiative judicieuse représenta un grand air frais dans une campagne morne, mièvre et ennuyeuse. Elle recueillit 4 569 suffrages selon les résultats officiels, mais plus en réalité, car, dans l’impossibilité financière d’imprimer un très grand nombre de bulletins, l’impression chez soi a pu être un motif d’invalidation pour un président du bureau de vote sourcilleux sous le prétexte de non-respect du grammage légal exigé.

En août 2020, Vincent Vauclin transforma son mouvement activiste en Mouvement national-démocrate (MND). Il publia au préalable un essai, Reconquête. Manifeste de la droite alternative. Son lancement connut un réel succès avant que l’entrée en politique d’Éric Zemmour brisât son élan initial. Est-ce un hasard si le parti zemmouriste s’appelle Reconquête ! et si son site officiel s’inspira à l’origine fortement de celui du MND ? Ce parasitage                          n’empêche pas le MND de soutenir quelques thèmes essentiels dont la                    « remigration ». Dans l’une des émissions de « La Longue Vue », Maurice Gendre mentionne le projet constitutionnel en faveur d’une démocratie nationale, projet disponible à la consultation sur le site nat.dem.

Le MND ne prétend pas fonder une VIe République. Il préfère reformuler l’actuelle république sur des assises nationales, civiques et référendaires. Il invite à une refonte profonde de la Constitution de 1958. Signalons par exemple que le titre XV qui traite de l’Union dite européenne est supprimé, car le MND ne cache pas sa volonté de « Frexit ».

Certains points envisagés sont excellents tels l’inscription dans l’article 1 de deux nouveaux alinéas. Le premier rendrait la liberté d’expression et le droit d’accès, d’opposition, de rectification et de suppression sur Internet irrévocables. Le second accorderait aux citoyens français le droit de porter une arme. L’article 3 serait complété par l’affirmation que l’armée française repose sur une armée de milice à l’instar du voisin suisse.

Au moment du ravage macronien des retraites, le MND fustigeait par communiqué le recours au 49.3. Ses propositions abolissent bien évidemment cette procédure parlementaire rationalisée. Mais, fait étrange, ne sont pas écartés d’autres éléments liés à ce même parlementarisme rationalisé. L’article 40 stipule ainsi que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». Les articles 47 et 47 – 1 réduisent la durée des débats au Parlement pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale, articles mobilisés pour la dévastation des retraites.

Faut-il comprendre que le MND souhaiterait rejoindre une NUPES subclaquante ? Pas du tout ! L’emploi du référendum remplacerait le 49.3. Si un projet ou une proposition de loi est impossible à adopter en raison de l’opposition irréductible entre l’Assemblée nationale et le Sénat d’une part, ou entre le gouvernement et le Parlement d’autre part, il reviendrait aux citoyens de trancher par référendum ce désaccord. Certes, mais sur quelle version, celle de l’exécutif, celle amendée par le Sénat ou par l’Assemblée nationale ? Y aurait-il un quorum minimal de 50 % de participation afin de valider le scrutin ou bien ignorerait-on l’abstention comme en Suisse ? En cas d’abstention élevée, le texte serait-il finalement adopté ou bien rejeté ?

L’appel au peuple est une bonne chose quand ce dernier se pense en sujet politique. Or, Carl Schmitt l’a annoncé très tôt, nous sommes à l’ère de la dépolitisation. On dit souvent que les gens ne pensent politique que cinq minutes par jour. Erreur ! Ils ne pensent politique que deux minutes trente par an (et encore !). Sans une démopédie permanente et répétitive, le référendum se révèle aujourd’hui improductif et même hasardeux.

La fin du 49.3 s’accompagne de l’entrée constitutionnelle du scrutin proportionnel de liste. Dans ses mémoires, Michel Debré rapporte que le général De Gaulle ne voulait pas y souscrire. Il estimait avec raison que le mode de scrutin peut changer si cela sert les intérêts de la majorité sortante. Le MND conserve, hélas !, les députés des Français à l’étranger et n’abolit pas la double nationalité, surtout si la France sort de l’Union supposée européenne. Quant au Sénat, ce serait une assemblée de 348 maires tirés au sort. Pourquoi ne pas fusionner la haute-assemblée avec l’inutile Conseil économique, social et environnemental et en faire un Sénat des pays et du travail ? Belle initiative en revanche que d’exiger de tout parlementaire un serment prêté à la nation (et non à la République !). Mais pourquoi ne pas l’étendre aux élus locaux ainsi qu’aux membres de l’exécutif ? Le septennat serait rétabli avec une seule réélection consécutive permise. Outre le pouvoir référendaire de trancher et la possibilité de proposer une loi par pétition, un cinquième des électeurs inscrits pourrait déposer auprès du président de l’Assemblée nationale une demande argumentée de traduire le chef de l’État devant la Haut-Cour de Justice pour haute-trahison. Le président du Sénat reste président de la République en cas d’intérim alors qu’il serait plus cohérent que l’intérim revienne au Premier ministre.

Le projet de révision constitutionnelle du MND comporte en outre d’autres imperfections et lacunes. Plus exactement, il conserve des parties entières qui brident la souveraineté nationale et populaire. Le Conseil constitutionnel garde sa faculté d’interprétation nuisible fondée sur le préambule qui se réfère à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au préambule de la Constitution de 1946 et à la Charte de l’environnement de 2004. La limitation stricte des attributions de cette institution parajudiciaire impliquerait que l’article 16 revienne à sa version originale et que soit retiré le titre XI bis sur le défenseur des droits à moins que soit créé un « tribun du peuple » compétent pour recevoir les pétitions des citoyens.

Le MND se réclame de la subsidiarité. Or, la révision ne l’évoque guère. Demeurent toutefois dans le titre XII sur les collectivités territoriales, les articles 72 – 3, 72 – 4, 73, 74 et 74 – 1 qui s’appliquent aux collectivités d’outre-mer. Ces articles esquissent maladroitement une éventuelle subsidiarité imparfaite. Et puis, se maintient le titre XIII sur les dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie, ce qui introduit de facto un embryon de fédéralisme institutionnel surprenant au cœur même de l’État-nation centralisateur ethnocidaire.

Plus grave, la révision avancée par le MND n’attaque nullement le bloc de constitutionnalité progressiste – inclusif – cosmopolite. La France peut-elle retrouver sa pleine et entière souveraineté si perdure l’article 53 – 1 qui coordonne avec les autres États européens les demandes d’asile, si l’article 53 – 2 la soumet toujours à la Cour pénale internationale et si l’article 66 – 1 interdit toute restauration de la peine capitale ? Pis, l’article 55 ne change pas. La Constitution de 1958 a été écrite en moins de trois mois dans l’urgence des événements d’Algérie. Charles De Gaulle et Michel Debré doivent composer avec les hiérarques socialistes et démocrates-chrétiens de la défunte IVe République, d’où des concessions que réprouve René Capitant alors en poste à Tokyo. Il s’indigne de son existence qui assure que « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ». N’est-ce pas contradictoire avec le « Frexit » revendiqué ? Reste enfin en place la formule pernicieuse que « la forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision ».

Il manque pour conclure à cette révision façon MND deux apports déterminants dans une perspective anti-mondialiste. Le premier serait d’intégrer dans la Constitution la dissuasion nucléaire française qui ne dépend pour l’instant que d’une série de décrets aisément modifiables. Son inscription prouverait la volonté définitive de la France de rester une puissance indépendante et souveraine. Le second porterait sur les libertés publiques avec le droit incompressible de régler tous ses achats en espèces. Le paiement en espèces a mauvaise presse. Il favoriserait la fraude fiscale, le travail au noir et les activités illicites. Malgré ces désagréments, l’argent liquide est plus que jamais le meilleur gage du respect de la vie privée de tout un chacun. En ce sinistre temps panoptique cher à Big Brother, ce ne serait pas négligeable.

On ne s’étend pas enfin sur la nécessaire réforme de l’autorité judiciaire, et non du soi-disant pouvoir judiciaire. La magistrature doit rendre des comptes au peuple souverain et à ses représentants, quitte à oublier son inamovibilité.

Le projet de démocratie nationale n’est donc pas à récuser à la condition qu’il se détourne avec force du scrofuleux « État de droit » et qu’il établisse un « État de l’ordre civique ».

Salutations flibustières !

Georges Feltin-Tracol

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 95, mise en ligne le 5 décembre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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